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Les crèmes solaires mettent en péril la biodiversité marine


Plage et parasols, ouest de l'île de Phuket, Thaïlande © Yann Arthus-Bertrand

Chaque année, 25 000 tonnes de crème solaire se répandraient dans les mers et océans du globe. Ces produits sont très prisés par les baigneurs mais menacent la santé des écosystèmes marins. D’après l’Agence pour la Recherche et la Valorisation Marines (ARVAM), il suffit d’une baignade de 20 minutes pour que 25 % de la crème solaire préalablement étalée sur le corps soit dispersée dans l’eau. Les produits solaires sont utilisés pour les filtres ultraviolets (UV) qu’ils contiennent, permettant de protéger la peau des rayons UV du soleil. Or, ces filtres, qui peuvent être chimiques (aussi appelés filtres organiques) ou minéraux, sont mis en cause par de nombreuses études scientifiques.

Les récifs coraliens menacés par les filtres UV des crèmes solaires

Plusieurs études scientifiques ont notamment mis en évidence les conséquences délétères de filtres UV sur les coraux. En effet, certains filtres UV détériorent ces derniers et contribuent à leur blanchissement. En 2023, suite à une large étude menée en Outre-mer, l’Agence nationale de sécurité sanitaire française (ANSES) a elle-même confirmé la toxicité de trois filtres UV chimiques pour les coraux : l’oxybenzone, l’octinoxate et l’octocrylène. Bien que les récifs coralliens occupent à peine 0,2 % des fonds marins, ils abritent plus de 25 % des espèces marines. Ces oasis de vie font partie des écosystèmes les plus riches en termes de biodiversité, mais comptent aussi parmi plus fragiles.

Aujourd’hui, plusieurs filtres UV chimiques controversés sont toujours autorisés dans l’Union Européenne. Suite à la demande de retrait du marché de l’octocrylène par l’ANSES en 2023, le gouvernement français avait affirmé auprès de France Info vouloir « porter la demande au niveau européen ». Jérôme Labille, directeur de recherche au CNRS, souligne qu’il « existe une forte inertie entre les découvertes de méfaits pour l’environnement de la part d’un filtre chimique et l’action des autorités. Il peut s’écouler 10 ans avant qu’un filtre soit retiré du marché ».

Néanmoins, plusieurs pays comme les îles Palaos et la Thaïlande ont d’ores et déjà prohibé les crèmes solaires contenant certains filtres UV chimiques. Depuis 2021, un décret thaïlandais interdit notamment les produits solaires contenant de l’oxybenzone ou de l’octinoxate dans les parcs nationaux du pays, dans l’objectif de préserver les coraux. Les contrevenants s’exposent à une amende de 100 000 bahts, soit plus de 2 500 euros.

[A lire aussi : Palau interdit les crèmes solaires toxiques pour protéger ses coraux]

Des risques pour la santé humaine

Aux risques environnementaux s’ajoutent les risques sanitaires que présentent certains filtres UV suspectés d’être des perturbateurs endocriniens. De plus, une étude franco-américaine publiée dans la revue Chemical Research in Toxicology en 2021 a révélé que l’octocrylène se dégrade naturellement en benzophénone au fil du temps, au sein-même des contenants de crème solaire. Or, la benzophénone est classée comme « cancérogène possible pour l’humain » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC).

« Ce n’est pas noir ou blanc, c’est complexe, il n’existe malheureusement pas de filtre UV qui soit parfait sur tous les points »

En parallèle des filtres UV chimiques, il existe des filtres UV minéraux provenant de particules minérales. À ce jour, seuls deux filtres UV minéraux sont autorisés par la règlementation européenne : l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane. Dans les crèmes solaires, ces particules sont toujours enrobées par une couche de protection minérale. Jérôme Labille explique alors que « cet enrobage détermine la toxicité et le devenir des filtres UV minéraux dans l’environnement. » Le chercheur ajoute qu’il n’a « jamais été démontré de toxicité sur un filtre UV enrobé ».

Cependant, le choix entre filtre UV chimique ou minéral n’est pas si évident vis-à-vis de leur impact sur l’environnement puisque le dioxyde de titane et, dans une moindre mesure, l’oxyde de zinc sont amenés à rester très longtemps dans les milieux aquatiques avant de se dissoudre. Les molécules chimiques ont quant à elles une durée de vie déterminée et se dégradent progressivement. « Ce n’est pas noir ou blanc, c’est complexe, il n’existe malheureusement pas de filtre UV qui soit parfait sur tous les points », insiste Jérôme Labille.

Que faire cet été ?

Dans la pratique, en raison des effets néfastes d’une trop grande exposition aux rayons du soleil, il est difficile de se passer de crème solaire. En effet, les rayons UV peuvent provoquer des coups de soleil et des dommages irréversibles sur la peau, ainsi que d’éventuelles complications à long terme. Se protéger des rayons du soleil reste alors crucial mais le consommateur peut choisir les produits qu’il va appliquer sur sa peau. « Mon conseil serait de chercher les filtres UV dans la liste d’ingrédients d’une crème solaire et de se renseigner sur internet à propos de leur potentielle dangerosité. », conclut Jérôme Labille. Pour préserver les océans, il est intéressant de privilégier les crèmes solaires résistantes à l’eau afin que les filtres UV restent sur la peau lors de baignades. Également, favoriser une application 20 à 30 minutes avant de se baigner permet de laisser à la peau le temps d’absorber le produit solaire, limitant ainsi la dispersion de filtres UV dans l’eau.

Marion Lamure

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