À l’heure où l’action politique en faveur du climat peine à se traduire en mesures fortes et où les appels à la responsabilité collective et à l’action individuelle ne suffisent plus à répondre aux enjeux, une nouvelle étude de GreenFaith et du Mouvement Laudato Si’ met en avant le rôle potentiel des religions dans l’engagement en faveur du climat. Ce dernier se montre d’autant plus important que, selon les auteurs de cette note, 84 % de la population mondiale revendique une appartenance religieuse. Ce chiffre devrait atteindre 87 % en 2050, lit-on dans le rapport, « avec une croissance particulièrement forte prévue au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne et dans la région Asie-Pacifique. »

La note d’analyse Écrire le récit sur le climat : stratégies pour stimuler l’implication des médias religieux, publié le 4 septembre, s’accompagne d’un guide pratique de conseils Écrire le récit sur le climat : stratégies pour stimuler l’implication des médias religieux. Il se destine aux leaders religieux désireux d’engager leur communauté de fidèles dans l’action climatique. En effet, la religion porte des valeurs qui se traduisent potentiellement par des engagements concrets dans la vie quotidienne. En ce sens, la spiritualité pourrait contribuer à intégrer des comportements et des habitudes dans la vie de tous les jours afin de mieux prendre en compte l’environnement.
L’engagement écologique dépasse les simples convictions politiques
« Le changement climatique n’est pas seulement un défi politique, c’est aussi une question d’éthique », affirme Iyad Abhumoghli, qui dirige la coalition de la Foi pour la Terre au sein du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Il tient à valoriser le fait que les convictions religieuses peuvent mettre en action « des milliards de personnes dans le monde » surtout que l’action climatique a besoin « d’une légitimité qui dépasse la science et la technique ». Les religions portent des valeurs telles que le sens de la responsabilité morale, l’idée que les humains doivent gérer la Terre. Elles intègrent généralement l’idée de justice sociale et des appels à la frugalité voire à la sobriété.

Ainsi, le rapport d’une quinzaine de pages note qu’en dépit de divergences qui existent au sein des cinq plus grands courants religieux mondiaux (bouddhisme, christianisme, hindouisme, islam et judaïsme), de plus en plus de leurs leaders appellent à protéger l’environnement. D’après des études d’opinion, 90 % des dirigeants religieux chrétiens aux Etats-Unis se déclarent favorables à la lutte contre le changement climatique. Au niveau mondial, 80 % des dirigeants religieux musulmans expriment un point de vue similaire. Les rapporteurs soulignent que « bien qu’il n’y ait pas de recherche globale, mondiale et multiconfessionnelle sur ce sujet, des indications suggèrent que l’inquiétude des chefs religieux et spirituels est répandue et continue de croître ».
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« Le changement climatique affecte non seulement nos vies, nos économies, notre santé mais aussi notre spiritualité » », alerte la militante écologiste musulmane Nouhhad Awwad de Greenpeace Moyen-Orient et Afrique du Nord engagée dans le mouvement Ummah for Earth (l’oumma pour la planète- l’oumma désignant la communauté en arabe).
La place du vivant dans les croyances religieuses
Les différentes confessions portent des messages appelant au respect de la nature. Ce qui se manifeste par différentes croyances et injonctions comme le respect de la création présent dans la tradition chrétienne, le principe islamique du calife (intendance), les liens que le bouddhisme tisse entre les humains et les autres êtres vivants présents dans la nature supposant que chacun peut tour à tour être l’un d’entre eux ou encore le caractère divin reconnu à des aspects du monde naturel (fleuve, animaux…) qu’on retrouve dans l’hindouisme.

