L’empreinte carbone du jeu vidéo

jeu vidéo impact écologique

Image d'illustration sur le jeu vidéo et son bilan carbone DR Greenly

Une étude réalisée par Greenly, une entreprise spécialisée dans la comptabilité carbone, et dévoilée fin octobre dresse un nouvel état des lieux de l’impact climatique du jeu vidéo. Ce loisir, dont la popularité ne se dément pas, est pratiqué à des degrés divers par 3,32 milliards de personnes dans le monde. Les émissions annuelles liées au jeu vidéo dans le monde sont comparables à celle d’un pays comme l’Italie ou la France. Le jeu sur smartphone, le plus populaire avec 2,9 milliards d’adeptes au quotidien, émet 58 millions de tonnes de CO2e/an, soit les émissions annuelles de la Grèce. Le jeu sur ordinateur a séduit 1,86 milliard de personnes, il représente 277,14 millions tCO2e/an. Les 90 millions de joueurs sur console ont quant à eux des émissions « estimées à 6,48 millions tCO2e/an. »

Un impact individuel relativement faible, mais démultiplié par l’effet loisir de masse

Du smartphone à l’ordinateur en passant par les consoles de jeu, le jeu vidéo est désormais accessible partout, tous ces appareils ont pourtant en commun de nécessiter des ressources pour être fabriqués et de fonctionner à l’électricité.

En raison de la multiplicité des objets, des usages et des conditions de production de l’énergie utilisée, il est difficile de retenir un seul chiffre lorsqu’on aborde le sujet. C’est pourquoi l’empreinte écologique dépend d’un côté de la production, de l’autre de l’utilisation. Un joueur sur smartphone émet en moyenne environ 20 kgCO₂e/an, un joueur sur PC atteindrait quant à lui 149 kgCO2e/an et enfin un joueur sur console serait aux alentours des 80 kgCO2/an en fonction de sa machine, même si selon Greenly « les consoles portables comme la Switch sont énergétiquement plus sobres : une Switch émet 13,8kg CO2e/an pour des sessions de jeu estimées à moins d’une heure par jour. »

Alexis Normand, cofondateur de Greenly explique que le succès de ce média se traduit par un impact important sur l’environnement : « loin de ses débuts comme passe-temps de niche dans les années 80, l’expansion des plateformes de jeu vers des formats de plus en plus portables est l’un des grands succès de la dernière génération, mettant en avant la créativité et la coopération humaine dans des environnements multijoueurs. Nous sommes convaincus que le même engagement peut être mis au service de l’environnement, et appelons la communauté des joueurs à garder le monde réel à l’esprit, même en streaming. »

Jeu vidéo : physique ou dématérialisé, quel est le meilleur choix pour la planète ?

Alors que les fêtes de fin d’année approchent, l’étude The Environmental Impact of Video Games & How to Decarbonize the Industry (L’impact environnemental des jeux vidéo et comment décarboner l’industrie) de Greenly apporte une réponse au débat pour savoir s’il faut privilégier le jeu vidéo physique ou dématérialisé. La question fait débat chez les joueurs pour de nombreuses raisons liées notamment à l’accès aux jeux, à la possibilité de les faire fonctionner et à la possibilité de les vendre d’occasion ou de les échanger, il apparait d’un point de vue environnemental plus bénéfique de privilégier l’acquisition d’un jeu en téléchargement que son équivalent sur un DVD ou une cartouche. Ainsi, alors que les ventes de jeux en magasin diminuent depuis deux décennies, selon Greenly « la fabrication d’un million de disques, emballage compris, est estimée à 312 tCO2e, sans inclure les émissions liées au transport. À l’inverse, télécharger 1 million de copies d’un jeu de 70 Go émet 3 tCO2e, hors mises à jour régulières, identiques pour les deux formats. »

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Le jeu vidéo ne fait pas exception : l’impact de la production surpasse celui de l’usage. Comme pour le numérique, où près de 80 % de l’impact provient de la production des appareils, la production des consoles, PC et smartphones pèse lourd dans la balance. Selon les données qu’a pu collecter Greenly, « la fabrication et le transport des 117 millions de PS4 vendus dans le monde ont émis 8,9 millions tCO2e entre 2013 et 2019. »

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Dès lors, l’empreinte carbone du temps de jeu varie aussi selon le dispositif sélectionné pour s’adonner aux loisirs vidéoludiques. Logiquement jouer sur un smartphone hors ligne (15 kg CO2 par an) émet beaucoup moins que sur une machine dédiée uniquement aux jeux avec un écran spécifique (221 kg de CO2 par an).

L’impact du jeu vidéo par type de machine selon différentes configurations de jeu – hors ligne, en ligne, en cloud DR capture d’écran issue de l’étude The Environmental Impact of Video Games & How to Decarbonize the Industry publié par Greenly en octobre 2025

L’équation se complique ensuite si on intègre le jeu en cloud ou le jeu en ligne. Leur impact dépend du volume des données échangées entre le joueur et les serveurs. Or, plus un jeu est complexe, sophistiqué d’un point de vue technique et graphique, plus il requiert un rafraichissement important de l’image, une résolution élevée, plus les paquets de données échangées sont conséquents. À cela s’ajoute l’énergie requise pour faire fonctionner le matériel. Dès lors, jouer à un jeu de cartes en ligne au tour par tour conduit à échanger 3 MO par heure tandis qu’un jeu de tir en temps réel en 3D peut nécessiter entre 60 et 250 MO/heure.

Quantité de données nécessaires pour différents jeux multijoueur en ligne DR capture d’écran issue de l’étude The Environmental Impact of Video Games & How to Decarbonize the Industry publié par Greenly en octobre 2025

Jouer responsable ?

Tant l’industrie que les joueurs peuvent agir afin de réduire leur empreinte écologique. Cela passe par des changements de pratiques, comme jouer plus sobre, limiter l’obsolescence programmée et l’usure des machines. Les auteurs de l’étude font remarquer que « l’industrie du jeu vidéo a plusieurs leviers pour réduire son impact, au-delà des messages qu’elle transmet au travers de certains de ses jeux comme le célèbre Final Fantasy VII », dans lequel le héros fait partie d’un groupe d’écoterroristes qui luttent contre une corporation dont les réacteurs d’énergie épuisent la planète. Ils ajoutent que les consommateurs peuvent choisir « les copies numériques pour réduire les déchets électroniques » et éviter « l’achat d’accessoires superflus liés à l’écosystème gaming : clavier rétro-éclairé, chaise de gaming, et bien d’autres. »

D’ailleurs, au-delà des histoires que les jeux vidéo narrent, ces derniers, et le jeu en général, peuvent se révéler, grâce à leurs spécificités propres que sont l’interactivité et la possibilité de mettre en scène des décisions, de formidables outils pour se mette à la place d’autrui, se confrronter à de nouvelles situations, réfléchir aux prises de décisions individuelles et collectives ou encore sensibiliser à l’écologie. Désormais, le jeu vidéo est un produit culturel comme un autre, entre fiction et simulation, il offre de nouvelles possibilités pour appréhender le réel, mais également se divertir. Il est donc temps non seulement de se demander comment on joue mais aussi à quoi on joue.

 Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

L’étude (en anglais) de Greenly  The Environmental Impact of Video Games & How to Decarbonize the Industry (L’impact environnemental des jeux vidéo et comment décarboner l’industrie

Le jeu de société pour sensibiliser et agir Ville A’venir : un jeu pour transitionner

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