Le photographe, réalisateur, militant écologiste et président fondateur de la Fondation GoodPlanet s’est rendu la semaine dernière à la COP26 de Glasgow. Habitué aux sommets internationaux sur l’environnement depuis 30 ans, il partage une forme de désillusion sur la portée des négociations climatiques tout en saluant l’engagement inlassable des ONG et le dynamisme de la jeunesse.
[À lire aussi La climatologue Corinne Le Quéré : « ce n’est pas parce qu’on a pas tout ce qui est nécessaire dans le Pacte de Glasgow qu’on avance pas » et Le climatologue Jean Jouzel à propos de la COP26 : « l’absence d’avancées sur des sujets cruciaux efface les progrès sur quelques points techniques »]
« Depuis l’échec de Copenhague en 2009, je ne crois plus aux COP. L’exercice est convenu. Le sujet de fond, à savoir limiter les émissions de dioxyde de carbone provoquées par les énergies fossiles, n’est pas traité parce que personne n’a envie de renoncer à la croissance ou de limiter son usage de l’énergie. La croissance dépend en grande partie de notre consommation d’énergie fossile », estime Yann Arthus-Bertrand. Il s’est rendu à Glasgow afin d’y présenter son dernier film Legacy dans sa version anglaise qui est doublée par le chanteur Sting. Une projection officielle a été organisée durant la COP26.
C’est ainsi que, à l’invitation du Prince Charles, Yann Arthus-Bertrand a passé une nouvelle fois quelques jours au sommet pour le climat entre le sommet officiel avec la zone des négociations, celles de la société civile et les rues pluvieuses de la ville écossaise. « Cette année, j’ai trouvé que les ONG étaient mal mises en avant par rapport à d’habitude. La zone verte, celle de la société civile était surtout celle des entreprises. C’était étonnant d’y voir des formules 1 électriques exposées et et un avion électrique fabriqué par Rolls Royce ainsi qu’un gros stand de l’Arabie saoudite, cet énorme producteur d’énergie fossile, dont la présence semble indécente. Cela donne l’impression que rien ne change, qu’on ne sait pas faire autrement. En dépit des rapports du GIEC, qui devraient pour tous être le début d’une prise de conscience que notre modèle économique est à revoir en profondeur, j’ai l’impression que tant que les énergies fossiles seront « en open-bar » tout sera comme avant ou qu’on cherchera juste à faire pareil mais en plus vert. On sort de là en se disant qu’on encore très très loin d’un changement de modèle de croissance décarbonée «
Il déplore les difficultés liées à l’hébergement et aux règles sanitaires qui ont rendu encore plus compliqué cette COP- qui se tient avec un an de retard en raison de la pandémie. Il regrette donc que la société civile ait été mise en retrait : « dans la zone bleue où se tiennent les négociations, j’ai assisté à un débat sur le Bangladesh où seul des officiels comme des ministres ou des parlementaires ont pris la parole. On aurait aimé qu’un paysan témoigne de ce qu’est la réalité du réchauffement pour lui et ses semblables ».
[À lire Bertrand Piccard et la fondation Solar Impulse ont identifié plus de 1000 solutions écologiques : « il faut de nouvelles technologies pour ne pas demander à la population des efforts impossibles à tenir » et Le point de vue d’un écologue : la poursuite de la croissance économique est incompatible avec la préservation de la biodiversité]
La mobilisation citoyenne pour le climat dans les rues de Glasgow, une source d’espoir
Après, ce premier jour en demi-teinte, est arrivé la journée du samedi avec les marches pour le climat. « Manifester avec des gens pour la même cause, ça fait du bien. » C’est que le photographe se reconnait plus dans les attentes de la jeunesse : « je suis plutôt du côté de Greta [Thunberg]. Il y a trop de blabla. On parle toujours des solutions scientifiques et technologiques sans jamais vraiment parler de réduction des émissions des pays riches, ni de sortir de l’addiction à la croissance. »
La fresque du climat
Le photographe a passé un moment avec les jeunes bénévoles de la Fresque du Climat, une animation ludo-éducative destinée à expliquer le réchauffement climatique sous forme d’un jeu et d’une fresque à compléter. Lors de la manif ou à proximité de la COP, Ces 160 jeunes militants venus à Glasgow l’ont marqué par leur engagement. »Ils arrêtaient les gens pour jouer. Sous des parapluies, on voyait des gens en costume cravate prendre quelques minutes avec eux. Leur projet est formidable !« , s’enthousiasme Yann qui célèbre leur entrain et leur énergie.
[Le site de la Fresque du climat. De plus, découvrez les ateliers Fresque du Climat proposés par la Fondation GoodPlanet]
Pour l’anecdote, Yann raconte que Laurent Fabius, un des architectes de l’Accord de Paris qui vise limiter le réchauffement à deux degrés Celsius, est venu le voir pour lui dire que ce n’était pas bien d’affirmer que les COP ne servent à rien, en effet, elles permettent d’éviter d’aller vers un monde à 4 degrés au profit d’un réchauffement limité à 2,4 degrés, selon les dernières estimations des experts du climat… « Au final, on ne sait pas encore si la COP26 sera ou non un échec, mais le fait que le constat alarmiste soit de plus en plus partagé et le dynamisme des jeunes et des militants engagées pour la cause climatique m’a redonné espoir. Beaucoup de gens veulent que ça change », conclut Yann.
