Philippe Bihouix :  « la vraie ville « smart », c’est celle qui repose avant tout sur l’intelligence de ses habitants »


Yemen - Ville de Shibam , la Manhattan du désert, Wadi Hadramaout © Yann Arthus-Bertrand

Depuis des années, l’ingénieur Philippe Bihouix conduit une réflexion critique sur les technologies et la transition énergétique. Dans son dernier ouvrage La ville stationnaire ; Comment mettre fin à l’étalement urbain, rédigé avec Sophie Jeantet et Clémence de Selva, Philippe Bihouix aborde la question de la ville. Ils expliquent notamment comment lutter contre l’artificialisation des sols, un enjeu environnemental majeur mais encore trop souvent négligé ou mal compris. Dans cet entretien, Philippe Bihouix revient sur la densification, sur les smart cities et sur ce à quoi pourrait ressembler la ville de demain.

Interdire l’artificialisation des sols

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Philippe Bihouix © AREP / Maxime Huriez

Dans ce livre, La ville stationnaire ; Comment mettre fin à l’étalement urbain, co-écrit avec Sophie Jeantet et Clémence de Selva, vous appelez à une maîtrise de la croissance des villes. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Depuis une décennie, il y a une montée en puissance de la question de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols, qui concerne principalement les terres agricoles. Cette prise de conscience progressive a conduit la puissance publique à mettre en place un observatoire de l’artificialisation – afin de se faire une idée plus précise d’un phénomène complexe et dont l’ampleur diverge selon les sources – et à intégrer l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) dans la loi Climat et résilience de 2021, basée sur les travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat.

Ce livre est donc l’occasion de faire le point sur la « durabilité » des villes, pas seulement sur l’utilisation des sols, mais aussi sur leur consommation de ressources et d’énergie. Nous avons voulu montrer que le Zéro Artificialisation Nette est un objectif louable, mais qui sera très difficile à mettre en œuvre et à atteindre si on n’agit pas sur d’autres paramètres que la simple occupation au sol du bâti et des infrastructures. Ce qui revient à se demander quels sont les besoins réels de construction et quelles sont les logiques d’aménagement du territoire. 

Quelle est l’ampleur du phénomène de l’artificialisation des sols en France ?

Aujourd’hui, on consomme de l’ordre de 20 à 30 000 hectares par an. Même si le rythme a ralenti, il est assez rapide puisqu’il équivaut à un petit département artificialisé tous les 15 à 20 ans. Dans les années 2000, on parlait d’un département tous les 10 ans, voire moins. Dans tous les cas, une telle progression n’est pas soutenable sur le long terme.

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Comment l’expliquer ? Est-ce dû aux transports ?

Les infrastructures de transport en elles-mêmes comptent pour partie, mais, essentiellement, on artificialise pour la construction de logements, d’équipements collectifs, de lieux d’activité économique, comme les centres commerciaux, les data centers, les entrepôts logistiques, mais aussi des activités agricoles, les poulaillers industriels par exemple. 

PHILIPPE BIHOUIX : « Pour un habitant de plus, on met en chantier deux logements »

L’augmentation du nombre de logements ne s’explique pas seulement par la croissance démographique de la population française. La population augmente de 150 000 à 200 000 personnes par an, soit une croissance assez faible d’environ 0,3 %. Or, il faut savoir que pour un habitant de plus, on met en chantier deux logements, soit 350 000 logements par an. Certains voudraient même qu’on en fasse plus avec la mise en chantier de 500 000 logements par an afin de créer un « choc d’offre » susceptible de faciliter l’accès à la propriété en diminuant les coûts d’achat.

« On artificialise les sols deux à quatre fois plus vite que l’augmentation de la population. »

Pour expliquer la hausse du nombre de logements, il faut ajouter à la démographie, deux autres phénomènes : la décohabitation et la métropolisation. La décohabitation, c’est la réduction du nombre d’occupants par logement en raison des modes de vie : plus de séparations, plus d’études, vieillissement de la population. On est passé de 3,1 personnes par logement dans les années 1960 à 2,2 de nos jours.  La métropolisation, quant à elle, concentre les populations sur les territoires des grandes villes et en vident certains autres. Cela aboutit à « produire » des logements vides pendant qu’on en construit d’autres ailleurs. Le stock de logements augmente chaque année de 350 000 unités, dont 250 000 résidences principales, 50 000 résidences secondaires et de tourisme et 50 000 logements vacants.

