Après les trafiquants, les chiens errants s’acharnent sur les pangolins de Taïwan

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Un jeune pangolin soigné au zoo de Hsinchu, après une attaque de chiens errants, le 31 août 2022 à Taïwan © AFP/Archives Sam YEH

Hsinchu (Taïwan) (AFP) – Victime du trafic, le pangolin a l’homme pour principal prédateur. Mais à Taïwan, le petit mammifère à écailles fait face à un nouvel ennemi: les chiens errants, dont la population a explosé.

Depuis cinq ans, ces chiens ne sont plus abattus à Taïwan, et sont de plus en plus nombreux. Tseng Shao-tung, un vétérinaire de 28 ans, constate de première main ce qu’un molosse est capable de faire subir à un pangolin.

Le mois dernier, dans la clinique où il travaille à Hsinchu, près de Taipei, il a sauvé la vie d’un jeune mâle qui avait agonisé dans la nature pendant des jours, la moitié de la queue arrachée.

« Il a une grande plaie ouverte sur la queue et les tissus de son corps se sont décomposés », raconte M. Tseng en retournant soigneusement le pangolin sous anesthésie pour désinfecter sa blessure béante.

C’est le cinquième pangolin que M. Tseng et ses collègues ont sauvé cette année. Tous ont été victimes d’attaques présumées de chiens errants.

La vétérinaire en chef Chen Yi-ru dit avoir remarqué une augmentation constante du nombre de pangolins présentant des lésions traumatiques au cours des cinq dernières années. La plupart d’entre eux avaient la queue sectionnée.

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Les pangolins, couverts d’écailles dures qui se chevauchent, se roulent en boule en cas de danger mais leur queue reste vulnérable. « C’est pourquoi, lorsqu’il est attaqué, la queue est généralement la première à être mordue », explique Mme Chen.

Les attaques de chiens, qui expliquent plus de la moitié des blessures depuis 2018, sont devenues « la principale menace pour les pangolins à Taïwan », ont averti des chercheurs et des responsables de l’environnement dans un rapport publié l’année dernière.

Les pangolins sont considérés comme étant le mammifère le plus affecté au monde par les trafics illégaux.

La croyance non prouvée, en médecine traditionnelle chinoise, selon laquelle leurs écailles en kératine favorisent la lactation chez les mères allaitantes, a décimé les populations de pangolins en Asie et en Afrique, malgré une interdiction mondiale, et a financé un lucratif marché noir international.

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Les huit espèces de pangolins des deux continents sont toutes classées comme étant en danger ou menacées d’extinction.

Taïwan est un exemple de conservation réussie.

Après avoir failli disparaître de l’île en raison d’une chasse massive entre les années 1950 et 1970, le pangolin de Formose y prospère depuis qu’une loi a protégé l’espèce en 1989 et que les habitants du pays ont été sensibilisés. La population à l’état sauvage est estimée désormais entre 10.000 et 15.000 individus.

Mais l’augmentation de la population de chiens errants, conséquence d’une politique consistant depuis 2017 à ne plus les abattre, s’avère redoutable pour les pangolins, constate Chan Fang-tse, vétérinaire et chercheur à l’Institut officiel de recherche sur les espèces endémiques de Taiwan.

« Les pangolins sont les plus touchés car leur habitat recoupe largement celui des chiens et ils ne se déplacent pas aussi vite que les autres animaux », explique M. Chan.

Les pangolins de Formose sont également vulnérables en raison de leur faible taux de reproduction. Animaux solitaires, ils ne s’accouplent qu’une fois par an et ne donnent naissance qu’à un seul petit, après 150 jours de gestation.

Les programmes de reproduction en captivité ont peu de succès. « Il est peut-être plus difficile d’élever des pangolins que des pandas », estime M. Chan.

L’augmentation du nombre de pangolins blessés suppose un autre défi pour les soignants: trouver assez de fourmis et de termites pour nourrir ces gourmets difficiles, qui rejettent souvent les mélanges de larves de substitution.

« Nous devons être constamment à l’affût et aller chercher des nids de fourmis tous les deux jours maintenant, car nous avons plus de pangolins à nourrir », explique le vétérinaire Tseng Shao-tung.

Un pangolin peut manger chaque jour un nid de fourmis de la taille d’un ballon de football. Le gouvernement a appelé la population à signaler les nids de fourmis afin d’aider les vétérinaires à nourrir leurs pensionnaires à écailles avant de les relâcher dans la nature.

Mais le pangolin blessé dont s’occupe M. Tseng devra probablement être envoyé dans un zoo après sa guérison.

« Il aura du mal à grimper aux arbres et ne sera pas capable de se rouler en pelote », explique M. Tseng. « Il est devenu incapable de se protéger dans la nature ».

© AFP

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