Prix Goldman 2022 : 6 activistes récompensés pour leur engagement écologique

Lucitante Narvaez Prix Goldman environnement

Alex Lucitante et Alexandra Narvaez (Photo: ©Goldman Environmental Prize)

Ce mercredi 25 mai, 6 défenseurs de l’environnement voient leurs efforts reconnus sur la scène internationale. En effet, elles et ils reçoivent le Prix Goldman, une récompense, parfois qualifié de « Prix Nobel de l’Écologie » qui honore une personne par continent chaque année pour son engagement en faveur de l’environnement. Fermeture des mines à charbon, reconnaissance des dégâts causés par des marées noires ou victoire judiciaire contre son propre gouvernement pour non-protection de ses citoyens face à l’urgence climatique, découvrez les combats et les portraits de 6 écologistes engagés.

Des militants qui en appellent à la justice de leur pays pour défendre l’environnement au cours de longues batailles judiciaires

Rome ne s’est pas faite en un jour, et les 6 gagnants du Prix Goldman peuvent l’affirmer. Bien que leurs histoires et leurs combats environnementaux soient différents, quelque chose rapproche : leur travail et leur lutte acharnée de longue haleine. Nalleli Cobo, la lauréate du Prix pour l’Amérique du Nord, milite depuis ses 9 ans. Elle est récompensée pour son action contre un forage pétrolier toxique en Californie. Elle a mené, à l’âge de 19 ans, une coalition contre l’extraction de pétrole en ville. En effet, il n’est pas rare de voir des derricks à proximité des habitations ou des infrastructures publiques à Los Angeles. Les activités pétrolières avaient des conséquences néfastes sur la communauté de Nalleli Cobo. Son organisation a donné lieu à un mouvement politique majeur au sein du conseil municipal de Los Angeles et du conseil de surveillance du comté de Los Angeles, qui ont voté à l’unanimité pour interdire toute nouvelle exploration pétrolière et éliminer progressivement les sites déjà existants en ville. Parallèlement et à l’autre bout du monde, la néerlandaise Marjan Minnesma a su, elle aussi, user des institutions pour mener à bien son combat pour que l’État remplisse son devoir de protection face au risque climatique. Marjan Minnesma est récompensée pour son action en justice contre son propre gouvernement. Elle a demandé à ce que celui-ci tienne sa promesse de protéger ses citoyens contre les conséquences du changement climatique.

[Retrouvez ici l’interview qu’elle consacre à GoodPlanet Mag’ Marjan Minnesma, pionnière de l’action climatique devant la justice primée par le prix Goldman 2022 : « les gouvernements ont un devoir de protection des citoyens face à la menace du changement climatique »]

Puits de pétrole à Los Angeles, Californie
(photo : ©Tamara Leigh Photographie pour le Prix Goldman 2022)

En Équateur aussi, les militants n’hésitent pas à mener des actions en justice contre l’exploitation du sous-sol. Primés pour l’Amérique du Sud, Alexandra Narvaez et Alex Lucitante se battent contre l’exploitation aurifère sur la terre de leurs ancêtres à Sinangoe de Cofan. Le duo de leaders a obtenu du gouvernement équatorien la sacralisation de la terre ancestrale de leur communauté du Cofan. Ce sont les autochtones qui protègent ce territoire depuis des années.

Mais, la forêt tropicale est continuellement menacée par l’exploitation forestière illégale, l’exploitation minière et le braconnage. Bien que le pays possède une biodiversité foisonnante, le gouvernement équatorien avait à l’origine fait pression pour ouvrir la zone à l’extraction d’or à grande échelle. Grâce à leur persévérance, leur mouvement autochtone a obtenu une victoire historique en octobre 2018, lorsque les tribunaux équatoriens ont annulé 52 concessions d’extraction d’or, qui avaient été illégalement accordées sans le consentement de la communauté Cofan. Désormais, grâce à leur victoire juridique, 79 000 hectares de forêt tropicale sont reconnues sacrées.

David contre Goliath

Au début des années 2000, le gouvernement chinois avait pour projet de dynamiter le haut du fleuve Mékong en mer de Chine, pour faciliter le passage des navires commerciaux. Or, ce fleuve s’avère vital pour les 65 millions de personnes qui en dépendent, en Chine, au Vietnam, au Laos, en Thaïlande et au Cambodge. Niwat Roykaew, est né en 19XX et a grandi à Chiang Khong, en Thaïlande, au bord du Mékong. Il passe une partie de sa vie à constater les dégâts des projets de développement du fleuve sur les populations rurales locales. Après sa retraite en 1995, celui connu sous le nom de « Kru Thi » (une expression affectueuse pour désigner un professeur en thaï), fonde l’association Chiang Kong Conservation.