Tout cela explique pourquoi, hélas, on artificialise les sols deux à quatre fois plus vite que l’augmentation de la population.

L’urbanisme est une discipline qui agrège des techniques et du social, ne négligeons-nous pas trop la dimension économique et sociale des problèmes posés par l’étalement urbain, je pense notamment aux questions économiques d’accès aux logements qui poussent hors des centres les plus fragiles financièrement ?

Des programmes, comme Action cœur de ville ou Petites villes de demain, existent pour tenter de revitaliser les centres bourgs des villes petites et moyennes, mais ils restent encore limités. Il est certain que la métropolisation crée des inégalités supplémentaires en faisant monter les prix des logements dans les centres et des terrains dans les pourtours des aires urbaines. Elle repousse donc les classes les moins aisées dans des périphéries de plus en plus lointaines, ce qui les rend encore plus dépendantes des transports, essentiellement de la voiture individuelle. Cela peut aboutir à des phénomènes de dépendance inextricable et de crispation sur le coût de l’énergie, comme les Gilets Jaunes, même s’il serait très réducteur de résumer le mouvement des Gilets Jaunes à la seule question de la taxe carbone et du prix du diesel.

PHILIPPE BIHOUIX : « La métropolisation crée des inégalités supplémentaires en faisant monter les prix. »

En outre, à la réalité de la ségrégation spatiale s’ajoute celle du mal-logement.  D’un côté, il y a de la sous-occupation qui concerne 8 millions de logements, à ajouter au million de logements vacants depuis plus de deux, et de l’autre 1,5 million de logements en situation de suroccupation. Le patrimoine immobilier disponible est en réalité gigantesque, il existe tout un bâti mal utilisé qu’il serait possible de mieux mobiliser pour moins construire, pour diminuer la pression sur les métropoles, grâce à des dispositifs techniques, économiques, fiscaux et sociaux.

« Il existe tout un bâti mal utilisé qu’il serait possible de mieux mobiliser pour moins construire. »

Comment lutter contre la sous-occupation ?

Il faut réinventer des manières d’habiter et de cohabiter. On peut faire de la cohabitation intergénérationnelle au sein des familles ou non (des personnes âgées avec des étudiants par exemple), du béguinage – c’est-à-dire se regrouper pour vieillir ensemble dans des maisons, inciter des couples dont les grands enfants sont partis étudier ailleurs à héberger eux-mêmes un apprenti ou un étudiant… Il y a aussi l’habitat partagé pour mutualiser certaines pièces ou certains équipements, la densification douce en zone pavillonnaire en découpant une grande maison pour y créer un petit appartement supplémentaire… Et puis, on peut imaginer des parcours résidentiels plus « fluides », où on change de logement plus facilement pour l’adapter à la situation familiale. Passé un certain âge par exemple, on peut préférer un appartement en centre-ville, proche des commerces et des services, que rester dans une grande maison avec 1 000 mètres-carrés de jardin à entretenir…

Pourquoi construire moins ?

L’avantage serait à la fois écologique et économique puisque cela permettrait de concentrer des moyens financiers, organisationnels et humains sur le déjà-là, la réhabilitation et la rénovation thermique de l’existant. Selon les différents scénarios – à commencer par la très officielle SNBC (stratégie nationale bas carbone), il faut que la France parvienne à rénover de 800 000 à 1,2 million de logements par an, pendant 30 ans, pour tenir ses ambitions climatiques. À l’heure actuelle, on est à 750 000 « gestes unitaires » de rénovation, mais moins de 60 000 logements complets. La rénovation thermique doit aussi avoir lieu dans le tertiaire, les bureaux, les commerces, tous les locaux d’activités… d’où l’importance de disposer du maximum de moyens pour parvenir à relever le défi.

