La Russie retourne à l’accord céréalier, le trafic reprend en mer Noire

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Un cargo céréalier dans le Bosphore à Istanbul le 2 novembre 2022 © AFP Ozan KOSE

Kiev (Ukraine) (AFP) – La Russie a repris mercredi sa participation à l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, affirmant avoir reçu des « garanties écrites » de la part de l’Ukraine sur la démilitarisation du couloir maritime utilisé pour leur transport.

Les cours mondiaux des céréales, qui s’étaient envolés en début de semaine, promettant d’aggraver les difficultés d’alimentation dans le monde, ont aussitôt entamé un repli, malgré les doutes sur la tenue de ses engagements par Moscou.

Les Etats-Unis se sont félicités, comme l’ONU, de ce dénouement, et ont salué le rôle de la Turquie, mais ont souligné que l’accord céréalier, initialement signé en juillet pour quatre mois, devait maintenant être reconduit. Ils se sont dits dans le même temps « de plus en plus préoccupés » par l’éventualité d’un recours à l’arme nucléaire par la Russie en Ukraine, après des informations sur des plans d’attaque tactique.

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Dans l’immédiat, le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est garant de l’accord céréalier, crucial pour l’approvisionnement alimentaire mondial, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, a confirmé la reprise à partir de la mi-journée des exportations ukrainiennes en mer Noire via le couloir sécurisé.

« La Russie considère que les garanties reçues jusqu’à présent semblent suffisantes et reprend la mise en oeuvre de l’accord », a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram.

Des formulations que s’est empressé de railler le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne sur Telegram. Les demandes de garanties formulées par la Russie alors même que son armée occupe et bombarde l’Ukraine « montrent à la fois l’échec de l’agression russe et à quel point nous sommes forts lorsque nous restons unis », s’est félicité le président ukrainien face caméra, assis à un bureau, s’adressant aux Ukrainiens et aux Ukrainiennes comme tous les soirs depuis fin février.

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Moscou avait suspendu samedi sa participation à l’accord céréalier après une attaque menée avec des drones marins contre sa flotte basée dans la rade de Sébastopol, en Crimée annexée.

L’armée russe a accusé l’Ukraine d’avoir mené cette opération, qui a touché au moins un bâtiment militaire russe, avec l’aide « d’experts britanniques » et en utilisant le couloir maritime réservé aux exportations de céréales.

Il a fallu une série d’appels téléphoniques ces derniers jours entre responsables russes et turcs, notamment mardi entre M. Erdogan et le président Vladimir Poutine, et l’intercession de l’ONU, pour que Moscou révise sa position.

M. Zelensky a indiqué avoir appelé son homologue turc et l’avoir « remercié pour sa participation active à la préservation de +l’accord sur les céréales+ ».

 Menaces nucléaires

Vladimir Poutine a en revanche averti que la Russie se réservait le droit de « se retirer » de l’accord « en cas de violation de ces garanties par l’Ukraine ».

Les craintes d’une frappe nucléaire russe en Ukraine se faisaient, elles, plus pressantes, les Etats-Unis disant être devenus « au fil des mois » de « plus en plus préoccupés par cette éventualité », selon John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale.

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Ces propos font suite à une information du New York Times selon lequel les généraux russes ont discuté récemment des modalités possibles de frappe nucléaire tactique en Ukraine.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a jugé mercredi « irresponsable » que les médias occidentaux selon lui « gonflent délibérément le sujet des armes nucléaires ».

La veille, l’ex-président russe et actuel numéro 2 du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, avait pourtant une nouvelle fois brandi la menace de l’arme nucléaire, mettant en garde l’Ukraine contre sa volonté de reprendre tous les territoires occupés par la Russie, dont l’armée enchaîne les revers.

Sur le terrain, les affrontements se poursuivaient mercredi avec des combats surtout dans l’est et des bombardements sur 25 localités au total, selon le commandement militaire ukrainien.

Le gouverneur de la région de Donetsk (est), Pavlo Kyrylenko, a rapporté la mort de 4 civils ces dernières 24 heures.

Celui de Zaporijjia, dans le sud, Oleksand Staroukh, a écrit sur Telegram que l’armée russe attaquait les environs de la ville, proche de la centrale nucléaire du même nom, sans donner de détails.

Le chef de l’administration de Krivyi Rih, dans le sud également, a fait état pour sa part d’attaques russes au drone kamikaze.

Plus au sud encore, sur le front de Kherson, les journalistes de l’AFP ont constaté d’importantes destructions dans le village de Bilozirka, sur lequel les forces russes tirent des salves depuis une zone où elles sont retranchées depuis leur retrait de ce village au mois de mars.

« Au début, on ne pensait qu’au moment où ça allait enfin se terminer. Mais maintenant, cela semble normal. On s’y est habitué », a raconté une jeune habitante, Angelika Boryssenko, âgée de 20 ans.

La Russie avait mené lundi une nouvelle vague de frappes massives sur les infrastructures critiques ukrainiennes, provoquant des coupures de l’approvisionnement en eau et électricité, notamment à Kiev.

L’opérateur ukrainien Ukrenergo a annoncé mercredi de nouvelles restrictions d’électricité, tandis que le maire de la capitale ukrainienne, Vitaly Klitschko, a promis de déployer un millier de « points de chauffage » pour les habitants d’ici l’hiver.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a précisé que les frappes russes avaient endommagé 40% des installations énergétiques ukrainiennes, contraignant le pays à stopper ses exportations vers l’UE, où les prix de l’électricité flambent.

© AFP

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