Gregoire Fraty de la Convention Citoyenne pour le Climat: : « le politique est incapable de se saisir de la question climatique »

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Le conventionnel Grégoire Fraty qui défend la réforme de la constitution par référendum © Marco Strullu/Hope Production

La possibilité d’une révision de la Constitution pour y intégrer la préservation du climat laissait sceptique les observateurs de la vie politique en raison de l’absence de majorité du Président de la République au Sénat. L’opposition de ce dernier a eu raison de la mesure puisque l’exécutif, par la voix du Premier Ministre Jean Castex, a annoncé le 6 juillet qu’il « met un terme au processus de révision constitutionnelle ». La mesure figurait pourtant parmi les propositions formulées par les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). Cette expérience de démocratie participative basée sur le tirage au sort a confié à de simples citoyens la tâche de réfléchir et de proposer des pistes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France de 40 % d’ici 2030. Or, selon le Haut-Conseil pour le Climat, la France se montre en retard sur cet objectif. L’un de ces citoyens, Gregoire Fraty, réagit à l’annonce du coup d’arrêt de la révision de la Constitution afin d’y inclure le climat.

Comment réagissez-vous à l’annonce de l’arrêt du processus de révision constitutionnelle afin d’y intégrer le climat ?

Nous sommes déçus parce que la Convention Citoyenne pout le Climat portait cette révision depuis 2 ans. Malgré la diversité des membres de la Convention Citoyenne, nous avons réussi à nous mettre d’accord sur l’importance d’intégrer la préservation du climat à la Constitution. On nous disait que cela serait compliqué et perdu d’avance. Nous voulions croire que le politique serait capable de passer outre les divergences idéologiques, d’aller au-delà des clivages gauche-droite ou libéraux-conservateur, pour le climat. C’est un gros constat d’échec : le politique est incapable de se saisir de la question climatique et de faire avancer les choses.

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Comment l’expliquez-vous ?

Je pense que la droite est fidèle à elle-même en se montrant une ardente défenseuse de la cause anti-climatique. Je pense que la majorité présidentielle a aussi des responsabilités car elle ne s’est pas engagée suffisamment dans cette lutte pour faire aboutir cette proposition politique. Je pense aussi que la gauche et les écologistes n’ont pas joué le jeu du consensus, ils n’ont pas voulu y croire ni essayer de convaincre les autres. À partir de là, la révision de la Constitution a alors bloqué sur une gauche qui ne porte pas d’intérêt au débat, une majorité présidentielle qui dit qu’elle ne sait pas et une droite qui ne veut pas s’engager dans une révision de la Constitution. On se retrouve au final avec un blocage politique, institutionnel et climatique. C’est triste parce que pour une fois qu’on demandait aux Français de s’exprimer sur le climat par un référendum, on ne l’aura pas.

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« On se retrouve au final avec un blocage politique, institutionnel et climatique. »

Comptez-vous faire du référendum un enjeu sur lequel les candidats à la présidentielle devront se positionner ?

Nous allons bien sûr leur demander de se positionner. Mais, surtout on perd du temps dans l’action climatique et, d’ici l’élection présidentielle, le Sénat ne va pas changer de majorité. Le climat sera un des enjeux centraux des futures élections. Le constat d’échec sur le sujet doit conduire chaque parti politique à questionner son positionnement sur la question climatique. En effet, est-ce que la question environnementale mérite des combats politiques ? Ne devrait-elle pas faire consensus et être au-dessus et qu’on sorte des postures idéologiques ? Je ne suis pas certain qu’on y arrive. Même si je deviens pessimiste, je ne crois pas qu’il faille tout attendre du politique, je constate également que les citoyens sont heureusement en train de montrer qu’ils est sont capable de bouger, les entreprises de se mobiliser dans la réduction des gaz à effet de serre.

Le constat d’échec sur le sujet doit conduire chaque parti politique à questionner son positionnement sur la question climatique.

Est-ce l’ultime coup porté aux propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat ?

C’est désolant de se dire que c’est un non de plus à nos mesures. Mais, je vais continuer à me battre pour ne pas perdre le reste. La Convention n’est pas un échec total puisque des mesures sont passées. Un paquet de mesures de la loi Climat et Résilience vont dans le bon sens, il faut les prendre, c’est déjà ça. Nous continuerons à être attentifs notamment jusqu’à la présidence française de l’Union européenne en 2022 car certaines propositions de la Convention méritent de rayonner au niveau de l’Europe.

« Notre boulot n’était pas de faire passer des lois mais d’en proposer. »

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Au final, malgré l’échec de la révision et l’abandon d’une partie des mesures de la CCC, que retenez-vous de l’expérience de démocratie participative qu’est la Convention Citoyenne pour le Climat à laquelle vous avez pris part ?

La convention Citoyenne pour le Climat est une vraie réussite démocratique justement car elle redonne au citoyen une capacité de réflexion et de proposition politique. Elle a marché puisque les propositions et décisions politiques sorties de la Convention font débat. Notre boulot n’était pas de faire passer des lois mais d’en proposer. L’échec est politique, pas citoyen. La démarche des Conventions Citoyennes n’est pas à remettre en cause ; le politique peine à traduire en décision les propositions.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Les propositions de la CCC. L’ensemble des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat que nous vous invitons à retrouver sont détaillées sur le site de la CCC.
Sachez que plusieurs sites Internet proposent de s’informer de leur évolution :


 « CAP 2030. Une décennie pour changer le monde » le nouveau livre de la Fondation GoodPlanet et Yann Arthus-Bertrand
 qui revient sur l’aventure de la Convention Citoyenne pour le Climat

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3 commentaires

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    • michel CERF

    La préservation du climat ne peut guère se résoudre par un simple référendum mais par l’action et la participation de tout les Pays .

    • Méryl Pinque

    Il ne faut pas attendre que les politiques agissent pour agir en tant que citoyen.
    Comment lutter pour le climat au niveau individuel ?
    C’est simple : en premier lieu, adopter un régime alimentaire exclusivement végétal est la mesure numéro un : https://www.cnews.fr/monde/2020-07-22/la-consommation-de-viande-premiere-cause-du-rechauffement-climatique-725924
    Ensuite, ne pas faire d’enfant (ou se limiter à un seul et l’éduquer convenablement), et puis toutes les mini-actions qu’on nous présente comme décisives alors qu’elles ne forment que le fond du tableau…

    • Patrice DESCLAUD

    Que la convention Climatique soit un échec politique et pas citoyen, c’est une belle dialectique sans réel intérêt ! Le fait reste que ça n’avance pas que ce soit au plan législatif comme « exécutif » ou réglementaire. La planère et sa biodiversité dont l’homme ne progressera pas avec ce gente de querelles.