6e rapport du GIEC : le réchauffement s’accélère, « alerte rouge » pour l’humanité

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Photo prise le 20 juin 2021 montrant la carcasse d'un poisson sur le sol asséché des marais de Chibaiych, dans le sud de l'Irak © AFP Asaad NIAZI

Paris (AFP) – Pire et plus vite qu’on le craignait. Le réchauffement de la planète pourrait atteindre le seuil de +1,5°C autour de 2030, dix ans plus tôt qu’estimé, menaçant de nouveaux désastres « sans précédent » l’humanité, déjà frappée par des canicules et inondations en série.

A moins de trois mois de la conférence climat COP26 à Glasgow, le constat choc des experts climat de l’ONU (Giec) publié lundi, sonne comme un branle-bas de combat : les humains sont « indiscutablement » responsables des dérèglements climatiques et n’ont d’autre choix que de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, s’ils veulent en limiter les dégâts.

Ce premier rapport d’évaluation depuis sept ans, adopté vendredi par 195 pays, passe en revue cinq scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, du plus optimiste – certains diraient utopiste – à l’hypothèse du pire.

Dans tous les cas, la planète devrait atteindre le seuil de +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle autour de 2030. Dix ans plus tôt que la précédente estimation du Giec en 2018.

Ensuite, d’ici 2050, la hausse se poursuivrait bien au-delà de ce seuil – qui est une des limites-clés de l’Accord de Paris – même si le monde parvenait à réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre.

Et si ces émissions ne sont pas drastiquement réduites, les +2°C seront dépassés au cours du siècle. Ce qui signerait l’échec de l’Accord de Paris et son objectif de limiter le réchauffement « bien en-deçà » de +2°C, si possible +1,5°C.

« Ce n’est que la première salve »

Alors que la planète a gagné pour l’instant +1,1°C, le monde voit de ses propres yeux les conséquences déjà à l’œuvre. Encore plus cet été, avec les images de flammes ravageant l’Ouest américain, la Grèce ou la Turquie, des flots submergeant des régions d’Allemagne ou de Chine, ou un thermomètre qui frôle les 50°C au Canada.

« Si vous pensez que ça, c’est grave, rappelez-vous que ce que nous voyons aujourd’hui n’est que la première salve », commente Kristina Dahl, de l’organisation Union for Concerned Scientists.

Même à +1,5°C, les canicules, inondations et autres événements extrêmes vont augmenter de manière « sans précédent » en termes d’ampleur, de fréquence, d’époque de l’année où elles frapperont et de zones touchées, prévient le Giec.

« Ce rapport devrait faire froid dans le dos à quiconque le lit (…) Il montre où nous en sommes et où nous allons avec le changement climatique : dans un trou qu’on continue de creuser », a commenté le climatologue Dave Reay.

Face à cet avenir apocalyptique, les appels à agir se multiplient.

« Stabiliser le climat va nécessiter une réduction forte, rapide, et durable des émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre la neutralité carbone », insiste Panmao Zhai, co-président du groupe d’experts ayant élaboré ce premier volet de l’évaluation du Giec.

Le deuxième volet sur les impacts, prévu pour février 2022, montre en détails comment la vie sur Terre sera inéluctablement transformée d’ici 30 ans, voire plus tôt, selon une version préliminaire obtenue par l’AFP.

Le troisième volet sur les solutions est attendu en mars. Mais la voie à suivre est déjà largement connue pour mettre en place la transition vers une économie décarbonée.

« Ce rapport doit sonner le glas du charbon et des énergies fossiles avant qu’ils ne détruisent notre planète », a ainsi plaidé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, accusant ces énergies et la déforestation « d’étouffer la planète ».

Vers +4° ou +5° au rythme actuel

Alors qu’il faudrait réduire les émissions de CO2 de moitié d’ici 2030 pour tenir le +1,5°C, tous les regards se tournent désormais vers Glasgow où se réuniront en novembre les dirigeants du monde entier.

« Il n’y a pas le temps d’attendre et pas de place pour les excuses », a insisté Antonio Guterres, réclamant que la COP soit un « succès », après cette « alerte rouge pour l’humanité » lancée par le Giec.

