Face à la crise écologique, la rébellion est nécessaire

grammes de CO2

Casse d’automobiles, Saint-Brieuc, Côtes-d’Armor, France (48°31’ N – 2°46’ O). 9 Yann Arthus-Bertrand

Dans une appel publié, notamment sur le site du Monde, le 20 février 2020, près d’un millier de scientifiques spécialisés dans des disciplines diverses expliquent que face à l’urgence climatique la « rébellion est nécessaire ». Ils sont spécialisés en neurosciences, en planétologie, en climatologie ou en épidémiologie, et ils ne voient plus d’autre recours possible que la désobéissance civile face au changement climatique. Nous republions ici le texte de l’appel des 1000 scientifiques.

Nous, soussignés, représentons des disciplines et domaines académiques différents. Les vues que nous exprimons ici nous engagent et n’engagent pas les institutions pour lesquelles nous travaillons. Quels que soient nos domaines d’expertise, nous faisons tous le même constat : depuis des décennies, les gouvernements successifs ont été incapables de mettre en place des actions fortes et rapides pour faire face à la crise climatique et environnementale dont l’urgence croît tous les jours. Cette inertie ne peut plus être tolérée.

Les observations scientifiques sont incontestables et les catastrophes se déroulent sous nos yeux. Nous sommes en train de vivre la 6e extinction de masse, plusieurs dizaines d’espèces disparaissent chaque jour, et les niveaux de pollution sont alarmants à tous points de vue (plastiques, pesticides, nitrates, métaux lourds…).

Pour ne parler que du climat, nous avons déjà dépassé le 1°C de température supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle, et la concentration de CO2 dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée depuis plusieurs millions d’années. Selon le rapport de suivi des émissions 2019 du Programme des Nations unies pour l’environnement et le développement (PNUE), les engagements pris par les pays dans le cadre de l’accord de Paris de 2015 nous placent sur une trajectoire d’au moins +3°C d’ici 2100, et ce à supposer qu’ils soient respectés. L’objectif de limiter le réchauffement sous les +1,5°C est désormais hors d’atteinte à moins de diminuer les émissions mondiales de 7,6% par an, alors qu’elles ont augmenté de 1,5% par an au cours des dix dernières années. Chaque degré supplémentaire renforce le risque de dépasser des points de basculement provoquant une cascade de conséquences irréversibles (effondrement de la banquise, dégel du pergélisol, ralentissement des courants océaniques…). Les études préparatoires au prochain rapport du GIEC (CNRS-CEA-Météo France) suggèrent que les rapports précédents ont sous-estimé l’ampleur des changements déjà enclenchés. Un réchauffement global de plus de 5°C ne peut plus être exclu si l’emballement actuel des émissions de gaz à effet de serre se poursuit. À ces niveaux de température, l’habitabilité de la France serait remise en question par des niveaux de température et d’humidité provoquant le décès par hyperthermie.

Les sociétés humaines ne peuvent continuer à ignorer les conséquences de leurs activités sur la planète sans en subir les conséquences, comme l’ont montré de longue date et chaque jour plus clairement de nombreuses études reflétant le consensus scientifique. Si nous persistons dans cette voie, le futur de notre espèce est sombre.

Notre gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de précaution et en ne reconnaissant pas qu’une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est tout simplement une impasse. Les objectifs de croissance économique qu’il défend sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle économique et productif qu’il est indispensable d’engager sans délai. Les politiques françaises actuelles en matière climatique et de protection de la biodiversité sont très loin d’être à la hauteur des enjeux et de l’urgence auxquels nous faisons face. Loin de confirmer une prétendue opposition entre écologie et justice sociale, le mouvement des gilets jaunes a dénoncé à juste titre l’inconséquence et l’hypocrisie de politiques qui voudraient d’un côté imposer la sobriété aux citoyens tout en promouvant de l’autre un consumérisme débridé et un libéralisme économique inégalitaire et prédateur. Continuer à promouvoir des technologies superflues et énergivores comme la 5G ou la voiture autonome est irresponsable à l’heure où nos modes de vie doivent évoluer vers plus de frugalité et où nos efforts collectifs doivent être concentrés sur la transition écologique et sociale.

