William Aucant de la Convention Citoyenne pour le Climat : «j’aurais aimé que le gouvernement soit beaucoup plus ambitieux»

William aucant

William Aucant, citoyen tiré au sort pour participer à la Convention Citoyenne pour le Climat © © Marco Strullu/Hope Production

À 33 ans, William Aucant est un architecte urbaniste vivant à Nantes. Citoyen tiré au sort pour participer à la Convention Citoyenne pour le Climat, il a travaillé au sein du groupe « Se loger » sur l’étalement urbain et la rénovation des bâtiments. Ce lundi 14 décembre, il a participé aux échanges entre les membres de la Convention et le gouvernement. William Aucant tire un premier bilan de la Convention.

Que retenez-vous de la séance de discussion avec le gouvernement de ce lundi sur l’avancée des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat ?

J’ai un sentiment de lassitude. Les négociations s’allongent beaucoup. Sur certaines mesures, nous avons en face de nous un gouvernement qui fait la sourde oreille, voire qui minore leur impact. Les citoyens de la Convention ont compris la nécessité de rapidement faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut mettre en place des mesures fortes. Or, lorsque le gouvernement revoit à la baisse nos propositions, on a l’impression qu’il ne nous écoute pas. Cela crée une certaine frustration.

Maintenant, concernant la forme, j’ai apprécié cet échange avec l’exécutif. Le président de la République qui répond et rend des comptes en direct à une assemblée de citoyens, et ce de manière publique puisque les débats étaient télévisés, c’est du jamais vu.

Vous avez travaillé au sein du groupe « Se loger ». Êtes-vous satisfait des réponses apportées par le gouvernement vous concernant ?

Sans trop vouloir m’avancer, car il reste quelques points de détails à régler avec les ministères, le groupe «Se loger» a plutôt obtenu gain de cause.

Vous avez particulièrement travaillé sur l’étalement urbain. Que pensez-vous des suites données par le gouvernement à ce sujet ?

Concernant les sujets sur lesquels j’ai travaillés, je pense être l’une des seules personnes à la Convention à avoir obtenu ce que je venais défendre. Le gouvernement a accepté de questionner l’échelle sur laquelle nous allons devoir diviser de moitié l’étalement urbain. Initialement, l’échelle envisagée était la régionale. Cela va être rediscuté pour aller vers les intercommunalités.

Au sujet des surfaces commerciales, Emmanuel Macron a précisé que des critères stricts seront mis en place pour autoriser d’éventuelles dérogations. Il s’est donc engagé sur ce sujet.

Après, il reste une zone d’ombre que j’ai soulevée pendant le débat. En 2020, le commerce ce n’est pas que les centres commerciaux. Il faut inclure dans la réflexion tout ce qui est de l’ordre de la logistique, du drive…

En quoi l’étalement urbain pose-t-il problème ?

L’étalement urbain, c’est le fait que la ville gagne toujours plus de terrain sur sa périphérie. Le phénomène est assez bien compris de tous. Les distances s’allongent et on possède, comme l’a rappelé le président, un pavillon à 15 minutes du centre-ville, ce qui rend dépendant de la voiture pour, par exemple, amener ses enfants à leurs activités…

Chaque année, la France génère 30 000 hectares d’étalement urbain. La Convention Citoyenne souhaiterait que, d’ici 10 ans, ce chiffre ne soit plus que de 15 000 hectares.

Ce phénomène conduit à la perte de sols agricoles, contribue à l’effondrement de la biodiversité, génère du déplacement du fait que les distances s’allongent, crée des inégalités sociales entre les territoires…

Et concernant la rénovation globale, que pensez-vous de la réponse du gouvernement ?

L’autre mesure que j’ai beaucoup suivie, la rénovation globale, est un point de friction avec le gouvernement. La Convention Citoyenne a identifié qu’il fallait une obligation de rénovation de tous les logements. À l’inverse, le gouvernement pense que cela risque de générer des inégalités. Sur ce point, l’exécutif se donne 3 mois pour étudier la chose et trouver une solution qui satisfasse tout le monde. Déjà, nous pouvons nous féliciter que l’exécutif admette que l’on ait besoin de temps pour prendre la bonne décision, a priori en continuant de nous consulter.

