Quels enjeux pour la COP26 de Glasgow ?

COP26 enjeux

Centrale au charbon à Shanghai. © Hector RETAMAL / AFP

La COP26 se déroulera à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 2021. Au terme de 2 semaines de négociations entre États, ce sommet pour le climat doit déboucher sur un accord afin de mettre en œuvre l’Accord de Paris. Son ambition est de limiter le réchauffement climatique à 2°C, ce qui demande aux États de renforcer leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Retour rapide sur plus de 30 ans de négociations climatiques, puis bilan et perspectives pour la tant attendue COP26.

COP, saison 26, le résumé des épisodes précédents

Année après année, les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les alertes des scientifiques et des écologistes, les catastrophes naturelles, la fonte des glaces ou les canicules estivales rendent de plus en plus tangible le réchauffement climatique. Le phénomène est passé du statut de menace un peu lointaine à celui de réalité concrète.

Pourtant, déjà, dans les années 1980, des scientifiques alertaient sur le dérèglement du climat. En 1988, le GIEC est créé afin de donner aux décideurs de tous les pays les clefs pour comprendre les mécaniques climatiques, disposer d’informations fiables précises sur ce qui se passe, réfléchir aux moyens d’agir. Bref, faire en sorte que la science éclaire les décisions politiques.

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Puis, en 1992, dans la foulée du sommet de la Terre de Rio, qui a popularisé le concept de développement durable, est mise en place la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Les états-signataires se réunissent lors des COP (conférence des parties). Ils ont d’abord reconnu l’existence du problème que constitue le réchauffement. Depuis, ils tentent de trouver collectivement des solutions. En effet, même si les émissions de gaz à effet de serre sont d’abord le fait des pays industrialisés, leurs répercussions n’épargnent personne.

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Depuis 35 ans et la première COP à Berlin en 1995, les États du monde essayent donc de s’accorder sur des solutions au travers de sommets et de négociations internationales sur le sujet. Ces réunions sont critiquées pour la lenteur des processus et une forme d’inefficacité, elles ont cependant le mérite d’exister, de porter l’attention sur le climat et de faire avancer la lutte contre le dérèglement climatique, combat qui pourra être gagné qu’à condition d’un large consensus.

En dépit de la complexité du sujet, l’idée d’un accord sur le climat partait sur de bonnes bases. Quelques années plus tôt, grâce au Protocole de Montréal en 1987, le monde était parvenu à un consensus sur l’abandon des gaz chlorofluorocarbones (ou CFC employés dans les aérosols et les systèmes de refroidissement) responsables de la dégradation de la couche d’ozone qui protège la Terre d’une partie du rayonnement ultraviolet du Soleil.

C’est donc en 1997, 5 années seulement après le Sommet de la Terre, lors de la 3e COP à Kyoto qu’une esquisse de solution se profile. Le Protocole de Kyoto constitue le premier accord sur le climat. Il prévoit en effet que les nations industrialisées réduisent leurs rejets de gaz à effet de serre tout en aidant les autres pays à se développer sans polluer. Il s’agit du premier accord international sur la question avec des objectifs de réduction et des mécanismes financiers pour y parvenir. Ce point de départ a fondé l’architecture des mécanismes de lutte contre le réchauffement qu’on connaît encore. Il souffre néanmoins du désengagement des États-Unis. Ces derniers, alors premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, ont bien signé le Protocole de Kyoto, mais ne l’ont pas ratifié. Le président Georges W Bush estimant que de tels engagements remettaient en cause « le mode de vie américain ».

La communauté scientifique est dans l’ensemble certaine des phénomènes climatiques et de leurs impacts futurs. Mais, quelques années seront nécessaires afin qu’un consensus se forme dans l’opinion publique autour de la réalité du réchauffement et de ses origines anthropiques, c’est-à-dire humaines. Ces deux dimensions ont été contestées pendant un temps dans les médias par une minorité dite climato-sceptique et les défenseurs des énergies fossiles. Toutefois, en 2007, le prix Nobel de la Paix récompense le GIEC et l’ancien vice-président des États-Unis Al Gore pour leur engagement en faveur du climat.

Élu en 2008, Barack Obama, le successeur de Georges W Bush, engage les États-Unis dans l’action climatique. Mais, cela ne suffira pas puisqu’en 2009, lors de la COP15 de Copenhague, la communauté internationale peine à s’accorder sur le devenir du Protocole de Kyoto. Doutes dans l’opinion, émergence de nouvelles puissances économiques dont l’assisse repose sur un recours massif aux énergies fossiles, négociations qui patinent ont fait perdre quelques années à la lutte contre le réchauffement.

Finalement, en 2015, suite à la COP21, l’Accord de Paris entérine l’objectif de limiter à 2 degrés Celsius le réchauffement d’ici la fin du siècle et de faire le maximum pour ne pas franchir le seuil des 1,5 °C.

