Jean-Louis Gouraud, auteur du manifeste Le cheval, c’est l’avenir : « l’espèce chevaline a été sauvée par la domestication »

Jean Louis Gouraud cheval avenir

Jean-Louis Gouraud (gauche) et William Kriegel (droite) _ haras de la Cense, Rochefort-en-Yvelines, Yvelines, France © Yann Arthus-Bertrand

Jean-Louis Gouraud publie un manifeste Le cheval, c’est l’avenir (éditions Actes Sud) en mars 2021. Il y revient sur la relation unique qui unit le cheval et l’être humain. Selon lui, ce lien n’empêche pas que la coopération entre les deux espèces passe par le travail. Il revient dans cet entretien sur la place occupée par les chevaux à notre époque.

Quelle place faudrait-il accorder au cheval dans la société contemporaine ?

Je voudrais que la société contemporain conserve la place que le cheval a eu depuis quelques milliers d’années dans ses relations avec l’Homme. Ce dernier admire le cheval depuis des millénaires. Les fresques de la grotte de Lascaux témoignent déjà d’une certaine fascination de l’être humain pour le cheval. Les deux espèces sont craintives et ont mis beaucoup de temps à se rapprocher l’une de l’autre. Cela a abouti à la domestication, qu’on peut dater 3000 ans avant Jésus-Christ.

Depuis cinq milles ans, les deux espèces ont entamé une collaboration basée sur un échange de bons procédés. L’humain utilise et emploie le cheval, il en abuse parfois, mais il faut rappeler qu’il le protège également. S’il n’existe plus de chevaux sauvages, ce n’est pas en raison de la prédation humaine, comme c’est le cas pour les bisons, mais parce que le cheval n’avait plus les moyens de vivre à l’état sauvage dans son milieu naturel. Au fond, l’espèce chevaline a été sauvée par la domestication, grâce aux bons soins et à la protection de l’Homme. Le cheval sait se montrer une force de travail d’appoint douce.

J’aimerais que la société contemporaine préserve cet échange unique qui existe entre l’espèce humaine et le cheval. Il ne s’agit plus d’utiliser des chevaux de labour ou pour se déplacer. Malgré la mécanisation, nous avons su trouver d’autres usages au cheval et donc de manières de coopérer, de jouer et de travailler ensemble. Ces usages se retrouvent dans les loisirs, certaines thérapies ou encore le coaching. J’aimerais que ceci soit préservé, contrairement à ce que certains, dont les antispécistes, semblent préconiser.

De quelle manière le cheval peut-il jouer un rôle dans une société qui tente de s’affranchir des énergies fossiles bon marché ?

Il y a des tentatives intéressantes pour redonner une place au cheval dans l’agriculture ou la gestion forestière. En effet, son passage est moins destructeur pour les sols que les chenilles des tracteurs. Cependant, ces usages demeurent minoritaires car avoir un cheval, c’est beaucoup de contraintes, des soins, du temps et d’entretien. Il est certainement plus pratique de disposer d’une clef à tourner pour mettre en marche un moteur. Cela explique qu’en Mongolie, et dans d’autres grands pays d’élevage, le cheval, même s’il est encore pour un temps majoritaire, se voit supplanté par des véhicules à moteur. Si vous laissez à un éleveur mongol le choix entre un cheval et une moto, il va préférer cette dernière. Pourtant, le cheval perturbe moins la nature que les moteurs.

Quelle place peuvent trouver les chevaux sauvages en liberté dans la nature ? Est-ce possible et souhaitable ?

Un certain nombre de personnes dotées de moyens ont pu préparer pendant des années la remise en liberté dans ce qu’on suppose être le milieu naturel d’origine du Cheval de Przewalski. C’est un type de cheval qu’on pensait être le dernier représentant des chevaux sauvages puisque les autres espèces de chevaux sauvages comme les tartans avaient disparu de la planète au cours du XIXe siècle.

Des tentatives pour sauver l’espèce qui survivait à l’état sauvage en URSS sur le territoire de l’actuelle Ukraine et en captivité dans des zoos européens, et la réintroduire en liberté ont eu lieu. Des troupeaux ont été libérés en France dans les Causses et les Cévennes, soit loin de leur milieu d’origine en Mongolie. C’est dans cette région que l’explorateur russe Przewalski y a aperçu les derniers spécimens en liberté. Ces expériences de réintroduction ont fini par aboutir, non sans mal car on ne peut parler de chevaux sauvages que si réellement l’animal est exempt de toute protection humaine. Mettre des chevaux en liberté ne suffit pas à en faire des chevaux sauvages surtout s’ils sont nourris, vaccinés et soignés par l’Homme. Ainsi, les chevaux ont des difficultés à se réadapter à la vie sauvage.

Mais, des études génétiques récentes ont montré que, contrairement à ce qu’on croyait, le cheval de Przewalski n’est pas vraiment une espèce sauvage. En effet, c’était une espèce domestiquée il y a 5000 ans et redevenue libre, un peu comme du marronnage ou à l’image des troupeaux de mustangs qui vivent en liberté dans les grandes plaines américaines. Il faut saluer ces expériences autour du cheval de Przewalski, qui ont permis des avancées dans l’éthologie chevaline. Mieux connaitre le comportement des chevaux en liberté permet  d’obtenir plus de connaissance et favoriser la bientraitance, mais leur portée est limitée dans le cadre d’un usage plus pratiqué du cheval.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Le cheval, c’est l’avenir Qui peut encore faire le lien entre l’homme et la nature ? par Jean-Louis Gouraud, Actes Sud

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4 commentaires

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    • Méryl Pinque

    Cette majuscule à « homme » montre assez le spécisme du bonhomme.
    Les animaux ne sont pas à la disposition de notre espèce.

    • michel CERF

    C’est quand même plus naturel et écologique que la voiture

    • Grossmann

    Vous avez raison Michel, le cheval vapeur petite entorse au système international d’unités devrait pouvoir nous rendre encore bien des services sous sa forme animale. Merci à Goodplanet. Voir

    http://infoenergie.eu/riv+ener/4nombres.pdf

    • Philippe PLOQUIN

    Excellent ouvrage à dévorer sans modération. Précis, concis, remarquablement documenté, alliant passion, culture, humour et dérision, ce livre est à mettre véritablement entre toutes les mains. Bref, ce plaidoyer pour la gente équine est, à nouveau, du très bon Jean-Louis Gouraud !