Julien Leprovost
30 minutes pour comprendre la COP 26 ! à la Fondation GoodPlanet par Matthieu Jousset, directeur d’Action Carbone Solidaire. Samedi 13 novembre 2021 15h30 à 16h15
La vidéo coup de cœur de Yann : l’intervention de David Attenborough à la COP26
À lire aussi sur GoodPlanet Mag’ pour mieux comprendre la COP26
COP26 : les « bandes du climat », symbole alarmant de 170 ans de réchauffement
Yann Arthus-Bertrand : « le jour où l’un des gorilles de Dian Fossey a soigné mon lumbago »
« Ça me ronge »: du Bangladesh au Nigeria, une génération angoissée par le climat
La COP26 engrange des engagements sur les énergies fossiles
La COP26 va s’engager à enrayer la déforestation
Quels enjeux pour la COP26 de Glasgow ?
L’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques, selon le prochain rapport du GIEC
Qu’attend l’Afrique de la COP26 ?
On ne pourra pas achever la transition écologique sans réguler la mondialisation
La charge de la dette externe, une entrave à l’action climatique des pays les plus pauvres
8 commentaires
Ecrire un commentaire
Henri DIDELLE
»COVID, COP » MËME COMBAT…
Pour sortir des ces 2 problèmes il faut que le monde le veuille. A mon avis c’est aussi simple que cela… en théorie !!!
On ne pourra pas résoudre ces 2 problèmes si on n’associe pas intimement les riches et les pauvres. Dans les faits seuls les riches détiennent le pouvoir de vacciner tout le monde et de dépolluer le monde.
En théorie c’est possible mais en pratique c’est impossible. On nous dit qu’il faut agir très vite alors que certains des plus gros pollueurs demandent un délai de 30 à 50 ans pour d’abord terminer leur croissance exponentielle… (voir Chine, Inde, USA, Australie…). Dans ces conditions l’affaire est pliée.
La 6ème extinction ça n’est plus de la science-fiction.
Claude Bruhin
Bravo Yann!
J’ai apprécié ton compte-rendu de la COP26
Amitiés
Claude Bruhin
Alain L.Connan
Tant que nous n’aurons pas trouvé les moyens de revenir à une population mondiale en conformité avec les possibilités de la planète et le respect des autres espèces bien malmené…. c’est foutu !!! Vaste programme pour le Sapiens Sapiens !!
Balendard
Mon fils Jean-Luc habitant à Zurich en Suisse est photographe comme vous Yann. Ceci pour vous dire que en quelquesorte, vous faites partie de la famille.
Il y a un aspect de l’énergie que je souhaiterais partager avec vous. Celui qui consiste à dire que pour satisfaire les 3 piliers du développement durable à savoir:
– l’économie pour réduire la dette
– le social pour atténuer la pauvreté et
– l’environnement de telle sorte que chacun d’entre nous vive dans un monde équilibré et favorable à sa santé comme le stipule notre constitution, nous allons devoir prendre en compte le fait que dans l’abréviation SWE de « Solar Water Economy », il y n’y a pas que S comme soleil et W comme water (ou eau) mais qu’ il y a aussi E comme économie.
Au moment où nous commençons à comprendre qu’il nous faut changer de chaîne énergétique pour alimenter notre voiture et qu’il va falloir aussi le faire pour alimenter notre habitat, la fiscalité associée à la nouvelle forme d’énergie thermique que nous allons devoir mettre en place va devoir réduire les inégalités et tenir compte de l’aspect social. Ceci en ne se contentant pas d’augmenter le prix des produits fossiles comme nous commençons d’ailleurs à le faire mais en diminuant dans le même temps celui de l’électricité d’origine solaire. Voir à ce sujet un projet de fiscalité allant dans le sens du rééquilibrage du prix de l’énergie qui devrait selon moi être mis en place pour des raisons sociales dans le cadre d’une climatisation de l’habitat assurée par la thermodynamique et l’eau:
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/incitation-ENR.htm
Lété
Les propos de Yann Arthur-Bertrand corresponde exactement à ça que je pensait à propos de la cop26… Comme quoi !!!
Ce n’est pas la chose premières des politiques qui a mon avis se fiche éperdument de l’avenir de la race humaine , eux ils ne seront disparus….
Je pense aussi qu’en aucun cas ils faut faire confiance aux politiques toutes confondues, c’est gens parlent beaucoup et mentent beaucoup en voulant vous persuadé,. Si nous voulons des changements c’est à nous de les faire sans attendre des décisions ou des lois qui risquent de mettre des décennies avant de voir le jour où peut être même jamais.
Si l’homme reste faible face aux dirigeants mondiaux c’est mort d’avance en nous rentrerons dans une extinction massive et irréversible. Le phénomène et pourtant très simple à comprendre si l’on considère que notre planète a encore environ 5 milliards d’années de vie avant de s’éteindre, pensez vous sincèrement que l’espèce humaine iras jusqu’au bout ?
Peter
Les politiciens font des promesses pour 20 ans plus tard, mais leurs mandats ne durent pas 20 ans, donc leurs promesses n’ont aucun sens.
C’est à nous, le peuple du monde à faire notre parte. Combien de foyers par exemple (peut-etre vous aussi en train de lire cette commentaire) sont en tee-shirt dans une maison chauffé à 20° pendant qu’il fasse très froid dehors? Malheureusement, trop peu de gens sont vraiment pret à sacrifier leur confort de vie.
Merci encore Yann.
Balendard
Pour Peter
Suite à la corrosion avancée de son réservoir fioul mon ami Pierre a pris la décision il y a maintenant plus de 10 ans de remplacer sa chaudière fioul par une pompe à chaleur air eau. Voir à ce sujet
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/WA-substitution-air.pdf
les performances seraient sensiblement deux fois supérieures en échangeant sur l’eau mais le dispositif en place s’est avéré être fiable avec une bonne moitié de l’énergie consommée prélevée sur l’air. Et cela avec un confort de vie comparable à celui du fioul
Balendard
Les odeurs de fioul en moins