À Nantes, le plus grand hôpital en construction d’Europe emploie du béton bas carbone

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Le site de construction du futur CHU de Nantes, le 6 octobre 2021 en Loire-Atlantique © AFP/Archives LOIC VENANCE

Nantes (AFP) – Au milieu d’un champ de grues, la benne à béton, suspendue en l’air, s’approche du bâtiment des urgences du futur CHU de Nantes en construction. En flot épais, elle vomit deux mètres cubes de béton liquide sur les armatures d’acier du plancher.

Pour ce vaste chantier hospitalier qui s’étale sur 11 hectares – le plus grand de ce type en Europe actuellement, selon son constructeur Vinci – seul du béton dit « bas carbone » est utilisé: 60.000 tonnes ont été coulées sur les 120.000 prévues d’ici à la livraison du bâtiment fin 2026, indique le groupe de BTP, responsable de neuf de la quinzaine de futurs bâtiments.

Les pieds dans la mélasse grise, un compagnon s’assure que le béton se mélange bien avec une sorte de batteur vibrant. Aucune bulle d’air ne doit se former dans la dalle. Puis il lisse comme une pâte de pâtissier. Surtout, se dépêcher avant qu’il ne fige.

A première vue, rien ne le distingue d’un béton réalisé avec un ciment classique dont la fabrication génère, au niveau mondial, à lui seul 7% des émissions de CO2, soit plus que l’aviation, selon un récent rapport de l’ONU Environnement.

Mais une fois secs, les murs de l’hôpital prennent des teintes subtilement différentes selon le liant utilisé pour remplacer le ciment polluant: gris métallisé ou légèrement rosé.

Le béton gris est à base d’un déchet de la fabrication d’acier dénommé le laitier. Il remplace le « clinker », l’élément de base du ciment classique. La fabrication de ce clinker classique nécessite une cuisson à 1.400°C, donc beaucoup d’énergie, et la réaction chimique relâche énormément de CO2.

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Fourni par le groupe irlandais Ecocem, le laitier produit un ciment et un béton « ultra-bas-carbone », selon la classification Vinci, avec des émissions estimées 70% inférieures à celles d’un béton de base.

Mais la sidérurgie étant elle-même en quête de voies de décarbonation, le laitier risque de se raréfier avec les nouveaux modes de fabrication de l’acier d’ici à quelques années.

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Deux ans de recherches en labo pour élaborer ce « métakaolin », dont la fabrication émet 240 kg de CO2 par tonne produite, contre 650 kg pour un ciment classique, soit une baisse de 40% du CO2. Un matériau moins performant que le laitier, mais facile à trouver.

« Le fait de pouvoir accéder à des quantités importantes de métakaolin fait qu’on peut massifier le bas-carbone et garder des prix compétitifs quasiment au même niveau qu’un ciment classique » explique Bruno Paul-Dauphin, directeur des solutions bas carbone chez Vinci.

« Le béton aura toujours des émissions de carbone », ajoute Rémi Lefeuvre, directeur des ressources techniques et opérationnelles de Vinci Construction: 100% de réduction des émissions de CO2, « on n’y arrive pas au jour d’aujourd’hui ».

Un objectif pourtant crucial pour le climat. L’utilisation du béton a décuplé sur la planète en 65 ans, selon l’ONU Environnement. Dans le même temps, celle de l’acier a triplé et celle du bois est restée stagnante dans la construction.

Prudent, Vinci ne donne aucun objectif précis de réduction des émissions de CO2 pour l’hôpital. Au moins 30% par rapport à un béton normal, dit M. Lefeuvre. Les comptes précis seront faits à la fin du chantier.

Car la réduction des émissions ne dépend pas que des matériaux. La météo joue un rôle aussi. S’il fait trop froid, les « banches » – moules en métal dans lesquels sont coulés les murs – doivent être chauffés. Ce qui fait remonter le taux d’émission pour l’énergie utilisée. Jusqu’à présent, aucun chauffage n’a eu lieu depuis le début du chantier en mars 2022.

A la pause-café, on discute du rapport de l’ONU selon lequel la consommation mondiale de béton devra diminuer de moitié en 2060 par rapport à aujourd’hui. « Nous ne sommes pas étonnés, nous nous préparons », dit Bruno Paul-Dauphin.

Le constructeur mise sur d’autres matériaux comme le bois pour certains chantiers. Pour le béton, il explore aussi d’autres recettes de liant, réutilisant des déchets industriels, notamment à base de « fumées de silice », des résidus de l’industrie du silicium.

© AFP

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