L’Amazonie, enjeu majeur de la présidentielle au Brésil

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Recent research shows the Amazon rainforest, a key buffer against global warming, is in fragile health -- a major issue in Brazil and beyond as the South American country elects its next president © AFP/Archives Mauro PIMENTEL

Rio de Janeiro (AFP) – C’est l’une des images les plus marquantes du mandat du président brésilien Jair Bolsonaro: la pénombre en plein après-midi à Sao Paulo, quand la mégalopole s’est recouverte d’une épaisse fumée provenant des feux de forêt en Amazonie.

C’était le 19 août 2019, huit mois après son arrivée au pouvoir. Et ces images de nuages noirs qui ont traversé plusieurs milliers de kilomètres vers le Sud ont attiré l’attention du monde entier sur la destruction de la plus grande forêt tropicale de la planète, avec une pluie de critiques de la communauté internationale.

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Trois ans plus tard, le président d’extrême droite tente de se faire réélire, avec un bilan environnemental considéré comme désastreux par les écologistes: sous son mandat, la déforestation annuelle en Amazonie a augmenté en moyenne de 75% par rapport à la décennie précédente.

Pour les experts en changement climatique, le scrutin de dimanche, qui l’oppose notamment à l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, favori des sondages, sera déterminant pour la destinée de la société brésilienne, mais aussi de toute la planète.

« C’est l’élection la plus importante de l’Histoire du Brésil », assure à l’AFP Marcio Astrini, responsable du collectif d’ONG Observatoire du Climat.

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« On est face à un choix radical: ou l’Amazonie va survivre, ou elle sera condamnée à la peine de mort avec la réélection de Bolsonaro », insiste-t-il.

L’ancien parachutiste, dont le père a été orpailleur en Amazonie dans les années 80, s’est toujours montré favorable aux activités agricoles ou minières au détriment de la forêt, y compris dans des zones protégées comme les réserves indigènes.

L’an dernier, le budget consacré aux organes publics de préservation de l’environnement a été divisé par trois par rapport à 2014, année où il était le plus élevé, sous la présidence de Dilma Rousseff, dauphine de Lula, selon une étude menée par l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), avec l’ONG Institut socio-environnemental (ISA).

Bolsonaro à contre-courant

Mais ces sujets ont été relégués au second plan de la campagne électorale, plutôt axée sur le pouvoir d’achat et l’accroissement de la pauvreté, dans un pays où plus de 30 millions de personnes souffrent de la faim.

Scott Denning, spécialiste américain des changements climatiques à l’université du Colorado, ne suit pas la politique brésilienne, mais observe de près la situation de l’Amazonie, dont 60% de la forêt se trouve au Brésil.

Selon une étude récente, l’Amazonie brésilienne est déjà passée de « puits de carbone » à source de CO2, relâchant sur la dernière décennie 20% de plus de ce puissant gaz à effet de serre qu’elle n’en a absorbé.

Et ces émissions provenant d’Amazonie ont doublé lors des deux premières années du gouvernement Bolsonaro.

« Quatre ans de plus (de mandat pour Bolsonaro), cela représenterait beaucoup de CO2. L’Amazonie est une éponge à carbone, mais en ce moment, on coupe et brûle les arbres à un rythme trop rapide pour qu’ils repoussent », explique Scott Denning.

« Le reste du monde met tout en œuvre pour réduire les émissions, mais Bolsonaro va dans la direction opposée », insiste-t-il.

Lula pas irréprochable

Dans un communiqué envoyé à l’AFP, l’équipe de campagne de Bolsonaro a défendu le bilan du chef de l’Etat, « qui a équilibré préservation de l’environnement et croissance économique ».

Lula a également essuyé son lot de critiques quand il était président, notamment pour sa décision de construire l’énorme centrale hydro-électrique de Belo Monte, dans l’Etat amazonien du Para.

Sa première année de mandat, en 2003, a été la deuxième la pire jamais enregistrée en termes de déforestation de l’Amazonie, avec 27.772 km2 déboisés, deux fois plus que les 13.038 km2 sous Bolsonaro en 2021.

Mais son gouvernement est ensuite parvenu à réduire progressivement cette déforestation à des niveaux historiquement bas: en 2010, quand il a quitté le pouvoir, elle était quatre fois moins élevée qu’en 2003.

Il y a deux semaines, l’ancien métallo a reçu un soutien de poids: celui de Marina Silva, son ancienne ministre de l’Environnement, qui avait quitté le gouvernement en 2008, jugeant ne pas avoir été assez soutenue par Lula dans son combat pour la défense de l’Amazonie.

Lula a promis durant sa campagne d’aller « encore plus loin » que les engagements pris par le Brésil pour réduire ses émissions lors de l’Accord de Paris sur le climat, avec une politique de tolérance zéro contre la déforestation.

© AFP

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