Il s’agit d’un grand réseau de 30 villages thaïlandais qui s’associent pour résoudre les problèmes environnementaux et sociaux causés par ces projets de développement le long du fleuve. Après de nombreux rebondissements juridiques, le gouvernement chinois décide d’abandonner complètement les projets autour du fleuve à cause des dégâts environnementaux qu’ils auraient pu causer. Kru Thi est considéré comme le leader de ceux qui n’ont pas de voix. Sa capacité à rassemblé la société civile, des ONG, des communautés locales et des médias a valu au « professeur » le Prix Goldman 2022 pour l’Asie.

Condamner et responsabiliser les multinationales pour les actions de leurs filiales

Les entreprises du secteur pétrolier peuvent-elles être reconnues coupables des dégâts environnementaux que causent leur activité ? Chima Williams n’a pas attendu la réponse pour estimer que oui. Alors que des marées noires désastreuses au Nigeria se produisent depuis des décennies dans le delta du Niger, cet avocat nigérian a travaillé avec 2 communautés de son pays pour que la société néerlandaise Royal Dutch Shell soit reconnue coupable des dommages environnementaux de l’extraction pétrolière dans le Delta du Niger.

En effet, chaque année, environ 240 000 barils de pétrole brut se déversent des oléoducs et des puits de pétrole dans le Delta. Les marées noires contaminent l’eau, les cultures, les forêts et les mangroves, dont plus de 2 millions de personnes dépendent. En janvier 2021, après un procès, la Cour d’appel de la Haye a jugé que non seulement la filiale nigériane de Royal Dutch Shell était responsable des déversements de pétrole, mais que, en tant que société mère, Royal Dutch Shell avait également l’obligation de les empêcher en amont.

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Pollution due au pétrole à Goi, Delta du Niger, 2020
(Photo: ©George Osodi)

C’est historique dans ce pays qui tire une partie de ses revenus des forages de pétrole alors que les communautés font face à une pollution endémique et ne bénéficient pas des revenus du pétrole. Car, pour la première fois, une société transnationale néerlandaise est tenue responsable des violations commises par sa filiale dans un autre pays, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires de la part d’autres communautés à travers le Nigéria contre Shell.

[Nigeria : des villageois autorisés à poursuivre Shell au Royaume-Uni]

Atteindre le portefeuille pour un impact plus conséquent

Enfin et toujours dans la lutte contre l’utilisation des énergies fossiles, le dernier gagnant du Prix Goldman pour l’environnement 2022 a quant à lui décidé de s’intéresser au monde de la finance et de l’assurance, car l’argent est le nerf de la guerre. Il pointe les responsabilités des financiers et des assureurs dans les projets charbonniers. L’Australien Julien Vincent a mené une campagne populaire pour définancer l’industrie du charbon en Australie.

Grâce à ses actions, les 4 plus grandes banques nationales ont mis fin aux financement des projets de mines de charbon tandis que les principales compagnies d’assurance australiennes ont également accepté de cesser de souscrire à de nouveaux projets. Il a ainsi rendu plus difficile l’investissement dans le charbon en Australie, qui est pourtant un des premiers exportateurs mondiaux de cette ressource énergétique. Or, la combustion de cette énergie fossile pour produire de l’électricité est l’une des causes principales du réchauffement climatique.

Pour y remédier, Julien Vincent, en collaboration avec 350.org, organise en 2016 des « journées de désinvestissement » à travers l’Australie. Le but était de faire pression sur les financeurs des projets de charbon, en fermant massivement des comptes bancaires. Des actions ont été relayées sur les réseaux sociaux, ou certains partisans se filmaient en train de découper leur carte bancaire. Julien Vincent a également souligné l’hypocrisie des déclarations publiques des banques en faveur de l’Accord de Paris sur le climat alors qu’elles investissaient parallèlement dans l’industrie du charbon. En 2019, ces efforts finissent par payer, et plusieurs groupes d’assurances annoncent leur retrait d’activités minières.

Romane Pijulet

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