Enfin construire moins doit également permettre de construire mieux. L’écoconstruction, les biomatériaux, le réemploi se développent et peuvent réduire la consommation d’énergie et de ressources, l’impact en carbone. La construction bois a connu des progrès techniques phénoménaux ces dernières années, on peut désormais faire des immeubles de 10 ou 15 étages avec une structure bois. Mais soyons réalistes : il sera physiquement impossible de construire autant avec du bois, la ressource n’est tout simplement pas disponible. Sans compter que les écosystèmes forestiers sont déjà fragilisés par la crise climatique, les incendies, les bio invasions… Entre 5 et 10 % des nouvelles constructions en France sont en bois. D’autres ressources naturelles renouvelables peuvent être mobilisées dans la construction comme la paille ou le chanvre pour les isolants. Il est aussi possible de construire en terre. On est un peu en retard sur les méthodes à base de terre crue ou de pisé, mais elles existent déjà et se développent.

Densifier ou ne pas densifier, quelle ville pour demain ?

Qu’en est-il de l’image ambiguë des villes, à la fois attractives et répulsives ? De fait, les grandes villes font régulièrement l’objet de critiques pour diverses raisons (bruit, propreté, pollution, densité…) et tout l’objet de l’urbanisme, à toutes les époques, a été d’apporter des « solutions » à ces écueils. Mais, au fond, la vie en ville peut-elle être une expérience satisfaisante ?

Il faut se montrer très prudent avec des affirmations sur « la ville ». Avec les remparts qui sont tombés, les moyens de transport qui se sont développés, les villes ont évolué pour devenir perméables et ont pris de nombreuses formes. Les grandes villes ont toujours été attractives, elles permettent de faire carrière ou des études, de faire des rencontres et de vivre de nombreuses expériences. Je pense qu’aujourd’hui il y a autant d’envies de villes que de trajets de vie. Il y a des moments dans l’existence où on peut avoir envie d’être au cœur d’une métropole trépidante, puis d’autres où on recherche du calme ou un cadre de vie plus vert pour élever ses enfants par exemple… tandis qu’ensuite on peut désirer revenir en ville pour moins se déplacer moins et y retrouver toutes les facilités apportées par l’accès aux services de santé ou aux commerces de proximité.

PHILIPPE BIHOUIX : « Il y a autant d’envies de villes que de trajets de vie. »

Depuis la fin des années 1980 s’est installée l’idée que plus la ville est dense et concentrée plus elle est écolo. Cette idée repose sur le constat que l’étalement urbain accroît la dépendance aux déplacements en voiture et donc la consommation d’énergie par habitant, tandis que la ville concentrée permet de déployer des transports en commun efficaces et pertinents économiquement. La densification des villes, à commencer par les plus peuplées – qui répondait aussi, a priori, à la réduction de la consommation de sol – a été présentée comme la solution incontournable. Dans le même temps, « l’insertion » des métropoles dans la compétition internationale a conduit à une course à la taille. Les métropoles ont été considérées comme les « locomotives de l’économie », créant plus de PIB par habitant, attirant les « classes créatives », les touristes, offrant des services et des spécialisations de « classe mondiale » (universités, lieux culturels…). Il y a du vrai dans tout ça, mais en grossissant trop et trop vite, les métropoles deviennent des repoussoirs : les équipements et les infrastructures de transport saturent et on n’a pas su densifier avec le souci d’offrir ou de maintenir des espaces urbains de qualité.

« Les métropoles deviennent des repoussoirs en grossissant trop et trop vite. »

C’est donc avant tout une crise de croissance trop rapide à laquelle la densification fait face…

La densification s’est souvent opérée, dans les grands projets en particulier, sans prendre en compte la nécessité d’espaces verts et de respirations urbaines – la pandémie Covid-19 a mis depuis en lumière ce besoin impérieux –, souvent en construisant des produits de défiscalisation pas forcément adaptés aux recherches des familles … Surtout, il existe un seuil de contre productivité (cf. Ivan Illich) : densifier mobilise beaucoup de ressources pour construire plus haut, fonder en profondeur, adapter les infrastructures et les réseaux autour. En consommation de ressources et en énergie « grise » (mobilisée à la construction), une tour qui nécessite des ascenseurs, des escaliers de secours, des systèmes de sécurité incendie, des surpresseurs pour monter l’eau, etc. s’avère moins efficace par mètre-carré qu’un petit immeuble et même qu’une maison individuelle.

