Interdits d’utilisation en France, mais encore produits et exportés, le Conseil d’État met fin à une incohérence sur certains pesticides


Épandage de pesticides à Jeju-Do, South Korea © Yann Arthus-Bertrand

L’association Générations Futures vient d’obtenir une victoire juridique qui met fin à une absurdité qui autorisait la production en France et l’exportation de produits phytosanitaires interdits dans le pays. Un décret dérogatoire qui permettait de continuer de produire et d’exporter des pesticides pourtant prohibés en France vient d’être annulé par le Conseil d’État. Le 5 mars 2024, la plus haute juridiction administrative du pays a rendu une décision sur le décret gouvernemental n° 2022-411 du 23 mars 2022. Celui-ci autorisait de façon transitoire le stockage, la production et l’exportation de produits phytosanitaire contenant une molécule dont l’approbation était arrivée à échéance. Le décret était juridiquement contesté par l’ONG Générations Futures puisqu’il laissait la possibilité aux producteurs de pesticides d’en poursuivre la fabrication et la vente en dehors de France bien que leur nocivité pour la santé et l’environnement ait été reconnue.

« Nous saluons cette décision du Conseil d’État, qui réaffirme avec force la primauté de la protection de la santé et de l’environnement sur les intérêts économiques. La tentative d’introduire des dérogations à l’interdiction de produire, stocker et vendre des pesticides dangereux non approuvés dans l’Union Européenne a été clairement rejetée », déclare François Veillerete, porte-parole de Générations Futures.

L’imbroglio remonte à la loi Égalim de 2018. Elle prévoyait l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation des pesticides contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne au 1er janvier 2022. Cependant, le décret du 23 mars 2022 établissait une série de dérogations pour les producteurs des substances chimiques pour les écouler. Il y a alors deux cas de figures possibles. Soit l’Europe accorde un « délai de grâce » pour encadrer le retrait des produits partout au niveau européen. Soit, les textes européens ne prévoient rien et c’est dans ce cas précis que le Conseil d’État a annulé le décret gouvernemental de mars 2022. Générations Futures a attaqué ces dérogations par un recours devant le Conseil d’État. Générations Futures explique dans un communiqué la décision : « le Conseil d’Etat estime que, lorsque la Commission européenne permet un délai de grâce pour les produits à base d’une substance active, la France peut se calquer sur ce délai. En revanche, dès lors que ce n’est pas le cas, le gouvernement ne peut, au mépris de l’interdiction posée par la loi, instaurer un système d’autorisations provisoires. »

« La décision du Conseil d’État d’annuler le II de l’article D. 253-46-1-6 du Code rural et de la pêche maritime est une affirmation claire de la nécessité de respecter la législation en place sans chercher à l’affaiblir par des dérogations injustifiées. Le Conseil d’État, en se rangeant aux arguments que nous avons présentés, confirme que le principe de sécurité juridique ne peut être invoqué, en l’occurrence plus de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, pour contourner des interdictions établies dans l’intérêt de la santé publique et de la protection de l’environnement. Cette victoire judiciaire renforce le cadre légal contre la production et l’exportation de substances dangereuses, et réitère l’importance du respect scrupuleux des lois visant à protéger les citoyens et l’environnement », déclarent les avocats du cabinet TTLA qui ont porté ce dossier pour Générations Futures.

Les ONG voient dans cette décision une victoire surtout au moment où les normes et les réglementations sont contestées par une partie du monde agricole.  « Grâce à l’action de Générations Futures et de ses conseils, nous répondons aussi aux attentes des agriculteurs qui se plaignent à juste titre de concurrence déloyale en matière de pesticides utilisés dans des pays tiers et interdits dans l’UE et qui reviennent en France sous forme de résidus dans nos aliments. Cette décision facilite également l’application des clauses miroirs à nos frontières en ce qu’elle coupe à la racine le risque de voir arriver sur nos étals des aliments produits avec des pesticides interdits d’usage dans l’Union Européenne », estime François Veillerete de Générations Futures.

Julien Leprovost

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