En Normandie, le four solaire du boulanger fonctionne toute l’année

four solaire boulanger Normandie Montville

Le boulanger-torréfacteur Arnaud Crétot met son pain à cuire dans un four solaire, le 2 mai 2023 à Montville, près de Rouen, en Normandie © AFP Lou BENOIST

Montville (France) (AFP) – « Le problème énergétique, il est beaucoup moins technique que social », estime Arnaud Crétot, boulanger et torréfacteur au nord de Rouen, dont la particularité est de cuire son pain au four solaire.

Béret vissé sur la tête, Arnaud Crétot, 35 ans, accueille dans son jardin de Montville (Seine-Maritime) avec le slogan de son concept Neoloco : « Cultures locales, changement total ».

Installé depuis 2020 dans ce petit village normand, il fait cuire son pain et torréfie des céréales biologiques dans son jardin à l’aide d’un mur de miroirs (le concentrateur) qui oriente les rayons directs du soleil vers un point fixe qui chauffe une enceinte hermétique en inox, le four.

Le pain ainsi produit (au four à bois quand le soleil n’est pas au rendez-vous) est en vente en livraison à vélo électrique.

Le modèle était viable économiquement en 2022 pour deux équivalents temps plein au SMIC, assure M. Crétot, le restant des 80.000 euros de chiffre d’affaires étant réinvesti dans la structure.

Chez Neoloco, le pain le moins cher est vendu 5.50 euros le kilo, et 6.50 euros les 200 grammes du mélange de graines torréfiées « éveil résistant », au goût proche du café.

La veille d’une manifestation de boulangers protestant contre le prix de l’énergie qui handicape leurs commerces, M. Crétot, lui, parle de « point de bascule ».

« On doit accepter de travailler au changement de notre culture, d’organisation, l’Occident est très bien adapté aux énergies continues, pétrole, nucléaire, gaz …etc », analyse l’ingénieur, « si l’humain n’est pas capable d’alimenter ses petites activités avec l’énergie qui alimente tous les écosystèmes de la planète, c’est soit un manque d’intelligence, soit un manque de sagesse ».

Il y a 15 ans, alors étudiant en école d’ingénieur, il prend conscience que son cursus le prépare à entrer dans des grandes entreprises « qui participent plus au problème qu’à la solution ».

Il part alors en stop et sac à dos avec un ami faire un voyage d’étude d’un an sur l’énergie, dans une vingtaine de pays.

Au programme, les champs gaziers en mer du Nord, l’EPR et les hydroliennes finlandais, les centrales solaires d’Andalousie, et surtout un concentrateur solaire en Inde construit par une entreprise, Solar Fire, dont il deviendra le directeur technique.

 250°C

C’est une révélation: « le réseau répond en grande partie à un besoin de chaleur de l’artisanat et de l’industrie, il sera toujours plus efficace de produire directement de la chaleur, et non pas de l’électricité destinée à produire de la chaleur », écrit Arnaud Crétot dans son livre qui vient de paraître, « La boulangerie solaire » (édition Terre Vivante).

Toujours associé mais moins impliqué chez Solar Fire, il utilise toute l’année le four solaire qu’il a participé à concevoir, la « Lytefire ».

« Dès qu’on voit notre ombre au sol, cela signifie qu’il y a assez de lumière pour faire fonctionner un four solaire », explique le néo-boulanger, « il faut une heure pour monter à 250 degrés, et ensuite une heure par fournée, en hiver avec quatre heures de soleil, je fais 110 kilos de pain par jour ».

Avec deux cuissons par semaine, il lui fallait produire du pain de conservation encore comestible une semaine après la sortie du four.

« C’est une grande surprise pour les boulangers que l’on forme, ici on ne pétrie pas, on n’utilise pas de levure, seul le levain et un court mélange à la main suffisent », s’émerveille M. Crétot, les mains dans la pâte, « c’est moins fatigant, moins chronophage, et on n’a pas besoin de se lever à 4h du matin ».

La torréfaction représente les deux tiers de l’activité de Neoloco, une activité qu’Arnaud considère comme plus vertueuse encore: « remplacer 20 à 30% du café par des graines locales, ça pourrait dynamiser l’agriculture locale, ça réduit les transports internationaux et la déforestation ».

« C’est révélateur de ce qu’on peut faire dans plein d’autres secteurs, dans tous les autres savoir-faire, il y a sûrement des transformations aussi fondamentales qui peuvent arriver », espère-t-il.

© AFP

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