Le monde a changé

Initialement prévu en 2020, la COP26 a été reportée en raison de la pandémie de Covid-19. La crise sanitaire complique son organisation. Le Royaume-Uni s’est engagé afin de faciliter l’accès au sommet aux représentants de tous les pays en offrant notamment des vaccinations. La pandémie, en raison des confinements et d’une mise à l’arrêt partiel de l’économie, a entrainé une chute historique de 6,4 % des émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2020. Cela a démontré qu’il était possible de diminuer les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, cependant la reprise a vu les émissions repartir à la hausse…

De plus, depuis les débuts des négociations climatiques, il y a 30 ans, les rapports de force ont changé. Les pays industrialisés ont pu réduire une partie de leurs émissions de CO2 grâce à des améliorations techniques, des nouvelles technologies, mais aussi une délocalisation d’une partie de leurs industries. Ainsi, la Chine et l’Inde, pour ne citer que ces deux nations, sont devenues d’importants pollueurs, mais clament leur droit au développement et au recours aux énergies fossiles dont le charbon.

Entre temps, le GIEC a également rendu un rapport montrant qu’un demi-degré de réchauffement signifiait vivre dans un monde très différent.

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Les sujets environnementaux sont devenus une préoccupation croissante dans l’opinion publique internationale, à commencer par la jeunesse qui s’est beaucoup mobilisée ces dernières années. La figure de la jeune Suédoise Greta Thunberg incarnant dans le même temps les inquiétudes climatiques et le renouveau du militantisme. Les attentes en faveur de l’action climatique sont là, mais pourraient se voir parasiter par la hausse du prix de l’énergie.

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Malgré l’Accord de Paris, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont poursuivi leur augmentation. Depuis l’an 2000, au niveau mondial, elles ont augmenté de moitié pour atteindre des niveaux jamais égalés dans l’histoire humaine. De plus, les projections des experts du climat montrent que, à l’heure actuelle, les engagements pris par les pays ne suffisent pas à rester sous la barre des 2 degrés Celsius.

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L’ONU  estime ainsi que le monde est sur une trajectoire de hausse des températures de 2,7 °C.  « Nous avons besoin de 45 % de réduction des émissions d’ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle… Il est clair que chacun doit assumer ses responsabilités », souligne le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Or, selon des projections basées sur les engagements des pays, les émissions de gaz à effet de serre devraient progresser de 16 % d’ici 2030 au lieu de diminuer. « Les pays du G20 représentent 80 % des émissions mondiales. Leur leadership est plus que jamais nécessaire. Les décisions qu’ils prendront maintenant détermineront si la promesse faite à Paris est tenue ou rompue », a-t-il prévenu.

La COP26, des actions plutôt que des promesses ?

« Nous attendons beaucoup de la COP26 », a déclaré, à quelques semaines du sommet, Laurent Fabius, qui a été le président de la COP21 de Paris en 2015. Il estime que « la COP26 doit être la COP de l’action » et doit déboucher sur des résultats concrets nés des engagements de l’Accord de Paris. Il voit plusieurs axes majeurs que sont les questions de finance, de transparence et l’établissement des règles de fonctionnement de l’Accord de Paris.

« 1,5 degré Celsius est une question de survie. Le monde doit garder cet objectif en vue », affirme Alok Sherma, le président de la COP26. Il estime qu’actuellement le monde n’en fait pas assez en matière de lutte contre le réchauffement. « Paris a promis, Glasgow doit s’engager », clame-t-il rappelant que la COP26 est un sommet vital dont « le succès ou l’échec est dans les mains des décideurs ».

La question des engagements de chaque État, la transparence et le contrôle de leurs actions climatiques, le financement de la lutte contre le réchauffement (le fonds vert) et de l’adaptation, les règles opérationnelles de l’Accord de Paris et la faculté de savoir travailler ensemble, détermineront la réussite ou non du sommet pour le climat.

« Effectivement, il y a beaucoup d’espoir et les planètes semblent alignées pour cette COP, mais rien ne garantit son succès. L’échec reste une possibilité, » commente François Gemenne, spécialiste des relations internationales et du climat. Il se montre circonspect sur les discours et la réalité des faits : « on sait d’expérience, et l’Histoire nous apprend, que les gouvernements ont tendance à ne pas respecter leurs engagements. Surtout si ces engagements sont pris de façon unilatérale sans aucune contrainte. » Il note que « C’est très compliqué car l’Accord de Paris n’est pas très contraignant sur les objectifs de réduction des émissions. ».

[À retrouver, notre interview François Gemenne : « il y a beaucoup d’espoir et les planètes semblent alignées pour cette COP, mais rien ne garantit son succès »]

Les attentes autour de cette COP restent nombreuses. Un consensus semble se dégager en faveur de l’action climatique mais des incertitudes demeurent. L’engagement des gouvernements se trouvera au centre de toutes les attentions, car, dans le cadre de l’Accord de Paris, chaque État doit, tous les 5 ans, présenter sa contribution déterminée au niveau national (CDN dans le jargon des Cop), c’est-à-dire ses engagements et objectifs de réduction.

