Yann Arthus-Bertrand : « le jour où l’un des gorilles de Dian Fossey a soigné mon lumbago »

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Un gorille remet en place le dos de Yann Arthus-Bertrand Photos DR
Dian Fossey en 1985- Rwanda © Yann Arthus-Bertrand

À l’occasion de la journée mondiale de l’environnement, Yann Arthus-Bertrand a souhaité rendre hommage à une figure de la lutte pour la protection animale, la primatologue spécialiste des gorilles Dian Fossey, que Yann a eu le bonheur de rencontrer quelques jours avant sa mort, en décembre 1985 au Rwanda. Yann raconte cette rencontre avec une héroïne de l’écologie qui a marqué son existence. Il partage aussi les images de son reportage. Aujourd’hui, plus de 604 gorilles de montagnes vivent dans le parc des Virungas alors que leur population était estimée aux alentours de 250 individus dans les années 1970. Malgré ces progrès, l’espèce reste encore menacée d’extinction, selon la Liste Rouge de l’UICN.

Dans quel contexte as-tu rencontré Dian Fossey ?                                              

J’ai reçu une commande du magazine « ça m’intéresse » qui souhaitait un reportage sur elle. Je n’avais pas encore 40 ans, j’étais photographe animalier, pour moi c’était un rêve de rencontrer une telle scientifique dans la réserve qu’elle avait créée au Rwanda. Malheureusement, juste avant mon départ, je me suis fait très mal au dos. Je suis parti tout de même, mal en point et gavé de paracétamol.

À cette époque, Dian Fossey avait 53 ans et était installée en Afrique depuis de nombreuses années. À quoi ressemblait son camp près des gorilles ?

Elle vivait dans une maison en bois, très simple, avec des photos de gorilles partout. Mais elle était affaiblie : elle souffrait d’un cancer du poumon, était essoufflée et ne pouvait plus aller dans la montagne voir les gorilles. Elle était un peu amère également, car ses travaux n’étaient pas encore reconnus et aussi parce qu’elle devait continuellement chercher de l’argent pour les financer. Et puis elle n’avait pas très bon caractère ! Mais elle m’a reçu très gentiment : je me souviens qu’elle avait préparé un gâteau au chocolat.

Si elle ne pouvait plus grimper, tu es donc allé voir les gorilles tout seul ?

Oui, avec deux conseils : ne pas les regarder en face et éviter de s’approcher des petits. Je les apercevais au loin quand il s’est mis à pleuvoir et je me suis installé dans une clairière, trempé, me demandant un peu ce que je faisais là. Et puis la pluie s’est arrêtée et ils sont venus se sécher dans la clairière. Je les avais autour de moi, énormes. Un mâle a fait une parade d’intimidation, je n’ai pas bougé et je baissais les yeux. D’autres se sont approchés, ils ont fouillé dans mes poches. Et puis l’un d’eux a posé sa tête sur mon pied et s’est endormi en ronflant ! C’était incroyable… J’en ai pleuré d’émotion. Pendant un certain temps, je n’ai même pas pris de photos, j’ai vécu pleinement cet instant magique. Dian m’a confirmé que j’avais été chanceux d’observer un tel comportement. Je suis retourné à la rencontre des gorilles tous les jours pendant 2 semaines.

Reportage sur Dian Fossey et les gorilles en 1985- Rwanda © Yann Arthus-Bertrand

Tu racontes souvent une anecdote à propos de ton mal au dos ? Que s’est-il passé ?

Je souffrais encore beaucoup après plusieurs jours : le « garde sorcier » de Dian avait bien dit des incantations et il m’avait même massé, mais ça n’avait pas été très efficace… Lors d’une sortie, un mâle a profité de l’absence du mâle dominant pour me faire à son tour une parade d’intimidation et m’asséner un grand coup sur le dos ! Ce jour-là j’étais monté avec un scientifique qui a immortalisé l’instant. En fait, le gorille a dû me remettre une ou deux vertèbres en place : je n’ai plus eu mal après son intervention !

Dian Fossey te demandait-elle des comptes-rendus ?

Elle m’avait demandé de photographier chaque individu, et de récolter leurs crottes aussi, à partir desquelles elle pouvait les différencier et savoir s’ils souffraient de certaines maladies. Le soir, elle projetait des diapositives et me montrait tel ou tel gorille en me demandant si je l’avais vu dans la journée.  Elle m’a fait visiter le cimetière qu’elle avait installé pour eux près de son camp, et où elle est enterrée. Elle y repassait régulièrement au feutre les noms des animaux, qui s’effaçaient sur les tombes en bois.

Reportage sur Dian Fossey et les gorilles en 1985- Rwanda © Yann Arthus-Bertrand

Dian a été assassinée deux jours après ton départ. Que t’évoque-t-elle encore aujourd’hui ?

Pour moi, elle est une héroïne de l’environnement, comme Jane Goodall avec les chimpanzés ou Biruké Galdikas et les orang outangs. On appelait d’ailleurs ces trois primatologues les « Trimates » . Dian a valorisé une approche des animaux par les sens, elle a vécu sur leur terrain : sur le plan scientifique, c’était très nouveau. Et elle n’a jamais renié l’attachement qu’elle avait pour eux. Après sa mort, son visage a été imprimé sur des billets de banque : elle est devenue une figure aimée des Rwandais et son travail a enfin été reconnu.

Propos recueillis par Sophie Noucher

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Reportage sur Dian Fossey et les gorilles en 1985- Rwanda © Yann Arthus-Bertrand

 

4 commentaires

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    • florence HETREAU

    just amazing!!!!! Ifeel great emtion looking at these pictures! fascination and respct for a woman who gave life for gorilas protection !

    • HURT Marie Thérèse

    Magnifique, que cela fait du bien de voir ces animaux si intelligents et qui devraient nous inspirer. Merci pour ce reportage.

    • Yves Lanceau

    Merci Yann pour ce partage.

    • Hernan

    Tout simplement merveilleux, et encourageant pour continuer à croire et à travailler dans le bon sens.