Moins de vaches pour le climat? Le monde de l’élevage accuse le coup

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Un troupeau de vaches à La Clusaz, en Haute-Savoie, le 26 août 2022 © AFP JEFF PACHOUD

Paris (AFP) – Le monde français de l’élevage est sonné mardi au lendemain de la recommandation de la Cour des comptes de « définir une stratégie de réduction » du cheptel bovin pour diminuer l’empreinte carbone de la France, alors que le gouvernement s’efforce de ne pas braquer les agriculteurs.

« Lire que votre activité doit cesser ou largement diminuer, c’est très compliqué pour des éleveurs » déjà de moins en moins nombreux, a déclaré à l’AFP le président du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau. « C’est vécu comme une vraie blessure », a-t-il ajouté.

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La Première ministre Elisabeth Borne a présenté lundi les réductions d’émissions de gaz à effet de serre à atteindre dans tous les secteurs d’ici à 2030, sans détailler les leviers. Quasiment au même moment, la Cour des comptes a publié un rapport recommandant de « définir et rendre publique une stratégie de réduction » du cheptel bovin pour respecter les engagements climatiques de la France.

L’élevage bovin (environ 17 millions de têtes aujourd’hui) pèse pour 11,8% des émissions du pays, premier producteur européen de viande bovine et deuxième troupeau laitier derrière l’Allemagne. Les vaches, en digérant, produisent et rotent du méthane, un gaz au pouvoir très réchauffant.

Jusqu’ici, le gouvernement a ménagé le secteur agricole: il lui demande moins d’efforts qu’aux autres secteurs (industrie, transports, énergie…) pour réduire ses émissions nocives pour la planète. Il se garde surtout de fixer un objectif de baisse du cheptel, d’autant qu’il y a déjà de moins en moins de vaches du fait des arrêts d’activité ou de la sécheresse.

A quoi sert de clamer qu’il faut réduire le nombre de vaches, s’interroge une source gouvernementale, pour qui cela peut s’avérer contre-productif en déclenchant un réflexe de « forteresse » chez les éleveurs, et aboutir à la situation des Pays-Bas « qui vont revenir totalement sur leur stratégie bas carbone ».

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L’exemple des Pays-Bas est souvent cité comme repoussoir: le projet du gouvernement néerlandais pour limiter les émissions d’azote, via notamment une réduction drastique du cheptel, ont déclenché l’ire des agriculteurs et propulsé un parti populiste en tête des forces politiques au Sénat.

 « Courageuse »

« Non, la baisse du cheptel n’est pas une fatalité ! Non un scénario à la néerlandaise n’est pas inéluctable ! Oui nous avons besoin d’un élevage laitier en France !! » a tweeté lundi le directeur général de la fédération des transformateurs laitiers (Fnil), François-Xavier Huard.

La France a perdu « près d’un million de vaches sur les seules sept dernières années. Mais selon la haute administration, nos vaches ne disparaîtraient pas assez vite des paysages français ? » s’agace, dans une lettre ouverte à la Première ministre Elisabeth Borne, la Fédération des producteurs de viande bovine (FNB), section spécialisée de la FNSEA.

« Nous voulons savoir ce que vous planifiez, vraiment, pour l’avenir de notre secteur », poursuit l’organisation, qui s’inquiète de l’augmentation des importations de viande rouge pour satisfaire l’appétit des Français qui en consomment quasiment toujours autant.

« La bonne coordination entre la diminution de la production d’un côté et de la consommation de l’autre est primordiale », rappelait début 2023 l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE): « Si la production diminue pour satisfaire des objectifs climatiques et environnementaux, mais que la consommation ne suit pas, alors les importations augmentent » et les parts de marché des éleveurs français « diminuent sans bénéfices climatiques ou environnementaux ».

« Les politiques commerciales et alimentaires doivent (…) être au rendez-vous pour encourager la réduction de la consommation de viande et protéger nos agriculteurs d’importations moins-disantes », estime dans un communiqué l’eurodéputé EELV et paysan charentais Benoît Biteau. Pour lui, la recommandation de la Cour des comptes est « courageuse et réaliste » car « réduire le cheptel de bovins en Europe est un impératif climatique ».

Les professionnels de l’élevage comptent beaucoup sur l’innovation (notamment des additifs alimentaires qui limitent la production de méthane par les vaches) pour alléger le bilan carbone de la viande rouge et du lait. Mais selon les experts, cela ne dispensera pas d’une baisse de la taille du cheptel.

© AFP

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2 commentaires

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    • rebel 74

    Oui il faut arrêter ces élevages surdimensionnés mais aussi se battre contre la viande qui part à la poubelle…..Les rayons sont pleins de viande de bœuf dont les clients s’éloigne. Ça représente combien de bêtes tuées pour rien.
    Mais tant qu’il faudra du lait il y aura des vaches….

    • Jean-Pierre Bardinet

    La Cour des Comptes n’a aucune compétence en la matière. Si elle avait fait correctement son travail, elle aurait su que le méthane a un impact négligeable sur la température (en supposant que les théories du GIEC sur les gaz émissifs soient exactes, ce qui n’a jamais été prouvé). Voici l’évolution des taux de CH4 atmosphérique : 1 748 ppb (parties par milliards) en 1998, 1 774 ppb, de 1999 à 2006 puis 1 860 ppb en 2018 soit 1,86 ppm. Le pouvoir réchauffant (selon les canons du GIEC) du méthane est 28 fois supérieur à celui du gaz carbonique, et donc cette augmentation de 112 ppb, soit 6%, correspond à seulement +3,13 ppm (112*28/1000), ce qui est négligeable. En outre, le méthane persiste moins de dix ans dans l’atmosphère. Donc aucune raison de paniquer et d’accuser bêtement nos vaches de tous les maux de la Terre. Meuh !