L’absence de résultats de cette politique est patente : comme l’a relevé le Haut Conseil pour le climat, le budget d’émissions de gaz à effet de serre fixé par la Stratégie nationale bas carbone française n’a pas été respecté entre 2015 et 2018. En dépit des déclarations de bonnes intentions, l’empreinte carbone par habitant de la France (incluant les émissions importées) reste aujourd’hui encore supérieure à son niveau de 1995, à 11 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an, alors qu’elle doit descendre à 2 tonnes d’ici 2050.

La prochaine décennie sera décisive pour limiter l’ampleur des dérèglements à venir. Nous refusons que les jeunes d’aujourd’hui et les générations futures aient à payer les conséquences de la catastrophe sans précédent que nous sommes en train de préparer et dont les effets se font déjà ressentir. Lorsqu’un gouvernement renonce sciemment à sa responsabilité de protéger ses citoyens, il a échoué dans son rôle essentiel.

En conséquence, nous appelons à participer aux actions de désobéissance civile menées par les mouvements écologistes, qu’ils soient historiques (Amis de la Terre, Attac, Confédération paysanne, Greenpeace…) ou formés plus récemment (Action non-violente COP21, Extinction Rebellion, Youth for Climate…). Nous invitons tous les citoyens, y compris nos collègues scientifiques, à se mobiliser pour exiger des actes de la part de nos dirigeants politiques et pour changer le système par le bas dès aujourd’hui. En agissant individuellement, en se rassemblant au niveau professionnel ou citoyen local (par exemple en comités de quartier), ou en rejoignant les associations ou mouvements existants (Alternatiba, Villes en transition, Alternatives territoriales…), des marges de manœuvre se dégageront pour faire sauter les verrous et développer des alternatives.

Nous demandons par ailleurs aux pouvoirs publics de dire la vérité concernant la gravité et l’urgence de la situation : notre mode de vie actuel et la croissance économique ne sont pas compatibles avec la limitation du dérèglement climatique à des niveaux acceptables. Nous appelons les responsables politiques nationaux comme locaux à prendre des mesures immédiates pour réduire véritablement l’empreinte carbone de la France et stopper l’érosion de la biodiversité. Nous exhortons également l’exécutif et le Parlement à faire passer les enjeux environnementaux avant les intérêts privés en appliquant de manière ambitieuse les propositions issues de la Convention citoyenne pour le climat et en prolongeant son mandat pour lui donner un pouvoir de suivi de leur mise en œuvre.

La tribune est accessible sur le site Rebellions Scientifiques.

L’appel sur dans les pages Opinions du site du Monde.

 

11 commentaires

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    • Michel CERF

    Totalement d’accord avec ce constat , il faut agir immédiatement même si je crains qu’il ne soit trop tard , ceci dit je ne compte pas sur les gilets jaunes qui ne pensent qu’à leur pouvoir d’achat et à combattre la démocratie par des actions violentes que l’on constate jour après jour .

    • Balendard

    OUI Michel et ce n’est pas nous deux malgré tout notre bonne volonté qui allons redresser la situation. Après avoir mis en évidence la fonction de transfert thermique d’un immeuble et de sa chaufferie à l’évidence comparable à celle de notre planète et les radiations solaires qui l’atteigne je ne pense pas me tromper en écrivant ceci: compte tenu de la durée de vie du gaz carbonique déjà émis dans l’atmosphère qui serait d’une centaine d’années, même si l’on diminue aujourd’hui les émissions mondiales de 7,6% par an, l’objectif de limiter le réchauffement sous les +1,5°C est déjà hors d’atteinte. sans faire de catastrophisme il est même hors d’atteinte si l’on stop demain samedi 20 février 2020 toute combustion de produits fossiles. Voir l’analyse faite à ce sujet sur le fichier destiné à l’IESF section Île-de-France

    • Grossmann

    mon dernier message à GoodPlanet n’est pas passé mais je tiens à dire que si la durée de vie du gaz carbonique dans l’atmosphère est vraiment de 100 ans la situation est encore plus grave que ce qui est annoncé

    • sophie l

    Je fais le maximum à mon niveau depuis déjà quelques années , mais je n’ irai pas perdre mon temps et mes nerfs dans n manifs et blocages , surtout porté par des asso trop d’ ultra gauche ou anar ( j’ ai mis du temps à ouvrir les yeux mais désormais je suis vigilante : les Attac, Alternatiba, Greenpeace et autres qui ont soutenu sans faillir les consuméristes irresponsables gj en scandant « Macron démission »? Quelle plaisanterie ! )

    Je compte d’ abord sur mon bulletin de vote et sur le rayonnement d’ actions citoyennes alternatives constructives comme  » Terres de convergence  » dans mon département.

