En moyenne montagne, le retour dévastateur des campagnols


Philippe Rodier (d) tente de réparer les dégâts causés par les campagnols dans un champ à Gourdièges, le 4 mars 2021 © AFP/Archives Thierry ZOCCOLAN

Gourdièges (France) (AFP) – « Ici, il n’y a plus rien à manger, c’est fini! »: de vastes étendues de terre marron, poussiéreuses, ont remplacé les prairies verdoyantes de Philippe Rodier, éleveur à Gourdièges (Cantal), témoignant du passage dévastateur des campagnols terrestres.

« Rien ne repousse! 50% de mes terres sont ravagées; il ne reste rien. Les autres sont aussi touchées, même s’il reste un peu d’herbe », se désole le propriétaire de 130 vaches allaitantes, désemparé face à l’invasion du rat taupier, l’autre nom du campagnol.

Ce petit rongeur d’une vingtaine de centimètres, qui pèse entre 100 et 300 grammes, mange chaque jour son poids en racines, en creusant des galeries dans le sol, transformé en gruyère, et en laissant sur son passage de petites mottes. L’herbe se raréfie, puis disparaît progressivement, jusqu’à ce que la terre recouvre totalement les pâtures.

L’animal se reproduit très rapidement, avec une portée de quatre à huit petits par femelle tous les 21 jours. « On en compte jusqu’à 1.000 par hectare », assure l’éleveur en montrant la dizaine de cadavres de rats piégés dans la matinée.

A Gourdièges, petite commune d’une soixantaine d’habitants, dominée par le Plomb du Cantal encore enneigé en ce début mars, l’élevage de montagne constitue l’activité principale. Pas une ferme n’est épargnée par les campagnols, selon le maire Bernard Coudy, 69 ans, lui-même ancien éleveur.

« On est capable d’envoyer une sonde sur Mars et on n’est pas capable d’éradiquer ces bestioles », déplore l’élu.

Résultat: dans cette zone de moyenne montagne, où la saison d’hivernage dure entre quatre à cinq mois, les éleveurs sont contraints d’acheter du fourrage pour nourrir leurs bêtes, ce qui grève un peu plus une trésorerie déjà tendues.

Pire, les vaches « ingèrent de la terre avec l’herbe qu’elles broutent, ce qui n’est pas très bon pour leur panse », dit-il.

Les sécheresses successives n’ont rien arrangé en amplifiant les dégâts du rongeur, qui pullule par cycles, espacés d’environ cinq ans.

« C’est une combinaison de différents facteurs, et la régulation du campagnol dépend à la fois des ressources et des prédateurs » comme le renard, qui est victime de la chasse, explique Yves Michelin, agronome à Lempdes (Puy-de-Dôme).

Les régions du Massif central, du Cézallier au Sancy, ainsi que les plateaux du Jura sont particulièrement touchés, et dans une moindre mesure une partie des Alpes et des Pyrénées, selon lui.

– « Comme le Covid » –

La présence du rongeur est très problématique dans le Mézenc, en Haute-Loire, où les vaches servant à la production du « fin gras » – viande persillée AOP commercialisée de février à juin – doivent être nourries à partir de prairies naturelles.

« On est en plein pic, mes parcelles sont pleines de mottes », peste Raymond Devidal, éleveur à Fay-sur-Ligon (Haute-Loire) qui dit avoir dépensé 45.000 euros en fourrage pour nourrir ses 140 vaches laitières à cause des campagnols, réservant le foin récolté à sa cinquantaine de génisses produisant du fin gras.

Depuis l’interdiction fin 2020 de la Bromadiolone, un anticoagulant utilisé contre les campagnols, les espoirs des agriculteurs se tournent vers un autre produit à base de phosphure de zinc.

Mais « c’est une lutte qu’il faut arriver à mécaniser parce que trou par trou, ce n’est pas possible. C’est extrêmement gourmand en moyens humains », explique Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA, lui-même éleveur dans le Cantal.

L’usage de ces produits doit en outre rester exceptionnel, met en garde Yves Michelin.

La lutte doit être collective, organisée et surtout réalisée en amont: « c’est exactement comme le Covid. Il faut identifier les foyers le plus tôt possible pour éviter la vague », détaille-t-il.

Et de citer l’exemple de l’impluvium de Volvic (Puy-de-Dôme), vaste zone protégée où s’infiltrent les pluies qui alimentent le gisement de la célèbre eau minérale.

« Un système d’alerte et de contrôle de la population de campagnols à l’aide d’un piégeur a été mis en place à partir de 2015 », ce qui a permis, selon lui, d’endiguer la pullulation.

