Pesticides, la Fondation Nicolas Hulot pointe l’écart entre les objectifs affichés et les moyens

pesticide champ Corée du Sud

Des travailleurs pulvérisent des pesticides sur un champ, Jeju-Do, Corée du Sud. ©Yann Arthus-Bertrand

La Fondation Nicolas Hulot (FNH) publie une étude Réduction des pesticides en France ; pourquoi un tel échec ? afin de déterminer pour quelles raisons les objectifs de diminution des pesticides, qui ont débouché sur le plan écophyto, affichés lors du Grenelle de l’Environnement en 2008 n’ont pas été atteints. Bien au contraire, leur consommation a même augmenté de 25 % entre 2008 et 2018 alors que l’ambition était de la réduire de 50 %. L’objectif demeure maintenu, mais son échéance a été repoussée à 2025. Ainsi, la FNH, avec le BASIC (Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne), s’est penchée sur le rôle des financements publiques et privés de l’agriculture. Il en ressort qu’une majeure partie des financements accordés aux exploitations n’intègre pas de critère de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Une minorité d’exploitation (9 % d’entre elles) consomme plus de la moitié (55 %) des pesticides épandus en France.

Ainsi, sur les 23,2 milliards d’euros de financements publics pour la filière agricole (comprenant 60% de soutiens nationaux et 40 % d’aides de la PAC), à peine 11 % de ces aides sont assorties d’objectifs environnementaux. « Seul 1 % de ces financements a des effets avérés sur la réduction de l’utilisation de pesticides. Le financement du plan Ecophyto représente 0,3% des soutiens publics annuels au secteur agricole et alimentaire : une goutte d’eau dans un océan de financements« , écrivent les auteurs du rapport. Les trois quarts du total de ces montants vont aux exploitants, pour qui cet argent représente en moyenne 70 % du résultat de leur exploitation. Dans le même temps, le secteur privé finance à hauteur de 19,5 milliards d’euros sans prendre en considération l’impact des pesticides. Christophe Alliot, cofondateur du BASIC qui a pris part à l’étude, explique qu’actuellement il n’existe pas, pour la France, d’étude chiffrée sur le coût économique de l’impact sanitaire et écologique des pesticides, en dehors d’une estimation de 260 à 300 millions par an d’euros pour le coût de la dépollution des eaux. Ce qui ne prend donc pas en compte leurs effets sur la biodiversité, ni le coût des maladies qu’ils engendrent.

Caroline Faraldo, responsable agriculture et alimentation au sein de la FNH explique : « sur 23,2 milliards d’euros, moins de 1 % des financements publiques vont au bio et ont un objectif de réduction des pesticides. Dans le même temps, le financement privé maintient le statut quo car aucun critère de durabilité n’y est associé. » Elle précise : « le poids de l’échec est mis trop souvent sur les épaules des agriculteurs. Or, la responsabilité est à trouver aussi du côté des pouvoirs publics en l’absence de plans d’accompagnement suffisants et également du côté du privé. Il subsiste des verrous socio- techniques. Comment demander aux agriculteurs de faire du blé de qualité si ce dernier ne trouve pas de débouchés ? La responsabilité est collective. »

Selon cette étude, les grandes cultures (céréales, oléagineux, pommes de terre) et vignobles représentent 84 % de l’usage des pesticides en France. La FNH note également qu’il se crée actuellement une dualisation de l’agriculture entre de grandes exploitations productivistes et des plus petites tournées vers une production en agroécologie ou en bio. Elle plaide pour accompagner les agriculteurs dans la transition, sachant que 57 % d’entre eux sont à la croisée de ces deux modèles. De plus, dans la décennie à venir, plus de 45 % des exploitants actuellement en exercice devront prendre leur retraite. Les auteurs de l’étude proposent que la génération qui prend la relève pourrait bénéficier d’une fiscalité plus incitative à la réduction de l’emploi des produits phytosanitaires, ainsi que d’une allocation de la PAC (Politique Agricole Commune) en fonction de critères environnementaux et climatiques. Concernant la fiscalité, les auteurs affirment qu’il faut tripler le prix des pesticides afin de les rendre moins attractifs pour atteindre l’objectif du plan écophyto en 2025, tout en taxant aussi les profits des firmes les produisant et les commercialisant, selon Caroline Faraldo.

Enfin, Nicolas Hulot, ancien ministre de l’écologie, souligne qu’il faut, dans les politiques publiques, des points de passage contraignants pour atteindre les objectifs. L’écart entre les promesses affichées et les résultats engendre de la déception chez les citoyens, avec tous les risques que cela peut impliquer dans la confiance envers les décideurs et l’État. Il assène : « cette étude est un cas d’école qui éclaire sur de profonds dysfonctionnements dans notre démocratie. Ces derniers ne sont pas sans danger. Il faut mettre un terme à ces politiques publiques empreintes de bonne volonté mais dénuées de moyens qui créent un cycle de défiance ».

Julien Leprovost

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Un commentaire

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    • Jean Grossmann

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    qui coïncide sensiblement en ce qui concerne le calendrier avec le bienvenu rapprochement des USA avec l’Europe à propos de l’énergie. La crédibilité se gagnant surtout par l’exemple, l’Europe va devoir faire le bon choix en ce qui concerne la nature des chaînes énergétiques qui vont lui permettre de satisfaire ses besoins en énergie. En ce qui concerne le dérèglement climatique, il va falloir qu’elle se remettre en cause et comme le disait un de mes frères ne pas revenir à la normalité vu que celle-ci était précisément le problème. Voir.
    http://www.infoenergie.eu