Brésil: le cacao bio commence à sortir des petits paysans de la misère

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La serre de la ferme communautaire "Dois Riachões" à Ibirapitanga, dans l'Etat brésilien de Bahia, le 16 décembre 2019 © AFP MORGANN JEZEQUEL

Sous une serre à flanc de colline, des fèves de cacao bio sèchent depuis plusieurs jours: « c’est notre dernière récolte et nous avons déjà un acheteur! » se réjouit Rubens Costa de Jesus, agriculteur membre de la ferme communautaire « Dois Riachões », qui regroupe 39 familles.

Établis à 80 kilomètres du littoral de Bahia, au nord-est du Brésil, ces petits paysans autrefois sans terre produisent cacao, légumes et fruits sans utiliser ni engrais ni pesticides chimiques.

Leur production fait partie des quelque 1.900 tonnes de cacao bio produit en 2018 au Brésil, soit moins de 1% de la production nationale.

Tous originaires de la région, ils s’étaient d’abord installés au pied de la ferme « Dois Riachões » en 2001, dans des installations précaires en bord de route. A l’époque, la propriété de quelque 400 hectares appartenait à une grande famille de cacaoculteurs mais ne remplissait pas les critères de productivité imposés par l’État.

Six ans plus tard, suite à l’expropriation de la ferme par la justice, les paysans décident, malgré les recours présentés par la propriétaire, de s’installer sur une partie de l’exploitation et d’y cultiver leurs produits selon des principes exclusivement biologiques et un système agroforestier pour le cacao.

4 hectares par famille

Chaque famille est ainsi chargée d’exploiter un lot de 4 hectares de cacaoyers. Un potager communautaire est créé.

En 2018, après l’épuisement des recours, la ferme est confiée par la justice à l’Institut national de la colonisation et réforme agraire (Incra), chargé du foncier agricole, qui accorde alors officiellement aux paysans le droit de rester sur place.

« Auparavant, nous travaillions dans des exploitations de cacao conventionnel, ce qui nous permettait tout juste de survivre. La situation s’est aggravée lorsque les plantations ont été décimées par un champignon surnommé +balai de sorcière+, ce qui a conduit beaucoup de fermes à la faillite. Produire notre propre cacao, qui plus est bio, nous permet enfin de vivre de notre activité », explique Rubens Costa de Jesus, âgé de 31 ans.

Pour écouler leur production croissante, les familles ont d’abord adhéré à un programme public de soutien à la commercialisation des produits de l’agriculture familiale. Mais les achats subventionnés par l’État baissant, les exploitants ont dû chercher d’autres débouchés.

Des revenus triplés

En 2016, les paysans ont obtenu une première certification bio auprès du réseau participatif « Peuples de la forêt », accrédité par le ministère de l’Agriculture, qui leur permet de vendre leurs produits sur les marchés bio de Bahia.

Dans le même temps, ils suivent des formations, font pousser des cacaoyers plus résistants, améliorent leurs méthodes et installent une serre pour le séchage des fèves afin d’améliorer leur qualité.

La majeure partie de leur cacao fin est acheté par des marques brésiliennes de chocolat premium. A la demande de leur principal client, l’entreprise Amma Chocolate, qui produit exclusivement du bio et en exporte une partie à l’étranger, la ferme sollicite et décroche en 2018 le label Ecocert, leader mondial de la certification des produits biologiques. Au Brésil, seules deux certifications « cacao bio » ont été attribuées par cet organisme.

« Cette marque nous paye deux fois plus que le prix du marché tout comme notre autre client, l’entreprise Dengo, qui n’achète que du cacao fin, et nous verse une prime supplémentaire de 30% pour le cacao bio. Cela nous a permis de tripler nos revenus », se réjouit le jeune agriculteur.

Les petits producteurs s’apprêtent à inaugurer leur propre fabrique de chocolat, financée grâce à un crédit collaboratif. « Il y a quelques années, personne ici n’avait jamais goûté de chocolat fin », sourit-il.

Au Brésil, le nombre de cacaoculteurs ayant la certification nationale bio est inférieur à 400 et leur production reste encore faible, notamment en raison « de la difficulté de commercialisation du produit » dans certaines régions, tempère cependant Manfred Willy Müller, coordinateur au sein de la Commission exécutive du plan de la culture cacaotière (Ceplac), liée au ministère de l’Agriculture.

Ainsi l’an passé, dans l’état du Para (nord), 85% de la production de cacao bio d’un groupe de coopératives regroupant 126 agriculteurs a dû être vendue en conventionnel par manque de structure commerciale, a-t-il souligné.

© AFP

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