Sortir du glyphosate, une révolution pour désherber les voies ferrées

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Les nouveaux wagons de SNCF Réseau pour désherber les voies ferrées avec de l'acide pélargonique après l'abandon du glyphosate, photo prise à Bordeaux dans le sud-ouest de la France le 24 octobre 2022 © AFP Thibaud MORITZ

Bordeaux (AFP) – Adieu le glyphosate, place à l’acide pélargonique! Pour désherber ses voies ferrées et leurs abords, la SNCF a révolutionné ses méthodes, avec un nouveau matériel, des processus automatisés et plus de mansuétude si des mauvaises herbes résistent.

Malgré son nom barbare, l’acide pélargonique est un produit de biocontrôle issu de produits naturels, colza et tournesol.

Il est moins efficace que le glyphosate, un produit accusé de provoquer des cancers dont la SNCF était la plus grande utilisatrice en France, et qu’elle a abandonné au début de l’année. Plus cher aussi, plus visqueux, et exigeant d’embarquer de plus grands volumes… Mais il donne des résultats satisfaisants, selon SNCF Réseau.

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Les nouveaux trains mis en service au printemps ressemblent à des petits convois de marchandises, avec deux citernes d’eau, une citerne d’acide pélargonique, un fourgon et, surtout, un wagon désherbeur.

Ces éléments sont théoriquement encadrés par deux locomotives, qui manquaient à l’appel quand un journaliste de l’AFP devait monter à bord, lundi, entre Bordeaux et Angoulême. Bloquées au dépôt, à cause de l’arrêt-maladie d’un agent.

« C’est gênant, parce qu’il n’y aura pas de traitement » sur cette importante ligne du sud-ouest de la France, conclut Patrick Dumarché, l’un des deux opérateurs du train, habitué aux aléas.

Trop tard en effet pour reprogrammer un passage, car la réglementation interdit d’épandre de l’acide pélargonique après le 31 octobre.

« On n’aura pas de jungle l’année prochaine », rassure Christophe Haissant, expert en produits phytosanitaires chez SNCF Réseau. « Le fait de ne pas passer aujourd’hui ne met pas en danger la circulation des trains! » Mais il faudra clairement repasser au printemps.

Avant d’apprendre qu’il n’aurait pas de locomotives, il s’inquiétait pour le vent: au-delà de 18 km/h, on risque d’asperger tout le voisinage. L’opération exige aussi qu’il ne pleuve pas, et qu’il ne fasse ni trop froid, ni trop chaud, entre 8 et 25°C.

Impératif de sécurité

Fabriqué en Hongrie, le wagon désherbeur contient dans une sorte de grand conteneur un mini-laboratoire chimique, où l’acide pélargonique est dilué dans de l’eau et mélangé à un adjuvant et à une molécule de synthèse de la famille des sulfonylurées, destinée à empêcher la germination des graines.

De l’autre côté de portes bien étanches, les deux opérateurs surveillent l’épandage depuis une petite salle de contrôle. Des caméras (théoriquement) placées sur les locomotives et sur les côtés permettent de détecter la végétation et de lancer l’arrosage au bon moment. Une cartographie embarquée signale les zones interdites, aux abords des cours d’eau par exemple.

Les pulvérisations se déclenchent automatiquement, mais on peut les arrêter, au besoin, avec un gros boîtier de télécommande. Les jets ne vont pas plus loin que les pistes bordant les voies.

C’est une révolution pour les équipes de SNCF Réseau, qui pulvérisaient du glyphosate par la fenêtre jusqu’à l’année dernière. « On avait la tête dehors et on arrosait, avec la combinaison, le masque et les surlunettes, comme des scaphandriers », se souvient Yannick Bouet, l’autre opérateur.

Pour SNCF Réseau, désherber constitue un impératif de sécurité: la végétation pourrait retenir l’eau et déformer la plateforme (et donc les rails) de ses 30.000 km de lignes. Les touffes d’herbe pourraient en outre gêner les rayons laser vérifiant l’écartement des voies ou perturber les tournées d’inspection des cheminots.

Les pistes longeant les voies doivent de même être dégagées pour que les agents puissent se déplacer rapidement et évacuer les voyageurs en cas de problème.

Mais avec la fin du glyphosate, la doctrine s’est assouplie. « On peut garder un peu de végétation ci et là », note Christophe Haissant. Elle « ne doit pas être plus haute que la chaussure de travail ».

Il faut de toute façon davantage débroussailler et faucher, d’autant que la loi Egalim restreint la portée des épandages.

Jean-Pierre Pujols, responsable de la maîtrise de la végétation, estime le surcoût de la sortie du glyphosate à 110 millions d’euros par an. Faisant passer le budget désherbage à environ 260 millions.

La SNCF s’était engagée à ne plus utiliser de glyphosate à partir de la fin 2021, se conformant à une promesse -abandonnée depuis- du président Emmanuel Macron d’en interdire l’utilisation à cette échéance. Côté européen, l’autorisation est prolongée jusqu’à la fin du processus d’évaluation.

© AFP

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3 commentaires

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    • francis

    Il faut souligner le fait que contrairement à un sol agricole, il n’y a pas sous les voies de l’humus et de la vie microbienne pour dégrader les molécules désherbantes.

    • Patrice DESCLAUD

    Est-on assuré que ce dispositif ne sera pas utilisé demain à d’autres fins; imaginons que cela tombe entre les mains d’un Poutine et que ces pulvérisation ciblent des humains avec « moins de clémence » ?

    • Roger

    Complètement débile et terriblement coûteux, le glyphosate était sans danger, il a été diabolisé pour des raisons idéologiques et financières, la gauche US détestait Monsanto depuis la guerre du Vietnam et les cabinets d’avocats requins US se remplissent les poches avec des affaires de ce type. Pour l’acide pélargonique, comme d’autres produits naturels, il a bénéficié d’exemptions d’études et il y a beaucoup de doutes qui subsistent sur sa toxicité.