« Etat hypocrite »: des agriculteurs défendent des mesures pour l’environnement


Didier Lucas (d), désormais vice-président de la chambre d'agriculture de Bretagne, face à des manifestants du groupe écologiste "Extinction Rebellion", à Plérin (Côtes d'Armor), le 17 septembre 2021 © AFP/Archives Fred TANNEAU

Taden (France) (AFP) – « Etat hypocrite »: le slogan est partout, sur les tracteurs comme sur les banderoles dans les récentes manifestations d’agriculteurs, qui défendent les aides destinées à soutenir la transition écologique de leurs exploitations.

« Si on veut que ça avance sur l’environnement, il faut faire ce qu’il faut ! », assène, à l’adresse du ministère, Didier Lucas, vice-président de la chambre d’agriculture de Bretagne.

Mais voilà: les agriculteurs sont plus nombreux que prévu à vouloir faire évoluer leurs pratiques et à demander à bénéficier de ces aides pour la protection de l’environnement et le financement de l’Etat, qui s’était engagé, ne suit pas.

Selon une estimation de Régions de France, l’institution des régions, « il manque entre 250 et 300 millions d’euros à l’échelle nationale », non budgétés par l’Etat.

Une nouvelle manifestation d’agriculteurs, avec chèvres et moutons, est prévue mardi à Paris pour tenter de se faire entendre du gouvernement. Avec un mot d’ordre: dénoncer l' »hypocrisie de l’Etat ».

Ces mesures, connues sous le sigle de Maec (mesures agro-environnementales et climatiques), « ça rassemble tous les agriculteurs. L’Etat ne peut pas démissionner de ses engagements. Nous, on demande le respect du contrat », explique Rémi Goupil, éleveur à Taden (Côtes d’Armor), devant l’une de ses haies composée de chênes, de noisetiers, d’aubépine, d’ajonc et de merisiers.

« Les haies, c’est bon pour les sols, pour les animaux, les végétaux et la biodiversité en général », insiste l’homme de 39 ans.

Outre les haies, les Maec encouragent également l’élevage à l’herbe, le bien-être animal ou encore la préservation de races anciennes menacées de disparition.

« C’est un outil-clé pour la mise en œuvre du projet agro-écologique pour la France », assure le ministère de l’Agriculture sur son site internet.

Financées pour l’essentiel par l’Union européenne à travers la PAC (Politique agricole commune), ces aides Maec viennent compenser les « surcoûts et manques à gagner qui découlent des obligations à respecter » en matière d’écologie, selon le ministère.

« Pas une priorité »

« Une vache en plein air nourrie à l’herbe produira moins de lait qu’une autre, enfermée et nourrie au maïs », qui est en outre consommateur d’eau et de pesticides, observe Rémi Goupil. Un différentiel de production censé être compensé par ces aides.

Malgré tous ses efforts et sa volonté de poursuivre dans cette voie, Rémi Goupil craint de perdre les aides Maec dont il bénéficiait jusqu’à présent. « Sur ma ferme, ça représente environ 16.000 euros par an », soit le coût de son salarié à temps partiel.

Pour la Bretagne, selon les sources, il manque entre 45 et 60 millions d’euros. La situation est la même dans d’autres régions. En Nouvelle Aquitaine, « les demandes Maec atteignent 340 millions d’euros alors que l’enveloppe disponible est de 115 millions », selon la Confédération Paysanne.

Plusieurs dizaines de parlementaires ont saisi le gouvernement: « Il n’est pas envisageable de laisser sur le bord de la route des exploitations (….) engagées et volontaires dans la transition agro-écologique en raison d’une sous-budgétisation des financements », lui ont-ils écrit.

Un amendement en ce sens avait même été adopté mardi soir à l’Assemblée nationale. Mais il est caduc depuis que le gouvernement a recouru une nouvelle fois au 49.3 pour faire passer sans vote le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 en première lecture.

« Il y a un gros décalage entre les discours et la pratique (…) Ce n’est pas une priorité pour le gouvernement », regrette Fabrice Charles, éleveur laitier bio à Quessoy, près de Saint-Brieuc et président du Cedapa, une association qui encourage les agriculteurs à tendre vers l’autonomie sur leur ferme.

© AFP

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