Insectes, méduses, viande synthétique… la FAO s’intéresse aux bienfaits et à la sécurité sanitaire des nouveaux aliments

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Un homme jette du sel dans un bassin de méduses destinées à la consommation humaine à Xianrendao en Chine. © JOHANNES EISELE / AFP

L’émergence de nouveaux aliments comme les insectes, les méduses, les algues ou la viande issue de culture de cellules, pour répondre aux défis démographiques et environnementaux, pose de nouvelles questions sur la sécurité sanitaire. La FAO (l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation) vient de publier, début mars 2022, un rapport titré Thinking about the future of food safety – A foresight report (Penser l’avenir de la sécurité sanitaire des aliments : rapport de prospective). Il donne une image ce que pourraient être les aliments de demain, leurs bienfaits et leurs risques.

« Nous vivons une époque où les innovations technologiques et scientifiques révolutionnent le secteur agroalimentaire, y compris dans la sphère de la sécurité sanitaire des aliments. Il est important que les pays se tiennent informés de ces avancées, en particulier dans un domaine d’importance déterminante comme la sécurité sanitaire de aliments, et que la FAO prenne les devants en prodiguant ses conseils sur les applications scientifiques et l’innovation », a déclaré Mme Ismahane Elouafi, scientifique en chef de la FAO. Cette dernière pointe l’impact du réchauffement climatique sur l’agriculture et les risques sanitaires associés, notamment l’augmentation de l’exposition aux contaminants biologiques ou chimiques. L’organisation note que : « des données récentes indiquent que le changement climatique a de graves répercussions sur divers contaminants biologiques ou chimiques présents dans les aliments, en modifiant leur virulence, leur taux d’incidence et leur répartition. Les zones aux températures habituellement fraîches se réchauffent et se prêtent davantage à l’agriculture, ce qui offre de nouveaux habitats à des organismes nuisibles à l’agriculture et à des espèces de champignons toxiques. Par exemple, les aflatoxines, considérées auparavant comme un problème principalement confiné à certaines parties de l’Afrique, sont désormais établies sur le pourtour méditerranéen. »

La production alimentaire représente aujourd’hui un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine anthropique, selon l’ONU. C’est pourquoi la recherche de nouveaux aliments afin d’en réduire l’empreinte carbone est une piste. La lutte contre le gaspillage alimentaire, la réduction de la consommation de protéines carnées, la redécouverte des variétés traditionnelles sont aussi des solutions à envisager pour s’adapter au double défi de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et de nourrir près de 8 milliards d’êtres humains. D’ailleurs, la FAO constate une popularité croissante des régimes alimentaires qui réduisent progressivement la part de produits à base d’animaux et estime que les aliments de demain nécessitent dès à présent une évaluation sanitaire. L’agence explique qu’une partie des risques posés par l’évolution de notre alimentation provient « des allergènes provenant d’aliments qui n’étaient pas de consommation courante jusqu’alors. »

« De plus en plus de personnes adoptent des régimes végétaliens ou végétariens, souvent en évoquant leur souci du bien-être animal et de l’impact de l’élevage sur l’environnement. Cela a conduit à la mise au point de divers substituts végétaux à la viande, et les ventes mondiales de ces produits devraient connaître un essor spectaculaire. Au fur et à mesure que les régimes à base de végétaux gagnent du terrain, il est nécessaire de sensibiliser davantage les consommateurs à l’apparition de problèmes de sécurité sanitaire des aliments, tel celui des allergènes provenant d’aliments qui n’étaient pas de consommation courante jusqu’alors », écrivent les auteurs du rapport qui préconisent de renforcer les indications et conseils sur la conservation, l’utilisation et la préparation des produits sur les emballages.

Les aliments de demain : insectes, méduses, viande produite en labo, algues…

La FAO s’arrête donc sur les apports des aliments de demain et leurs limites. Elle écrit que : « les insectes comestibles suscitent un intérêt grandissant eux aussi, du fait de la prise de conscience croissante des impacts environnementaux de la production de denrées alimentaires. Ces insectes, qui peuvent être une bonne source de protéines, de fibres, d’acides gras et de micronutriments comme le fer, le zinc, le manganèse et le magnésium, peuvent aussi receler et véhiculer des contaminants et provoquer des réactions allergiques chez certaines personnes. »

[À lire aussi Antoine Hubert, fondateur d’Ynsect, l’entreprise qui veut vous proposer de manger des insectes : « un burger fait avec des insectes émet 200 fois moins de gaz à effet de serre qu’un burger fait avec du bœuf »]

En plus des insectes pour l’alimentation animale ou humaine, le rapport de la FAO s’arrête sur les méduses et les algues. En Occident, elles suscitent une forme de dégoût alors que certaines espèces comestibles sont consommées depuis des générations dans certaines régions asiatiques. « Elles sont pauvres en glucides et riches en protéines, mais ont tendance à s’altérer facilement à température ambiante et peuvent servir de vecteurs à des bactéries pathogènes susceptibles de nuire à la santé humaine », explique le rapport qui souligne aussi la porosité des méduses aux produis chimiques par bioaccumulation.

« La consommation d’algues se répand également au-delà de l’Asie et devrait continuer de progresser, en partie en raison de leur valeur nutritionnelle et de la durabilité de leur production, car elles n’ont pas besoin d’engrais pour pousser et aident à lutter contre l’acidification des océans. Cependant, leur capacité de concentrer de fortes doses de métaux lourds comme l’arsenic, le plomb, le cadmium et le mercure peut poser problème », rapporte la FAO qui estime la production actuelle de ces aliments à 30 millions de tonnes.

Enfin, entre autre, le rapport consacre un chapitre à la viande de culture ainsi qu’à l’agriculture urbaine en rappelant l’impact énergétique élevé des fermes urbaines ou de la production d’aliments en laboratoire. Cette dernière s’avère plus performante que la viande de bœuf en termes d’impacts environnementaux, mais moins que le porc ou la volaille. Ainsi, aux États-Unis, pour produire 1 kg de viande de bœuf en conventionnel, il faut en moyenne une centaine de mètres carrés, 85 MJ (megajoules) d’énergie, ce qui émet 33 kg équivalent CO2 contre 5,5 m², 106 MJ pour un bilan carbone de 7 kg équivalent CO2 pour 1 kg de viande obtenue grâce à la culture en labo de ciellules. L’agence onusienne estime toutefois probable leur développement : « la prophétie de Winston Churchill, selon laquelle le jour viendra où nous échapperons à l’absurdité d’élever un poulet entier pour en manger la poitrine ou l’aile, en cultivant ces parties séparément dans un substrat adapté, est en passe de devenir réalité, quand on sait que, dans le monde entier, des dizaines d’entreprises mettent au point des steaks, des hamburgers de bœuf ou des croquettes de poulet à partir de cellules souches. Parmi les éventuels problèmes, citons l’utilisation de sérum d’origine animale dans les substrats de ces cultures, ce qui peut entraîner une contamination microbiologique ou chimique. »

Julien Leprovost

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Sur le site de la FAO Un rapport récent de la FAO met en lumière les bienfaits et les risques que pourraient comporter les aliments de demain

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