Chronique BD : « Tous à la campagne ! », quand Tronchet invite à réinventer nos modes de vie avec dérision

Le dessinateur Tronchet aborde dans Tous à la campagne, son dernier album publié en janvier 2024 aux éditions Fluide Glacial, le sujet du changement de mode de vie. Il met en scène avec humour un couple de néo-ruraux aux avis et aux attitudes divergeant sur le retour à la terre. Ils y découvrent un nouveau monde et font le rude apprentissage de la vie rurale.

Retourner à la campagne en quête d’autonomie

Tronchet s’est inspiré de son vécu pour créer l’album : « je vis en ville, mais j’ai une maison à la campagne en Ardèche. Pendant le Covid, je m’y suis retrouvé. Comme beaucoup de monde, je me suis demandé si je pouvais vivre ou survivre en cas d’effondrement. J’ai commencé à planter des tomates, à avoir une serre… Ce genre de choses-là, puis je me suis rapidement rendu compte que si les choses tournaient mal, j’ai une espérance de vie de 2h30 à 3h. Ça m’a amusé de le raconter à travers les deux personnages de la bande-dessinée. ».

Planche extrait de la bande dessinée Tous à la campagne de Didier Tronchet © Fluide Glacial

Sommes-nous vraiment prêts à changer de mode de vie ? Telle est la question en filigrane de tout l’album. Se préparer aux changements est-il plus facile à accepter pour les uns que pour les autres ? C’est ce qu’interroge cette bande-dessinée humoristique grâce à ce couple venu s’installer à la campagne. Tous deux semblent en quête de sens. « Réussir à quitter la ville et s’adapter à une maison isolée, c’est un peu le dilemme des personnages. Il y a un peu de moi dans chacun d’eux car je comprends autant le besoin de vivre en ville au sein d’une communauté que celui d’être isolé et de profiter du silence », explique Tronchet. En effet, l’un éprouve de la satisfaction et du plaisir dans cet environnement qui a l’air de lui correspondre pendant que le deuxième protagoniste fait tout pour s’en échapper. Les planches et les gags illustrent les contradictions des envies modernes, la recherche du confort, celle de l’authenticité, ou bien de l’autonomie, celle de la sobriété et le poids du matérialisme inhérent à l’époque. On rit donc des difficultés des personnages à modifier drastiquement leurs habitudes tout en s’interrogeant sur notre faculté à y parvenir. Du rêve à la réalité, comme des paroles aux actes, il y a parfois un fossé. C’est également ce que montre la dernière bande-dessinée de Tronchet avec causticité, ironie et un peu de tendresse aussi.

Tronchet met du sien dans Tous à la campagne !

Tous à la campagne poursuit l’exploration du thème de l’effondrement déjà abordé dans la précédente BD de Tronchet Catastrophobes. On y retrouve le même couple confronté aux questionnements de l’époque face aux crises environnementales. L’auteur raconte : « ma problématique est très centrée sur la survie à la campagne en étant autonome quand on vient de la ville. C’est une préoccupation très contemporaine. ». Par ailleurs, il se dit inquiet « face aux excès d’une minorité qui impacte toute la planète. ». Pour lui, il faut se préparer aux chocs « en riant car l’humour est la seule chose qui nous reste en tant qu’être humain face aux situations sans issue. L’autodérision est un moyen de reprendre le pouvoir et la main sur l’émotionnel qui nous dépasse ».

tous a la campagne tronchet — Planche extrait de la bande dessinée Tous à la campagne de Didier Tronchet © Fluide Glacial

Cette BD est très intéressante, par les différents points de vue et les contradictions qu’elle représente. Elle montre aussi une forme d’opposition entre le confort d’une vie « facile » et une vie plus écologique qui implique des efforts constants. Tronchet déclare : « je ne suis pas défaitiste. Nos enfants et nos petits enfants penseront d’une manière radicalement différente de celle des gens du XXe siècle. Ils vont inventer quelque chose de nouveau et de nouveaux modes de vie apparaîtront. ». Cette BD peut nous aider à remettre en cause la façon dont nous vivons, mais sans nous faire croire pour autant que changer est aisé, ce qui est plutôt positif !

Par Anaïs Lopes de Barros, notre stagiaire de troisième, et

Julien Leprovost

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