Mais à ce stade, seule la moitié des gouvernements ont révisé leurs engagements d’émissions de gaz à effet de serre. La précédente série d’engagements, pris dans la foulée de l’Accord de Paris de 2015, conduirait à un monde à +3°C, s’ils étaient respectés, mais au rythme actuel, le monde se dirige plutôt vers +4°C ou +5°C.

Au milieu de ses sombres projections, le Giec apporte malgré tout un espoir auquel se raccrocher.

Dans le meilleur scénario, la température pourrait revenir sous le seuil de 1,5°C d’ici la fin du siècle, en coupant drastiquement les émissions et en absorbant plus de CO2 qu’on en émet. Mais les techniques permettant de récupérer le CO2 dans l’atmosphère à large échelle sont toujours à l’état de recherche, note le Giec.

Conséquences irréversibles

Et certaines conséquences du réchauffement sont de toute façon « irréversibles », insiste le rapport. Sous l’influence de la fonte des glaces polaires, le niveau des océans va continuer à augmenter pendant « des siècles, voire des millénaires ». La mer, qui a déjà gagné 20 cm depuis 1900, pourrait encore monter d’environ 50 cm d’ici 2100, même à +2°C.

« Ça semble lointain, mais des millions d’enfants déjà nés devraient être encore bien vivants au 22e siècle », souligne Jonathan Bamber, un des auteurs du rapport.

Pour la première fois, le Giec souligne également « ne pas pouvoir exclure » la survenue des « points de bascule », comme la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique ou la mort des forêts, qui entraîneraient le système climatique vers un changement dramatique et irrémédiable.

Mais ce n’est pas une raison pour abandonner le combat, au contraire, insistent scientifiques et militants. Parce que le changement climatique ne se déchaîne pas par magie à un certain seuil : chaque fraction de degré compte et renforce les impacts.

« Nous ne sommes pas voués à l’échec », assure Friederike Otto, une des auteurs.

« Nous ne laisserons pas ce rapport être remisé sur une étagère », insiste de son côté Kaisa Kosonen, de Greenpeace. « Nous l’apporterons avec nous dans les tribunaux ».

©AFP

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6 commentaires

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Avec ce dernier rapport du Giec, nos libertés s’amenuisent inévitablement à mesure que les années passent. Nous devons donc tous retourner à nos tables à dessin. Nous devons refaire nos devoirs svp.

    Raisonnablement,
    @GuyLafond @FamilleLafond
    À nos vélos, à nos espadrilles de course, à nos vêtements de plein air! Car le le temps file et car les enfants comptent!
    https://twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329
    https://www.cbd.int/action-agenda/contributions/action/?action-id=5eb4392ee9f0fa00018b947d
    https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cat.aspx

    • Blandin Monique

    La seule question que nous, chacun des 7 milliards d’habitant de notre village Terre doit se poser : que sommes-nous prêts à laisser de nos habitudes ? Moins de téléphones, moins de trajets voiture, moins d’objets en plastique, moins d’eau consommée, moins de vacances en avion…
    Adultes, enfants, adolescents… Chacun doit y répondre par écrit, en famille, seul, entre amis.
    Les enseignants des cette rentrée scolaire devraient faire parler les enfants collégiens lycéens et étudiants sur ce que chacun est prêt à abandonner de ses habitudes et fonctionnement. Seul moyen de montrer aux gouvernants que nous sommes prêts.

    • MARIE MERIENNE

    Vite agissons pour nos petits enfants et les suivants

    • Balendard

    Pour sortir de l’enfer climatique nous allons devoir remettre en cause les chaînes énergétiques que nous utilisons actuellement pour assurer notre confort, à savoir :

    1 la façon dont nous consommons l’énergie, voir
    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/2consommation.pdf

    2 la façon dont nous produisons l’énergie, voir
    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/3production.pdf

    • Kervennic

    La vraie question n’est pas de savoir si nous sommes pret a renoncer a nos habitudes. C’est plutot de savoir si Macron et ceux qui soutiennent la croissance vont nous laisser tranquille. Et si ils refusent de nous laisser tranquille,serons nous assez courageux pour nous defendre .?

    • Michel Cerf

    Nous laisser tranquille pout quoi ? Nous defendre contre quoi , contre qui ? Sans doute en descendant dans la rue sans rien proposer , dans le seul but de contester toute forme d’autorité , de brandir des pencartes et surtout d’aboyer , aboyer , encore aboyer ,