En Gironde, une école accompagne le retour du cheval dans les vignes

gronde ecole chjeval vignes

Franck Favereaux (D) forme le 20 mai 2022 à l'Ecole du cheval vigneron à Saint-Savin, en Gironde, Audrey Pic (C) et Raphaëlle Verdaime-Siorat (G) © AFP Thibaud MORITZ

Saint-Savin (France) (AFP) – « Hector, yo hooo! »: dans des vignes du nord de la Gironde, Audrey Pic dirige d’une voix ferme un cheval de trait attelé à une herse. A l’Ecole du cheval vigneron, elle se forme à une pratique qui fait un retour dans les vignobles pour des raisons écologiques.

« La puissance de l’animal, c’est dingue », s’enthousiasme cette jeune femme venue des Bouches-du-Rhône, qui apprend à maîtriser le demi-tour en bout de rang avec son « maître d’école », le cheval Hector, un Breton, sous l’oeil d’un formateur.

« Garde la guide extérieure bien tendue », lui conseille ce dernier, Franck Favereaux, veste verte et chapeau de cuir. « C’était pas très académique! », dit-il après la manoeuvre.

En plus de l’aspect technique, il apprend au stagiaire à « former un binôme » avec son cheval pour une « sécurité optimale ».

A terme, Audrey souhaite acquérir un cheval et « aider des amis qui ont des hectares de vignes en Vaucluse ».

L’école a été créée par la Société française des équidés de travail (SFET) car « de plus en plus de domaines réintroduisent le cheval dans leurs vignes », explique Sophie Parel, chargée de mission formation.

L’établissement a formé une quarantaine de personnes depuis 2020, en initiation à Saint-Savin, comme Audrey, ou en perfectionnement au château Soutard (Saint-Emilion).

Le cheval répond à « une demande en hausse des vignerons de trouver des moyens d’entretenir leurs sols en essayant d’en préserver la qualité et la vie, avec moins d’herbicides et moins de tassement », explique à l’AFP Clémence Bénézet, ingénieure à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE).

Selon elle, au moins 300 exploitants viticoles utilisent la traction équine sur une partie de leur domaine, un chiffre non exhaustif. La grande majorité ne possède pas de cheval et fait appel à des prestataires de services.

[À lire aussi Au Mans, le cheval « Doupette » aux côtés des éboueurs]

Le cheval travaille plus lentement que le tracteur mais permet un « travail plus précis », glisse Mme Bénézet. « On peut éduquer le cheval pour qu’il s’arrête à la moindre résistance et n’arrache pas les pieds de vignes et donc le faire travailler dans des vieilles vignes toutes tordues ou des jeunes plants très fragiles ».

 « Langage tactile »

Au château de Rouillac (Pessac-Léognan), où règne Titan, un massif percheron blanc, le cheval « n’est pas un effet de style », assure le patron Laurent Cisneros.

C’est « notre partenaire pour arriver à maîtriser durablement notre terroir », explique-t-il. « C’est aussi un plaisir pour les yeux et les oreilles des riverains. Tout se fait dans le silence et la sérénité. »

Et en terme de bilan carbone, « on a fait nos calculs : avec près de 60% du domaine travaillé par des chevaux de trait, on a réduit nos émissions de 15% ».

[À lire aussi Jean-Louis Gouraud, auteur du manifeste Le cheval, c’est l’avenir : « l’espèce chevaline a été sauvée par la domestication »]

Au Château Nodot (Blaye – Côtes de Bordeaux), Jessica Aubert, 39 ans, a réintroduit le cheval en complément du tracteur, « dans une démarche environnementale et écologique » et parce qu’elle voulait « allier passion et travail ».

Cette Girondine qui a travaillé dans la finance avant de reprendre la propriété familiale, désormais en biodynamie, regrette toutefois le coût « assez prohibitif » des outils de traction équine. « Certains sont au moins aussi chers, voire plus, que ce qu’on met derrière un tracteur… ». Du coup, ses outils « ne sont pas assez ergonomiques ».

Avec ses deux complices, Hugo le percheron, et Diamant l’espagnol pur race, utilisés pour l’entretien des sols et des travaux de maintenance et qu’elle récompense avec des croquettes de luzerne, Mme Aubert a développé un « lien fort ».

Outre la voix, elle communique avec eux par des gestes ou « un langage tactile », comme lorsqu’elle stoppe le costaud Hugo d’un simple touché à l’épaule. « Il n’y a pas de contraintes, je ne tire pas sur la longe, ils n’ont pas de mors ».

« Il faut que le cheval aussi passe un bon moment », dit-elle encore, « on sait qu’on a gagné quand le cheval retourne au pré plus lentement qu’il n’en est sorti ».

© AFP

Charles Hervé-Gruyer, pionnier de la permaculture et de la résilience : « le jardin vivrier est probablement l’acte le plus utile qu’on puisse faire pour la planète »

Ecrire un commentaire