La COP26 doit ainsi fixer de nouveaux jalons en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre car les états-membres présentent leur nouvelle CDN rehaussée. « Parmi les parties qui ont remis une contribution rehaussée au 31 juillet, il y en avait 113 et quand on met ensemble leurs contributions, on arrive à une réduction de 12 % en 2030 par rapport à 1990. On reste encore très loin des 45 % nécessaires », souligne Stéphane Crouzat, ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique, pour les énergies renouvelables et la prévention des risques climatiques, auditionné par le Sénat sur les enjeux de la COP 26.

Il note que les pays du G7 jouent le jeu et sont au rendez-vous. L’Union européenne a renforcé son objectif de diminution des gaz à effet de serre de 40 % à 55 %. Il constate par contre qu’au niveau du G20, les engagements sont plus contrastés. La Russie, le Brésil, l’Indonésie, l’Australie et le Mexique n’ont pas fait preuve de contributions plus ambitieuses tandis que, des « acteurs majeurs », la Chine, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Inde n’ont pas encore rendu leur CDN.

L’ambassadeur français pointe le fait que la communauté infernale peine à remplir ses engagements en matière de financement de l’action climatique puisque sur les 100 milliards de dollars d’aides annuelles, seulement 79 ont été débloquées. François Gemenne se montre plutôt positif sur ce volet : « On parviendra sans doute à trouver et à combler la différence durant la COP26. » Stéphane Crouzat estime que : « les pays en développement disent, à bon droit en vérité, que les pays développés qui sont largement responsables de la situation actuelle, doivent fournir l’effort qu’ils ont promis ». Ce sujet récurent demeure sensible et reviendra une fois plus au centre des discussions.

Ainsi, derrière la question de la responsabilité historique des pays du G20, la question des réparations pour les dommages causés par le changement climatique. François Gemenne résume : « les pays du G20 portent une responsabilité historique considérable », mais maintenant leur responsabilité « est de voir comment ils peuvent travailler avec les pays émergeants pour qu’ils ne suivent pas la même trajectoire de développement carboné. »

C’est pourquoi la question du charbon, énergie qui sert encore à produire plus du tiers de l’électricité mondiale sera un point à surveiller de la COP. « On attend de cette COP plusieurs grosses annonces sur le désengagement et le désinvestissement dans le charbon. », selon François Gemenne.

L’article 6 de l’Accord de Paris au centre de l’attention

Enfin, un autre des enjeux clefs de Glasgow sera de parvenir à trouver les règles de fonctionnement afin de mettre en œuvre l’Accord de Paris. « Le diable est dans les détails », commente Stéphane Crouzat en s’attardant sur l’article 6 de l’Accord de Paris. Ce dernier prévoit des mécanismes d’échanges de réduction d’émissions entre les pays. « Cela peut paraître technique, mais en réalité, c’est extrêmement important pour garantir l’intégrité de l’Accord de Paris », explique Stéphane Crouzat.  « 80 % des pays qui ont soumis des contributions déterminées au niveau national disent vouloir utiliser les mécanismes qui seront mis en place au titre de l’article 6 pour pouvoir remplir leurs objectifs de réduction des émissions. » Il s’agit de la vente et de l’achat de quotas d’émissions ou du financement par un pays de projets spécifiques dans un autre pays (anciennement connu comme le mécanisme de développement propre) qui donnent le droit d’être pris en compte comme des réductions des émissions. Dans le pays financeur actuellement, des failles ont été identifiées dans le système. Depuis 2 ans, les discussions sur ces sujets avancent et doivent arriver à terme en novembre 2021. Les négociateurs cherchent donc à parvenir à clarifier les règles pour que, par exemple, des émissions réduites ou évitées ne soient pas comptabilisées deux fois, une fois dans le pays qui finance puis une seconde fois dans le pays qui accueille le projet. Le devenir des crédits d’émissions accumulés grâce au mécanisme de développement propre fera aussi partie de ces négociations parce que leur utilisation risque de fausser la donne, permettant aux pays de bénéficier de trop de crédits d’émissions sans les inciter à vraiment diminuer leurs émissions.

Il faudra encore attendre la mi-novembre pour être certain que le monde a bien rectifié le tir en matière climatique et rattrapé le temps perdu, mais ce ne sera qu’en 2030 qu’on pourra mesurer réellement si les efforts entrepris seront au rendez-vous.

Julien Leprovost

À retrouver sur le site de la Fondation GoodPlanet
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2 commentaires

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    • Balendard

    À l’heure du réchauffement climatique, le bon sens lors de cette COP 26 pourrait bien être en ce qui concerne l’Europe de montrer l’exemple de ce qu’il faut faire.
    Ceci en évoluant vers l’abandon de nos chaînes énergétiques actuelles passant par les hautes températures pour satisfaire nos besoins en énergie.
    Voir la page 35 du fichier
    http://infoenergie.eu/riv+ener/6cartographie.pdf

    • michel CERF

    La sagesse , le bon sens , c’est bien ce qui fait défaut à la plupart des humains , la révolution industrielle incontrôlée a engendré les plus grandes tragédies de l’Histoire .

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