La diminution des populations d’animaux sauvages se poursuit, selon le dernier rapport Planète Vivante du WWF

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Un orang-outang © naturepl.com _ Maxime Aliaga -WWF

Les populations d’animaux sauvages ont diminué en moyenne de 73 % en un demi-siècle, selon le dernier rapport Planète Vivante du WWF publié ce jeudi 10 octobre. Ce dernier a mis à jour les données de l’Indice Planète Vivante qui suit l’évolution de l’abondance relative de des espèces sauvages entre 1970 et 2020. Aujourd’hui, il donne un état de santé des de près de 35 000 populations de 5 495 espèces de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens.

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Figure 1.4 (a) Indice Planète Vivante mondial de 1970 à 2020, basé sur 34 836 populations suivies de 5 495 espèces de vertébrés. La ligne blanche indique la valeur de l’indice et les zones colorées représentent l’incertitude statistique entourant cette valeur. © WWF France – extrait du rapport Planete Vivante 2024

Une diminution des populations de vertébrés sauvages observée partout dans le monde

La baisse des populations d’animaux sauvages concerne la grande majorité des espèces de vertébrés sauvages. « Les populations d’espèces d’eau douce affichent le plus fort déclin, avec une baisse de 85 %, suivies des populations d’espèces terrestres (69 %) et marines (56 %) », résume le rapport du WWF. Au niveau régional, l’Indice Planète Vivante affiche de fortes disparités puisqu’il montre un déclin de19 % des populations d’animaux sauvages en Amérique du Nord et de 35 % en Europe. Tandis que, cette perte atteint les 95 % pour l’Amérique latine et les Caraïbes, 76 % pour l’Afrique et 60 % pour l’Afrique. Cela s’explique en partie par le fait que l’érosion du vivant a démarré plus tôt en Europe et en Amérique alors qu’elle est en cours, « dans l’hémisphère sud » et « concomitante de la mondialisation », selon tes termes de Yann Laurans, le directeur des programmes du WWF France.  La disparition des espèces et des espaces sauvages trouve ses origines dans le développement agricole et économique, ainsi que l’expansion démographique, ailleurs dans le monde.

 

 

Figure 1.5 Indice Planète Vivante par région de l’IPBES pour les populations terrestres et d’eau douce combinées, de 1970 à 2020, sur la base de 2 449 populations et 935 espèces de vertébrés en Amérique du Nord, 3 936 populations et 1 362 espèces en Amérique latine et dans les Caraïbes, 4 615 populations et 619 espèces en Europe et en Asie centrale, 4 622 populations et 768 espèces en Asie et dans le Pacifique et 2 304 populations surveillées de 552 espèces en Afrique. Les lignes blanches représentent la valeur de l’indice et les zones colorées représentent l’incertitude statistique entourant la valeur8. © WWF France – extrait du rapport Planète Vivante 2024

Derrière ces chiffres, se trouvent des espèces. En Guyane, la tortue Luth a connu un déclin sans précédent ces 20 dernières années. On serait ainsi passé de 4000 pontes par an sur les plages de Guyane à 80. Autre espèce emblématique, l’éléphant de forêt d’Afrique a vu sa population réduite de 78 à 81 % entre 2004 et 2024, en cause le braconnage intensif pour l’ivoire au Gabon et au Cameroun.  Le rapport relate aussi que : « le nombre de saumons Chinook du fleuve Sacramento a chuté de 88 % entre 1970 et 2022 » à cause de la diminution du niveau du fleuve et le hausse des températures.

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Infographie du WWF sur l’évolution de la population de certaines espèces de verterbés © WWF France – extrait du rapport Planète Vivante 2024

« L’effondrement de la biodiversité n’est pas toujours visible. On ne se rend pas compte de ce qui est en train de se passer. Pourtant, de plus en plus d’études montrent que nous approchons de points de bascule », affirme Yann Laurans, le directeur des programmes du WWF France. Une fois ces derniers franchis, la restauration des écosystèmes et des espèces serait impossible.

[À lire notre article explicatif sur les points de bascule Déclin de la biodiversité : alerte sur les points de bascule des écosystèmes]

L’Indice Planète Vivante, marqueur d’une dégradation des écosystèmes

Yann Laurans rappelle que l’Indice Planète Vivante ne recense pas les espèces menacées, mais l’évolution de leur population. En effet, la disparition des espèces est un phénomène long, difficile à évaluer, mais qui s’est accéléré au cours des deux derniers siècles en raison de la pression des activités humaines sur les milieux naturels. Selon l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services ou en français Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Il s’agit de l’équivalent du GIIEC -Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, pour la biodiversité), 1 espèce sur 5 serait menacée d’extinction dans les décennies à venir. Yann Laurans voit dans la fin d’une espèce, « le clap de fin d’une histoire que le rapport Planète Vivante raconte. Parce que toute disparition commence par une diminution des populations. » Il précise néanmoins qu’il est difficile de se rendre compte de l’ampleur du phénomène, « cela ne se voit pas trop car il reste des insectes ou des éléphants, mais pas assez. » L’aire de répartition d’un animal commence par se réduire, le nombre d’individus décline, puis les espèces finissent par s’éteindre.