Ce qui était frustrant jusqu’à présent était le voile épais sur ce projet de loi climat. Nous avons un droit de regard dessus, même si nous avons conscience que nous ne pouvons pas tenir le crayon. Simplement, il ne faut pas qu’il y ait un fossé entre les mesures que nous avons initialement proposées et le projet de loi. Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent être tenus.

Les médias semblent principalement retenir l’annonce du référendum sur l’environnement. Que pensez-vous de cette mesure ?

Depuis que la Convention a rendu son rapport au gouvernement, on ne parle plus de référendum. Là, il est de retour comme ça, un peu de manière spectaculaire. Aussi, quelques jours avant la réunion de lundi, le président s’était engagé avec l’Union Européenne à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030. Par conséquent, je m’attendais vraiment à autre chose qu’une annonce de référendum. Je m’attendais à de nouvelles mesures pour renforcer nos propositions afin de se donner les moyens d’atteindre ce nouvel objectif. J’aurais aimé que le gouvernement soit beaucoup plus ambitieux.

Ne craignez-vous pas que le référendum éclipse le reste du travail de la Convention ?

Je déplore que ce soit un référendum à question unique. Durant la Convention, j’ai beaucoup milité pour un référendum à questions multiples. Cela aurait été une première en France. Un tel référendum aurait vraiment permis d’amener des sujets primordiaux, tels que l’obligation de rénovation globale, l’étalement urbain, l’encadrement de la pub… dans le débat public. Nous aurions ainsi pu tenir une convention un peu hors les murs. Le débat se serait prolongé. De plus, un référendum à choix multiples aurait évité l’écueil d’un vote de popularité. Le défi climatique ne peut pas se jouer sur la popularité du président. Ce serait dangereux de jouer l’avenir de tous sur des calculs politiques.

Avec le référendum proposé par l’exécutif, on se focalise sur une seule question. Faire entrer la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution est important. Si cette mesure passe, toutes les nouvelles lois devront se conformer à cette obligation. Seulement, ne sont pas proposées des mesures concrètes pour faire baisser le carbone. C’est induit. Donc là aussi, c’est gagner du temps. Je crains que, en se focalisant uniquement sur cette mesure-là, on oublie que le plus important est de réduire les gaz à effet de serre de 40 % d’ici 10 ans.

Quel regard portez-vous sur l’accueil reçu par les propositions formulées par la Convention ?

J’ai l’impression que beaucoup de gens, ainsi que le gouvernement, pensent que notre rapport est une liste à la Prévert. Derrière ces mesures, il y a des objectifs. Je ne vois aucun inconvénient à ce que le gouvernement propose d’autres mesures si celles-ci permettent d’atteindre nos objectifs. Il ne faut pas compter seulement sur ces mesures-là pour gagner la bataille climatique. J’espère que la politique environnementale ne sera pas uniquement rédigée par 150 personnes. D’autant plus que l’objectif à remplir, ce n’est plus une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, mais une réduction de 55 %.

Propos recueillis par Léna Le Cocguen

À noter, début janvier, la Fondation GoodPlanet et Yann Arthus-Bertrand publieront un livre CAP2030 Une décennie pour changer le monde, livre de 220 pages qui revient sur la Convention Citoyenne pour le Climat, sa genèse, son fonctionnement, ses propositions et son impact aux éditions Michel Lafon.

A lire aussi : Grégoire Fraty, un des 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat à propos de l’annonce du référendum sur le climat : « un bon signal tant démocratique que climatique »

 

2 commentaires

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    • Jean Grossmann

    GoodPlanet évoque une divergence d’opinion entre les deux parties en cause concernant le confort thermique dans l’habitat

    – celle de la Convention Citoyenne pour le climat qui estime qu’il faut instituer une obligation de rénovation pour tous les logements.

    – à l’inverse, l’opinion du gouvernement qui pense que cela risque de générer des inégalités. et qui aurait besoin de 3 mois pour étudier la chose et trouver une solution qui satisfasse tout le monde.

    l vu l’urgence qu’il y a à agir e lutin thermique que je suis invite le lecteur à prendre connaissance du lien suivant qui devrait, je l’espère, lui permettre de comprendre en moins de 3 mois où se trouve la vérité

    https://www.dropbox.com/s/2ihrc2c8b1r6uy6/IESF2.pdf?dl=0

    .

    • Chochois

    Merci pour ce bon sens.