« La ville dense n’est donc pas si écolo que ça. »

La ville dense n’est donc pas si écolo que ça, surtout si on ajoute les « espaces servants » autour (les data centers et les entrepôts logistiques pour gérer les commandes sur internet des urbains !) ou d’autres ambitions comme la résilience. En effet la concentration expose à de nombreux risques surtout quand on dépend de chaînes logistiques complexes. Finalement, la question du péri-urbain prend alors un autre sens car peut être qu’en 2050 ce sera là, dans les jardins et les plates-bandes transformées en potagers urbains, qu’on produira une partie grandissante de l’alimentation des villes.

[À lire aussi Le géographe Guillaume Faburel, auteur de Pour en finir avec les grandes villes : « vivre en ville encastre en nous des manières d’être et des modes de vie anti-écologiques »]

On a voulu forcer l’attractivité des villes denses, on est peut-être en train de passer à un autre « logiciel » : on doit passer d’une logique de compétition entre les métropoles à une logique de coopération territoriale. Cela pourrait orienter les politiques publiques vers un nouvel aménagement du territoire focalisé sur une meilleure répartition des populations. Pour la transition environnementale, ce serait certainement plus efficace que de placer nos espoirs sur de futures smart cities vertes et « neutres en carbone ».

Pour rebondir sur les smart cities, elles font l’objet d’un chapitre très critique dans le livre. L’urbanisme est souvent pensé à partir de technologies existantes ou en-devenir, n’est-ce pas une erreur répétée trop souvent que de se reposer sur les promesses de la technologie en oubliant l’humain et les limites environnementales ?

En matière d’urbanisme durable, il faut faire avec le déjà-là et non miser sur l’utopie. En Europe, 80 ou 90 % des villes de 2050 sont déjà construits, ce qui rend la smart city un peu trop théorique, difficilement déployable. Même si on fait sortir de terre des bâtiments neufs aux performances exceptionnelles, ce sera totalement insuffisant. Il faut se concentrer sur de la réhabilitation.

Bien qu’elle peine à convaincre dans les faits et que Google ait jeté l’éponge à Toronto en 2020, la smart city n’est pas tout à fait morte. Elle reste une idée implantée en Asie et au Moyen-Orient. Les promesses restent bien vagues et ne sont pas tenues. La 5G devait prétendument aider les villes à être plus vertes et on attend encore les premiers cas d’usage. On se rend compte que la smart city n’a en fait pas grand-chose à voir avec l’environnement. C’est le cas, par exemple, des applications de vidéosurveillance, ou du remplacement des emplois par des dispositifs technologiques. Cela aboutit à une ville pas forcément sympathique ni accueillante, et probablement peu résiliente : elle dépendra de la disponibilité des composants électroniques et de ressources produits à l’autre bout du monde, du stockage des données collectées dans des data centers lointains, de la conception pas forcément transparente des logiciels employés…

« En matière d’urbanisme durable, il faut faire avec le déjà-là et non miser sur l’utopie. »

La vraie ville « smart », c’est celle qui repose avant tout sur l’intelligence de ses habitants et non pas sur « l’intelligence » artificielle des machines. Pour améliorer les villes ou les rendre plus écologiques, les innovations technologiques peuvent avoir un rôle à jouer, mais les solutions sont globalement sociotechniques, elles embarquent l’évolution des usages, des comportements. Ignorer l’humain serait une erreur. On court le risque que les gains d’efficacité ne servent pas à réduire les impacts, mais à faire toujours plus. Par exemple, si la voiture autonome permettait de réduire les embouteillages et de bosser dans son véhicule, cela risquerait d’inciter les gens à habiter encore plus loin de leur travail et donc d’accroître l’étalement urbain et les distances à parcourir.

« La vraie ville « smart », c’est celle qui repose avant tout sur l’intelligence de ses habitants. »

Vous êtes au fil du temps devenu pour beaucoup monsieur low-tech en France. Une ville low-tech idéale, ce serait quoi pour vous ? Est-ce qu’elle existe déjà ou bien est-ce qu’il y a un exemple ?