Ces dernières années, en plus de l’encyclique Laudato Si’ du pape François, d’autres confessions ont édicté des textes appelant à préserver l’environnement comme la Déclaration islamique sur le changement climatique et Al-Mizan. Toutes deux « exhortent les musulmans à protéger la Terre en tant que gardiens de la création », selon le rapport de GreenFaith qui donne également en exemple « la déclaration bouddhiste The Time to Act is Now (Il est temps d’agir) [qui] appelle à un abandon des combustibles fossiles. »
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La religion, un levier d’action
« Ces documents sont riches en exemples et actions concrètes qui peuvent être adoptées par les individus et les institutions », déclare Iyad Abhumoghli du PNUE. Il rappelle que « la religion ne se résume pas aux prières et aux croyances », elle peut mener à des actions concrètes comme « refuser d’investir dans les énergies fossiles comme le pétrole le gaz ou le charbon », « planter des arbres » ou encore limiter la consommation de viande. De nombreuses institutions religieux ont rejoint le mouvement de désinvestissement dans les énergies fossiles ces dernières années.
« Des opportunités pour développer un militantisme vert venu de la base motivé par des valeurs religieuses existent »
Toutefois, le révérend Fletcher Harper, directeur de GreenFaith, en plus d’insister sur le fait que « les valeurs religieuses sont un moteur de l’action climatique », souligne que celle-ci offre des opportunités car les médias séculiers se font l’écho des engagements des religions. L’étude, qui est la première du genre, a des limites dans le champ de son analyse, montre toutefois que « 38,7 % de la couverture par les médias séculiers de l’action des religions en faveur de l’écologie concerne le christianisme », ce qui s’explique « par le relais médiatique des messages portés par le pape François. » Fletcher Harper admet cependant bien volontiers l’existence d’un biais dans ces résultats puisque les travaux portent sur les médias anglophones et lusitanophones. Ce qui aboutit surtout à une sous-représentation des autres confessions ne signifiant en rien qu’elles ne s’engagent pas pour la planète.

Fletcher Harper de GreenFaith pense que « des opportunités pour développer un militantisme vert venu de la base motivé par des valeurs religieuses existent ». Il y voit même « un bon angle de récit pour les médias » et tient à rappeler que « la voix des chefs religieux est importantes au niveau international, régional et local ».
Un message vidéo diffusé lors de la présentation à la presse du rapport de GreenFaith et du Mouvement Laudato Si’ abonde dans ce sens. La militante écologiste ougandaise Vanessa Nakate de Youth for Climate y raconte comment sa foi chrétienne l’a aidée à trouver la force d’agir. « Je crois que c’était la voix de dieu et l’esprit saint qui m’ont dit d’aller dans la rue, de surmonter mes craintes et mes inquiétudes afin d’attirer l’attention sur le problème du changement climatique. Il ne s’agit pas seulement de rendre la planète meilleure, c’est une conviction enracinée dans la compassion, dans l’idée de prendre soin pas seulement de la création, mais aussi de mes voisins et pour tout le monde sur Terre », déclare-t-elle en estimant qu’il s’agit d’une question de dignité et de justice.
Au-delà, le rapport analyse ce que les médias, principalement en anglais et en portugais, qu’ils soient religieux ou laïques, disent sur le lien entre foi et engagement. Il en ressort donc, toujours selon le rapport, que « la foi est considérée comme un cadre potentiellement puissant pour lutter contre le changement climatique. L’attention portée par les médias à l’intersection entre la foi et l’action climatique a permis la croissance régulière des mentions liées au climat par les acteurs religieux sur les réseaux sociaux entre 2022 et 2024. » Toutefois, il existe des nuances dans la manière dont les médias abordent ces sujets.

Les médias religieux ou les personnes exprimant leurs convictions sur les réseaux sociaux peuvent se montrer en faveur de la défense de l’environnement tandis que d’autres feront preuves de climato scepticisme. Comme le rapport l’écrit : « l’intensité de la couverture varie d’une religion à l’autre, mais les utilisateurs des réseaux sociaux sont actifs dans toutes les confessions ». Les courants religieux n’étant pas uniformes, débats et divergences de points de vue existent, ce que le rapport résume ainsi : « il n’existe pas de position cohérente sur l’importance de l’action climatique dans les publications religieuses ou au sein des groupes religieux. » Leur variété témoigne des divergences d’opinion au sein des sociétés, le rapport synthétise ce constat ; « un large éventail de points de vue sont représentés dans la presse religieuse et en ligne, y compris le climatoscepticisme. » Ce dernier peut être combattu, selon le révérend Hetcher Harper de GreenFaith à condition que les leaders religieux portent des messages basés sur la science.
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Pour aller plus loin
Le site Internet www.FaithAndClimate.org pour retrouver le rapport et le guide (en anglais pour le moment, mais une version française est prévue)
Le site (en anglais) Faith for Earth Coalition | UNEP – UN Environment Programme
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