    • janine Favre

    ce constat est réaliste et tout continue comme si un miracle devait se produire!!Tout est fait pour cacher la vérité et continuer de produire, d’engranger de l’argent!!!!pour faire quoi dans un désert invivable????la bêtise règne, gouverne les états, c’est désespérant

    • Michel CERF

    100 % d’accord avec vous deux ! on se sent bien impuissant face à ce monde qui sombre dans la folie .

    • Rosset

    Il y a des pré-requis indispensables pour arriver à quelque chose dans ce domaine. Le premier de tous à mon avis est l’adoption du vote blanc éliminant les candidats battus par ceux-ci afin de donner des chances à l’intégration d’une nouvelle génération de gestionnaire d’état; le deuxième est de faire payer les impôts avec effet rétroactif aux entreprises qui y échappent illégalement ou immoralement, ce qui participerait plus que grandement à payer une transition écologique. Le troisième est le développement d’une éducation populaire parmi les nouvelles générations basée sur un boycotte des produits issus d’industries en énergie fossile et liées au BRI et de celles qui ne paient pas les impôts. Evidemment cela impliquerait une redéfinition totale de l’économie, pseudo-science totalement dévoyée par la haute finance aujourd’hui. La tâche est immense et supposerait de plus la suppression de la cupidité et le cynisme des personnes et organismes ayant un moindre pouvoir d’action. Est-ce réalisable ? Il n’y a que les jeunes qui pourront faire quelque chose. Les plus de 70 ans ont bien de la chance …

    • Jean-Pierre Bardinet

    Des scientifiques qui prônent la rébellion, ce sont des scientifiques qui ont perdu toute éthique professionnelle en donnant priorité à une idéologie réchauffiste mortifère, qui ne s’appuie que sur de la pseudo-science. Je note qu’aucun de nos médias subventionnés, n’a jamais publié un seul article sur l’appel de quelques 800 scientifiques appelant à la raison en rappelant qu’il n’y a aucune urgence climatique… On peut toutefois noter que, si urgence il y a, c’est de tout faire pour éviter un totalitarisme vert mondialisé, ce qui aurait des conséquences dramatiques pour tous les citoyens de notre belle planète bleue (qui, soit dit en passant, se porte fort bien). Car, actuellement, avec les délires des idéologues réchauffistes, Big Brother n’est plus très loin.

    • Jean-Pierre Bardinet

    Grâce aux combustibles fossiles, jamais l’humanité ne s’est globalement aussi bien portée. Tous les indicateurs (pauvreté, éducation, santé, faim, eau potable, démocratie, …) sont au vert. Depuis près de 20 ans, il n’y a quasiment plus de réchauffement global, la tendance n’étant plus que de +0,1C/décennie (mesures UAH et Hadcrut4), malgré une très forte inflation des émissions de CO2, ce qui n’a rien de catastrophique. Quant aux océans, voir le site du climatologue Ole Humlum climate4you, onglet « oceans », sea level from tide gauges, pour se rendre compte qu’ils montent de 1-1,5 mm/an, sans accélération, sans corrélation avec nos émissions de CO2 ni avec la croissance quasi-linéaire du taux global de CO2, ni avec les petites variations de température. Evidemment, ces alarmistes irrationnels ne savent même pas cela. Par contre, si l’on appliquait manu militari les visions délirantes de ces khmers verts, alors les résultats seraient cataclysmiques pour tous les citoyens de cette planète.

    • Michel CERF

    Pauvre Mr. BARDINET , l’urgence , pour vous , est de consulter au plus vite un psychiatre .

    • LA CITE VERTE

    Il n’est jamais trop tard pour faire
    La Planète nous rappellera à l’ordre en temps et en heure
    Seul(e)s les sceptiques mourront !