Colombie : un botaniste confiné par la pandémie dans son jardin tropical

jardin botanique

Vue du jardin botanique à Quindio, le 6 juillet 2020 créé par Alberto Gomez © AFP Adriana RUIZ

Calarcá (Colombie) (AFP) – D’une forêt luxuriante surgit la chevelure blanche d’Alberto Gomez. Quand la pandémie s’est déclarée, ce passionné de botanique s’est confiné dans le jardin qu’il a créé en Colombie, pays dont la biodiversité est l’une des plus riches de la planète.

Sans les trente employés qui l’accompagnent habituellement et loin de sa famille, installée à Bogotá, cet homme de 72 ans se bat pour préserver l’Eden qu’il a fait naître il y a plus de quarante ans. Le nouveau coronavirus l’a contraint à fermer.

« Je vis ici, dans ce jardin botanique du Quindio, depuis le mois de mars parce la pandémie m’a bloqué ici », a-t-il expliqué à l’AFP, parmi les 600 espèces de plantes endémiques plantées sur quatorze hectares.

Lorsque la Colombie est entrée en confinement le 25 mars pour contenir la propagation du Covid-19, ce parc situé à Calarcá, dans le département caféier du Quindio (ouest), a vu s’évaporer sa principale source de revenus : le tourisme. Il y attire 600.000 visiteurs par an.

Depuis, Alberto tient à la fois les rôles de jardinier, gardien, domestique, administrateur et « dictateur », dit-il en riant, « parce qu’ici pas une seule feuille ne bouge sans mon consentement ».

Pour continuer à payer les salaires des employés, il a frappé aux portes des banques, en vain. Puis il a eu recours au « crédit à taux d’usure » et a lancé un appel au secours sur les réseaux sociaux.

« J’ai mis au monde ce jardin », rappelle cet homme contraint par la crise sanitaire à trouver des solutions de survie. « Nous nous réinventons, comme on dit maintenant », dit-il avec humour.

SOS pour un Eden

Avocat de profession, Alberto s’est converti en « jardinbotaniste » lorsqu’il a commencé à s’intéresser aux plantes. Il avait à peine 20 ans. Le droit lui permettra de gagner sa vie, tout en développant ce centre de conservation écologique.

« J’ai peu à peu plongé dans un monde fascinant », explique-t-il.

Orchidées, plantes grasses, aquatiques ou médicinales, un musée de palmes, un zoo d’insectes, une immense serre de papillons, une bibliothèque, un cinéma, etc. composent ce jardin.

A la faveur de l’accord de paix signé en 2016 avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la part des « visiteurs étrangers est passé de 5 % à 20 % ». Cependant, « la quarantaine a ruiné le tourisme international, national et local », déplore-t-il.

Alberto a lancé une campagne intitulée « SOS por el Jardin Botanico del Quindio » (SOS pour le Jardin botanique du Quindio). Dans une vidéo, il invite à acheter des arbres, à parrainer des plantes ou des zones de ce paradis de la biodiversité, et à financer des projets par des dons.

Sur un terrain voisin, les employés ont planté plus de 70.000 plantes de 37 espèces endémiques. Avec le produit de leurs ventes, il a pu payer leurs salaires de mai et de juin.

Son but est de sauver d’une fermeture définitive ce lieu qui survit « en plein chaos de la déforestation, de la dégradation des écosystèmes, du réchauffement mondial et de l’extinction des espèces », explique-t-il.

Éviter la « destruction écologique »

Alors que le jour se lève à peine, vers 5h30 du matin, Alberto s’éveille au chant des oiseaux.

À l’aube « débute la symphonie et avec cette symphonie, je me lève », dit-il. La Colombie est le pays le plus « bio-divers » du monde après le Brésil. C’est aussi le premier pour la variété de ses oiseaux, dont le jardin compte 176 espèces.

Après un rapide petit-déjeuner, il prend soin des bassins où poussent les plantes aquatiques. Selon lui, « il n’y a rien de mieux pour apaiser l’esprit ».

Le reste de la journée, il développe ses projets et cherche des financements pour le parc. Ce dernier croît à l' »état sauvage » faute de suffisamment d’entretien depuis plus de cent jours.

Président de l’association Red Nacional de Jardines Botanicos de Colombia (Réseau national des jardins botaniques de Colombie), Alberto se sent investi d’une responsabilité importante.

« Il faut d’extrême urgence sauver la Colombie de la destruction écologique (…). Nous ne pouvons attendre nos enfants, nous devons le faire nous, maintenant! »

Vers 21h30, il termine sa journée de travail par un café. « Durant cette pandémie, tous les jours sont les mêmes pour moi. Il n’y a pas de différence entre un dimanche et un lundi. »

Son esprit fourmille de projets éducatifs, de plans pour un second livre, de l’envie d’apprendre le français. « La seule chose interdite dans ce jardin, c’est d’arrêter de rêver », lance le botaniste.

© AFP

À lire également : François Couplan : « nous devrions être plus reconnaissants envers les plantes »

Ecrire un commentaire