À Amiens, une consultation pour établir le lien entre pesticides et pathologies pédiatriques

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Une banderole tendue par des agriculteurs sur un péage de l'A43 à Saint-Quentin Fallavier (Isère), le 30 janvier 2024 © AFP JEFF PACHOUD

Amiens (AFP) – Leucémies, tumeurs cérébrales, malformations: les enfants dont les parents ont été exposés aux pesticides présentent un sur-risque de développer ces pathologies, selon le CHU d’Amiens, où a été lancé une consultation pour étudier le lien entre ces affections et les produits phytosanitaires.

A trois ans, Maxence, originaire de l’Oise, se fait diagnostiquer une leucémie au centre hospitalier d’Amiens. « Un enfer sur terre », se remémore sa mère, Perrine Esteves, 35 ans, dans le bureau du Dr Sylvain Chamot, médecin à l’initiative de cette consultation pionnière en France.

Les parents, orientés par le médecin de l’enfant, veulent aujourd’hui établir si la maladie de Maxence, en rémission, peut être imputée aux pesticides, le père Ludovic ayant utilisé du glyphosate en tant qu’agent d’entretien des espaces verts.

Le Dr Chamot enchaîne les questions: « Avez-vous vécu en ville ? A la campagne ? A proximité de champs ? Le logement était-il bien ventilé ? Avez-vous utilisé des insecticides ? Avez-vous faits des travaux pendant la grossesse ? ».

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« Nous réalisons un bilan détaillé des expositions professionnelles et environnementales de la famille » pour éventuellement établir « une présomption de lien avec l’apparition de la maladie chez l’enfant », explique le médecin.

Il s’attarde plus spécifiquement sur l’exposition aux pesticides dans les « six mois avant la conception pour le père » et pendant « la grossesse pour la mère ».

Indemnisation

Selon le médecin, une telle exposition peut engendrer chez les enfants une augmentation du risque de développer des leucémies, des tumeurs cérébrales, des hypospadias (malformation de la verge) et des fentes labio-palatines (bec de lièvre).

Il estime à « plusieurs centaines » le nombre d’enfants potentiellement concernés en France.

In fine, l’objectif de cette consultation, lancée en octobre 2023, est que les familles remplissent un dossier au Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP).

Parmi les familles reçues en consultation, le père est souvent agriculteur, relève le Dr Chamot. « C’est la situation la plus typique. Les pesticides, c’est leur quotidien », souligne le médecin.

Mais il leur répète: « Vous n’êtes pas responsable de la maladie de votre enfant, c’est notre société qui est responsable de l’utilisation des pesticides. »

L’usage de pesticides reste aujourd’hui considéré comme un moyen de production par une majorité d’agriculteurs, qui refusent de s’en passer sans solution alternative.

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Jeudi, après deux semaines de fronde agricole, ils ont d’ailleurs obtenu que le gouvernement lâche du lest sur les phytosanitaires, avec la mise « en pause » du plan Ecophyto visant à réduire l’usage des pesticides, un « recul majeur », selon des ONG environnementales.

« Se dire que son travail ou ce à quoi on croit depuis des années nous rend malade, c’est compliqué et c’est encore plus compliqué quand ça concerne nos enfants », souligne Claire Bourasseau responsable du service d’aide aux victimes de l’association Phyto-victimes.

 « Terrible »

Les agriculteurs « peuvent se sentir accusés, ça peut faire naître une culpabilité chez eux ou le sentiment qu’on incrimine la profession », pointe Antoine Gourmel, chef de service onco-hémato pédiatrique au CHU d’Amiens. Selon lui, le sur-risque pour les enfants concernés de développer une de ces pathologies atteint « 20% à 30% ».

« La science avance pour déterminer exactement quels types de pesticides est en cause et mieux connaître les facteurs déclenchant », poursuit-il. Quant à savoir quelles substances interdire ensuite, cette décision appartient selon lui au politique.

Pour le Dr Chamot, si le fond d’indemnisation a été créé, c’est parce que la « société reconnaît qu’elle fait certainement une erreur en continuant d’utiliser des pesticides qui, potentiellement, peuvent avoir des conséquences ».

Perrine et Ludovic Esteves comptent remplir leur demande d’indemnisation au moins pour « que ça bouge » et « que les cancers pédiatriques reculent » car « il n’y a rien de plus terrible pour des parents, pour un enfant, c’est une angoisse permanente », témoigne la mère.

Son mari poursuit: « Pourquoi avons-nous besoin de ces produits-là ? Dans ma profession, on les utilisait pour retirer les mauvaises herbes sur les caniveaux, mais pourquoi ? »

© AFP

2 commentaires

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    • Tessonnier

    A la dernière question du pourquoi utiliser des pesticides, les dernières manifestations d’agriculteurs ont données la réponse: produire plus en éliminant les « mauvaises herbes » dans les champs et les  » prédateurs » que seraient tous les insectes nuisibles au rendement maximum!

    • Jean-Marie SOGNY

    Il est urgent d’y voir clair ! Et le principe de précaution doit prévaloir…
    Les grandes cultures intensives et répétées dans les mêmes sols favorisent les maladies et ravageurs spécialisés…
    La société a laissé dériver -voire favorisé- la recherche de multiples plaisirs -de posséder, par exemple, même en utilisant mal, galvaudant…- des biens, actions, loisirs, superflus souvent, au détriment des essentiels : se nourrir, boire, respirer,… sainement… Comme dans ma jeunesse des années 60…