© AFP

Des renards et des hommes

19 commentaires

Ecrire un commentaire

    • michel CERF

    La bonne question est : quelle est la cause de cette invasion ? tout déséquilibre dans la nature est causé par les activités humaines et l’éradication des prédateurs , on récolte ce que l’on a semé .

    • Greg

    Exactement Michel , quand on aura compris qu’il faut arrêter de massacrer certaines espèces et laisser les équilibre naturel se restaurer on aura fait un grand pas. Mais l intérêt de certains et l obstination d autres contribuent à ces déséquilibres . Comment faire comprendre aux chasseurs et autres qu ils font plus de mal que de bien. ?

    • dany voltzenlogel

    En attendant… On ne sait quoi,….
    Le renard et quelques autres prédateurs, sont toujours nuisibles.

    • Philippe Guérin

    Vous avez massacré tous ses prédateurs, dont le renard… Il ne faut pas se plaindre

    • Bouv

    Il faut repeupler en renards ce sont les meilleurs alliés possible pour les agriculteurs !!!

    • WISNIEWSKI

    D’où la nécessité de protéger la biodiversité et les renards !
    Tout est lié quand l’homme comprendra que chaque être vivant est utile il aura fait un grand pas. Protéger les renards et le problème des campagnols se résoudra naturellement

    • Dirdain

    Un renard = – 2000 camoagnols par an

    • Champernau Jean-Marc

    S’il n’y avait pas tant de malvenus pour exterminer les prédateurs, on n’en serait pas là.

    • Kaikou

    Fallait pas exterminer les renards qui sont les prédateurs naturels des campagnol…

    • COLSON

    La maladie d’aujeski qui affecte les sangliers et les chiens est aussi transmissible aux renards. C est un fléau qui gagne de nombreuses provinces comme le centre de la France. Les chasseurs sont peu impliqués dans l élimination du renard.

    • alice parisot

    vous pouvez remercier..vos amis  » chasseurs « …..

    • BARATAY

    Il est temps d’ordonner aux chasseurs d’arrêter de massacrer les renards qui sont les régulateurs naturels des rongeurs !!! les à priori sur ce mammifère leur sert pour développer leur hobby cruel, et inadmissible !!! voici une info officielle sur le sujet des campagnols et des rongeurs de façon générale :
    Dans le magazine Techniques Culturales Simplifiées : Le numéro 66 de cette revue consacre une large place à un dossier intitulé : « Campagnols : La prédation est votre meilleure arme, efficace et durable ». Ce dossier présente très bien la problématique liée aux campagnols et les pistes de lutte, au rang desquelles la prédation est mise en exergue. En plus des arguments déjà évoqués précédemment, nous pouvons également y lire un appel dirigé vers les chasseurs « Si vous êtes chasseur, la tentation est sans doute grande car les idées reçues sur le renard sont bien ancrées mais, pour la santé de vos cultures, merci d’abaisser votre fusil ».

    • Pierre MAURIT

    Bonjour ‘ c’est bien simple ‘ d’abord ‘ ne tuez pas ni plus du tout ,les Renards et Blaireaux ‘ ne les déterrez plus , s’ils étaient plus nombreux les Rats ‘taupiers ‘ seraient ‘ maitrisés ‘ , vous avez ‘aussi tous les Rapaces diurnes et nocturnes ‘ laissez les ‘poisons ‘ Bien à vous amis éleveurs ‘ ex du métier MP

    • ROGNON

    Jacques

    • Alleman

    Les renards étaient les principaux prédateurs de compagnols vous les avez assassiné pour votre plaisir alors demerder vous glorieux chasseurs

    • Pellegrino therese

    Et voilà a quoi mène l éradication du renard ?. Ils ne peuvent s’en prendre qu’aux chasseurs.

    • VdH

    Bon sang, pourquoi parler d’empoisonner ces bestioles. Leurs cadavres empoisonnera leurs prédateurs.
    C’est ce qui a été fait dans le Jura. Résultats catastrophiques.
    À quand une VÉRITABLE GESTION de la faune sauvage ???
    Le milieu cynégétique ne gère que son bon plaisir. Et dans les campagnes, bcp d’agri sont « juge et partie ». N’est-ce pas aussi une demande déguisée de subventions ?
    Il y a vraiment de quoi bondir lorsqu’on lit certaines réactions des intervenants.

    • André R.

    Effectivement pendant ce temps là le chasseur continue d’exterminer le prédateur des campagnols, demandons-lui de dédommager l’éleveur. Sollicitons aussi les préfets et autres lobbyistes qui oeuvrent dans le même sens. N’oublions pas parmi les « utiles » l’hermine, redoutable régulateur des campagnols.

    • Cassiopée

    Il aurait fallu laisser la nature se « réguler  » elle même, les renards ne sont pas là pour le plaisir macabre de certains… ils auraient pu réguler les rongeurs…