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Les activités humaines sont mises en cause dans la réduction des populations d’animaux sauvages. Il faut savoir que ces dernières ne représentent plus que 4 % de la biomasse des mammifères. Autrement dit, la quasi-totalité des mammifères présents sur Terre sont dorénavant des animaux domestiques, notamment utilisés pour l’élevage. Ainsi, agriculture, surexploitation des ressources et changement climatique affectent les espèces sauvages. Un des premiers facteurs d’érosion du vivant est le changement d’affectation et d’usage des sols. En clair, c’est quand un espace naturel, comme une forêt, une zone humide ou une savane, est remplacé par un champ, un pâturage, une zone d’activités ou des habitations.

[À lire aussi Le constat du dangereux déclin de la nature avec l’accélération « sans précédent » du taux d’extinction des espèces]

Même si la biodiversité est au cœur des enjeux, elle n’est toujours pas au centre des préoccupations politiques

La biodiversité reste pourtant au centre de l’existence et des activités économiques humaines. Plus de la moitié du PIB mondial (55 %) dépend des services rendus par la nature. Or, cette dernière est aussi la première victime des activités économiques. L’édition 2024 du rapport Planète Vivante est dévoilée à un moment clef puisque la fin de l’année sera marquée par la COP15 sur la biodiversité et la COP29 sur le climat. Les auteurs du rapport notent que : « malgré les interventions politiques de ces trente dernières années visant à stopper la perte de la nature, les déclins constatés dans les rapports précédents se poursuivent ». Ces dernières semaines ont été marquées en Europe par la remise en cause de la politique de protection du loup et le report du plan de lutte contre la déforestation importée. Ce que confirme Véronique Andrieux, la directrice Générale du WWF France : « tous les deux ans, le rapport Planète Vivante du WWF tient le triste rôle de vigie face à l’effondrement de la nature. Pourtant, alors qu’il est plus qu’urgent de transformer en profondeur notre modèle de production et de consommation, on assiste, incrédules, au détricotage des avancées obtenues en Europe et en France. »

[À lire aussi l’interview de GoodPlanert Mag’ avec Véronique Andrieux, directrice générale de WWF France : « protéger ne suffit plus, il faut aussi restaurer »]

Le rapport Planète Vivante s’arrête sur les objectifs et les avancées en matière de protection de l’environnement. Le compte n’y est pas en matière de climat, de biodiversité et de développement durable. À propos des engagements sur la biodiversité, les auteurs du rapport soulignent que : le Cadre mondial sur la biodiversité (CMB), un plan d’action visant à protéger, restaurer, utiliser et gérer durablement les écosystèmes, a été signé en grande pompe par 196 Parties à la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) en décembre 2022 [NDLR l’accord de Kunming-Montréal signé à la COP15 sur la biodiversité]. Mais […], peu de progrès réels ont été réalisés. Une analyse récente a révélé que, malgré de nombreux engagements de haut niveau, les taux de mise en œuvre sont faibles et les financements promis loin d’être suffisants. »

[À lire aussi COP15 sur la biodiversité, le point de vue de la Fondation GoodPlanet : « il est désormais temps de concrétiser les bonnes intentions » ]

Il est encore temps d’agir pour la biodiversité

« Quand on veut, on peut préserver des espèces avec des lois et des réglementations pour protéger une espèce ou un espace donné », estime Yann Laurans. « On peut y arriver comme pour la loutre ou pour le castor en France. Mais, cela reste des ilots d’amélioration ou de préservation à l’intérieur d’un ensemble qui se dégrade globalement ». Le rapport donne ainsi l’exemple du bison d’Europe qu’on trouve désormais dans 10 pays dont la population est passée de 0 à 6000 en 70 ans ou encore celui du gorille des montagnes qui vit en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda dont les effectifs ont augmenté de 3 % entre 2010 et 2016.

[À lire aussi La scientifique Anne Atlan : « un des problèmes de notre société est la dichotomie nature – culture, il va falloir sortir de la logique les humains d’un côté, la nature de l’autre. »]

Au-delà de ces cas spécifiques, c’est un changement en profondeur qui est nécessaire, notamment pour réduire l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. Cela nécessite de revoir les modes de vie.  Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France affirme : « il faut une transition du système alimentaire, moins de protéines animales, plus de protéines végétales » En effet, une grande partie des céréales cultivées pour l’élevage provient de la déforestation.  La directrice du WWF France fustige les choix politiques trop lents : « l’heure n’est plus à la demi-mesure : nous devons agir massivement et immédiatement pour protéger ce qui peut encore l’être et restaurer ce qui a déjà été abîmé. »

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

Le rapport Planète Vivante 2024 sur le site Internet du WWF France

Explique-moi…L’alimentation durable – sur le site Internet de la Fondation GoodPlanet

BON, le premier livre de sensibilisation à l’alimentation durable de la Fondation GoodPlanet – Fondation GoodPlanet

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