Brigitte Gothière de L214 : « la question animale est jugée importante par 89 % des Français et 47 % d’entre eux déclarent que leur vote peut être influencé en fonction du programme des candidats sur la condition animale »


Troupeau de mouton dans la baie de la Somme, France ©Yann Arthus-Bertrand

Les Français semblent accorder de plus en plus d’importance au bien-être animal. Même si la question de la maltraitance animale mobilise l’opinion depuis des décennies, elle a pris ces dernières années de nouvelles formes qui dépassent la seule approche éthique. Aujourd’hui, la question de la souffrance animale ne relève pas de la seule morale et recoupe d’autres problématiques écologiques comme la place de l’élevage, l’urgence climatique, la lutte contre la déforestation ou la santé. Alors, la condition animale peut-elle être un enjeu majeur pour les élections présidentielles et législatives de 2022 ? Nous avons posé la question à Brigitte Gothière, co-fondatrice de l’association L214 qui lutte contre la maltraitance animale.

« Le bien-être animal est directement lié à d’autres sujets. »

Qu’attendez-vous des élections présidentielles ?

« Nous enjoignons les candidats à se positionner sur une réduction de la consommation de protéines animales (viande, œuf et poisson). Nous voulons encourager et démocratiser l’alimentation végétale. Si on diminue la consommation de viande, on limite la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre.

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Quelles mesures concrètes aimeriez-vous voir mises en œuvre par le futur Président de la République ?

À l’occasion de ces élections, nous voulons promouvoir des mesures qui nous semblent indispensables, dont la fin de l’élevage intensif qui passe par un moratoire et un plan de sortie pour notre pays. Nous voulons également la fin de la pêche industrielle destructrice des fonds marins comme le chalutage de fond.

« Initier la création d’un ministère de la condition animale. »

Nous voulons aussi initier la création d’un ministère de la condition animale. Aujourd’hui, c’est souvent le ministère de l’agriculture qui s’en charge mais il est influencé par les syndicats agricoles. L’intérêt éthique des animaux passe toujours en dernier.

Enfin, la question de la protection des lanceurs d’alerte est majeure pour nous. On sait que des partis politiques aimeraient bien que les lanceurs d’alerte ne puissent plus s’exprimer. Or, c’est important pour nous de les protéger sinon montrer les abus et dénoncer les scandales sera plus compliqué et difficile.

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Comment comptez-vous faire ressortir toutes ces thématiques dans le débat ?

La question animale est jugée importante par 89 % des Français et 47% d’entre eux déclarent que leur vote peut être influencé en fonction du programme des candidats sur la condition animale. Notre site Internet « Politique Animaux » porte nos revendications tout en offrant justement une analyse du positionnement des candidats à partir de leurs bilans, de leurs programmes ou de leurs déclarations. On mène quotidiennement un travail de décryptage sur l’implication des uns et des autres dans la cause du bien-être animal. Ces outils sont donc à retrouver sur notre page « présidentielles ». Cela permet, quand un candidat partage un certain nombre d’idées avec vous, de pouvoir directement l’interpeller à partir de notre site pour lui demander quelle est sa position sur tel ou tel sujet.

« Quand on parle de la cause animale d’un point de vue politique, on ne parle pas de l’élevage intensif, alors que c’est l’enjeu majeur. »

Quel est le bilan du quinquennat ? Les résultats sont-ils à la hauteur des enjeux ?

Non. Il reste beaucoup à faire, malgré quelques avancées. Elles ont été possibles grâce aux actions menées par les ONG qui sont engagées dans la protection des animaux. Ça devient une question incontournable pour les politiques. Nous avons assisté, par exemple, à la fin des élevages de vison pour leur fourrure, à l’interdiction de l’exploitation dans les cirques, à la fin des delphinariums, à l’interdiction de la castration à vif des cochons… Ce sont des progrès très concrets et importants pour nous. Pourtant, ce n’est pas suffisant, car fermer le dernier élevage de vison c’est fermer un seul élevage. Quand on parle de la cause animale d’un point de vue politique, on ne parle pas de l’élevage intensif, alors que c’est l’enjeu majeur… L’article L214-1 du code rural dit que les animaux doivent être placés dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de leur espèce, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous nous sommes enfoncés dans une maltraitance institutionnalisée. »

Propos recueillis par Romane Pijulet

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Un commentaire

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    • Claude Courty

    N’est-il pas surtout affligeant de sembler ignorer que la condition animale dépend avant toute autre considération, autant qualitativement que quantitativement, des besoins de ses prédateurs, dont les besoins croîssent sans cesse avec leur nombre ?