L’agroécologie, mille définitions pour une agriculture plus propre

verger de Gotheron

Le verger de Gotheron, à Bourg-les-Valence, dans la Drôme le 17 septembre 2019 © AFP/Archives JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

Fondée sur des pratiques agricoles calées sur la vie des sols, la nature et ses cycles, l’agroécologie paraît un concept entendu, la voie à suivre pour une transition environnementale de l’agriculture et de l’alimentation. Oui, mais laquelle exactement ?

Lors du 57e salon de l’agriculture qui fermera ses portes dimanche à Paris, le mot agroécologie était partout. Mais chacun soutient sa propre définition, plus ou moins écolo, plus ou moins productiviste.

Apparu en 1928 sous la plume d’un agronome américain d’origine russe, Basile Bensin, l’agroécologie a été conceptualisée par des universitaires à Berkeley comme Miguel Altieri, essentiellement en référence à une agriculture alternative s’opposant au modèle industriel d’Amérique Latine, souligne Bernard Hubert, directeur d’études à l’EHESS.

Pour Olivier De Schutter, ex-rapporteur des Nations unies du droit à l’alimentation, l’agroécologie est une façon saine de nourrir la planète en luttant contre les pollutions et le changement climatique à la fois: un ensemble de pratiques agricoles qui recherchent « des moyens d’améliorer les systèmes agricoles en imitant les processus naturels », notamment en gérant la matière organique des sols ».

En France, dans les années 60, l’agroécologie promue par Pierre Rabhi et Terre et Humanisme s’est forgée en résistance aux méfaits de l’agriculture intensive sur la nature.

Mais elle est restée largement minoritaire au profit de la mécanisation, du recours aux engrais et pesticides de synthèse qui ont transformé la France en puissance agricole et agroalimentaire en faisant exploser les rendements.

Jusqu’à la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014. Cette loi portée par Stéphane Le Foll « s’est appuyée sur les agriculteurs afin d’essayer de remettre en cause le système dominant », soulignait récemment Nicole Ouvrard, directrice des rédactions du groupe Réussir, lors d’un colloque à Paris.

Lancé par la Commission nationale du débat public (CNDP) au salon de l’Agriculture, le vaste débat prévu dans toute la France jusqu’à fin mai à la demande du gouvernement et de la Commission européenne (impactons.debatpublic.fr) cherchera notamment à répondre aux questions: « quel modèle agricole pour la société française? » et « quelle transition agroécologique pour l’agriculture? ».

Le temps presse. Pour Nicolas Gross, chercheur à l’INRAE, le changement climatique va intensifier la désertification de régions du monde qui ne l’étaient pas jusqu’à présent. En France, la moitié sud du pays jusqu’à Clermont-Ferrand, est concernée, sauf la façade Atlantique, selon une étude qu’il vient de publier dans la revue Science.

« Des compromis partout »

Ce qui implique des façons différentes de produire des végétaux, céréales, oléagineux, légumes ou fruits, et de faire de l’élevage. Dans les régions plus au nord, la nécessité de réduire les émissions amènera aussi les pratiques agricoles à évoluer.

Si de plus en plus d’interlocuteurs s’accordent sur le besoin de mieux traiter les sols, de les couvrir toute l’année pour empêcher l’érosion, favoriser la photosynthèse des plantes, et donc la captation du carbone, les techniques sont différentes selon les interlocuteurs et … les comptes en banque.

Certains privilégient le développement du bio, coûteux en surfaces. D’autres le retour de petites unités paysannes mélangeant culture et élevage sur des prairies qui captent le carbone – les deux profitant l’un à l’autre au plan écologique.

D’autres enfin privilégient une « agriculture de précision », basée sur des outils d’aide à la décision, drones, capteurs et images satellites, coûteuse en capitaux, les « données » devenant le nerf de la production alimentaire de demain.

Aujourd’hui « je ne connais aucune ferme qui soit en agroécologie pure, il y a des compromis partout », parfois avec le plastique ou la mécanisation, tente de dédramatiser Olivier Hébrard, expert de Terre et Humanisme.

In fine, c’est sans doute la rentabilité qui permettra les choix.

« On peut construire des systèmes de production donc des parcelles, des territoires agricoles qui permettent de concilier performance productive et performance environnementale », a expliqué cette semaine le directeur scientifique agriculture de l’INRAE, Christian Huygue, sur France 3.

A condition que les agriculteurs « ne soient pas soumis à des injonctions paradoxales » du gouvernement et des consommateurs. « On ne peut pas leur dire, vous produisez beaucoup au prix le plus bas tout en faisant des choses très complexes », a-t-il dit. « Il faut qu’il y ait une cohérence globale ».

© AFP

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