La notion de ville low-tech suscite de l’intérêt. De nombreux acteurs institutionnels de la ville se rendent compte que les solutions pour la ville de demain doivent être sobres, prendre en compte l’humain, les solutions robustes, réparables et durables plutôt que de poursuivre dans le tout technologique.

« La low-tech demeure avant tout une démarche plutôt qu’un ensemble de solutions clef en main. »

Pour moi, la low-tech demeure avant tout une démarche plutôt qu’un ensemble de solutions clef en main ou de dispositifs techniques. Si on l’applique à l’échelle d’une ville, la première étape consiste à faire de la sobriété, c’est-à-dire construire moins et mieux utiliser l’existant. La low-tech implique que la sobriété soit prise en compte dès l’expression du besoin qui précède toute nouvelle construction. Concrètement, cela nécessite, par exemple, d’avoir des bâtiments ayant plusieurs usages qui varient au cours du temps. On parle de « chronotopie » : un gymnase peut accueillir le marché couvert, une école des spectacles le soir. Quand on doit malgré tout construire du neuf, il faut s’assurer que ce qu’on construit est bien dimensionné et ne sera pas frappé d’obsolescence. Le stade de foot qui ne sert qu’une fois figure parmi les cas-types d’obsolescence appliquée aux lieux.

« La démarche low-tech ne peut être complète qu’à condition de miser sur le techno-discernement. »

Enfin, aux nécessités de réhabiliter, de réparer l’existant, de mobiliser le vacant ou le sous-équipé, la démarche low-tech ne peut être complète qu’à condition de miser sur le techno-discernement. Les infrastructures et les réseaux utilisés pour faire fonctionner une ville ont bien sûr besoin de techniques complexes, il faut les utiliser à bon escient en raison de leur impact écologique. L’électronique et le numérique mobilisent de nombreuses ressources très coûteuses pour l’environnement :  il faut donc les utiliser pour des choses vraiment utiles. Je déplore de constater qu’aujourd’hui que l’enrichissement technologique de notre environnement, de nos villes et de nos bâtiments relève souvent du marketing. On n’a pas autant besoin d’afficheurs digitaux ou de capteurs partout.

[À lire aussi Corentin de Chatelperron du Low-tech Lab : « les low-tech gagnent à être reconnues »]

Que peuvent faire les citoyens préoccupés par le sujet de l’artificialisation des sols ? Un conseil à leur prodiguer ?

Je les invite à réfléchir et à s’impliquer dans la vie politique et sociale. Ils peuvent s’intéresser aux projets qui sortent et qui ne sortent pas autour d’eux, s’impliquer dans les enquêtes publiques, dans les révisions des plans locaux d’urbanisme. Tout ça est aussi une trajectoire collective. Les élus sont pris face à des injonctions contradictoires, si on veut qu’ils aillent vers des décisions courageuses, il faut aussi les soutenir, pas seulement les critiquer ! Il ne faut pas que les citoyens soient juste là à râler quand cela ne les arrange pas puis à ne pas regarder ce qui se passe le reste du temps.

[À lire aussi Collapsologie : comment préparer sa commune à l’effondrement avec Alexandre Boisson]

Chacun peut aussi regarder sa situation, mais on entre dans le domaine du personnel où il est toujours difficile de donner un conseil général. Pour les personnes qui ont les moyens, cela peut être de louer la chambre d’un enfant parti faire ses études supérieures à un étudiant, ne pas craquer pour acheter une résidence secondaire qui sera occupée grand maximum quelques semaines dans l’année dans un endroit où les gens qui veulent se loger de manière permanente rencontrent des difficultés. Cela peut être de ne pas partir en vacances dans des endroits où le tourisme crée de la pression sur les terres agricoles ou sauvages. Ou de partir moins loin en faisant de la randonnée ou du camping, d’en profiter pour expérimenter d’autres modes de logement comme la yourte ou la tiny house, même pour quelques nuits.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Pour aller plus loin

La ville stationnaire, Comment mettre fin à l’étalement urbain ? par Philippe BIHOUIX, Sophie JEANTET et Clémence DE SELVA, éditeur Actes Sud

L’entretien de Philippe Bihouix sur Thnikerview

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Un commentaire

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Bon papier. Merci.

    Low-tech et sobriété: ça me plaît bien.