Au zoo de Zürich, un redoutable virus remplit le cimetière des éléphants

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Des éléphants d'Asie dans leur enclos du zoo de Zurich, le 27 juillet 2022 en Suisse © AFP Fabrice COFFRINI

Zurich (AFP) – Silencieux et invisible à l’oeil nu, il a terrassé trois éléphants d’Asie – une espèce en danger – du zoo de Zurich en un mois. Ce redoutable tueur qu’est le virus de l’herpès a laissé les scientifiques impuissants.

Il ne reste plus que cinq des huit éléphants d’Asie qui peuplent les 11.000 m2 qui leur sont dédiés dans le zoo surplombant la plus grande ville suisse.

« C’est un peu triste, surtout qu’ici à Zürich, les éléphants ont assez de place », a indiqué à l’AFP Mauro Müller, 29 ans, habitué du parc animalier.

Le jeune Umesh, 2 ans, fut le premier à ne pas avoir réussi à tromper le virus de l’herpès fin juin. Suivi quelques jours après par sa soeur Omysha, 8 ans, puis par une jeune éléphante de 5 ans, Ruwani, d’un second troupeau matriarcal sans contact avec les deux premiers.

Tous ont été emportés de façon foudroyante par ce virus qui déclenche une hémorragie interne et une défaillance des organes.

En captivité, ce virus « est la principale cause de décès des éléphants âgés de deux à huit ans. Cela arrive aussi dans la nature mais il est plus difficile à détecter » car les animaux sont moins surveillés, a expliqué à l’AFP Pascal Marty, conservateur du zoo de Zurich.

Le virus de l’herpès est présent à l’état latent chez presque tous les éléphants, tant en liberté qu’en captivité.

Il ne devient dangereux que lorsqu’il se multiplie fortement dans l’organisme. Les scientifiques ignorent encore en grande partie ce qui provoque chez certains cette poussée virale mortelle.

« Nous ne savons toujours pas pourquoi et quand cela se produit », a indiqué M. Marty, plein de tristesse.

Les cinq puissants pachydermes encore en vie- tous adultes – ont pu eux passer quelques heures auprès des dépouilles de leurs jeunes compagnons.

« Nous leur laissons le temps, comme pour dire adieu. Ils réalisent que l’animal n’est plus en vie, ils les touchent avec la trompe », a raconté ce spécialiste en comportement animalier.

Moins d’une semaine après le troisième décès, ils vaquent désormais avec nonchalance à leurs occupations, entre baignade et recherche de nourriture, glissant leurs trompes dans des trous où des carottes et de l’herbe sèche sont glissées de façon aléatoire par un programme informatique pour les forcer à marcher comme à l’état sauvage.

Stress

Ouvert en 2014, le nouvel enclos leur offre six fois plus de place que le précédent. Mais huit ans après l’ouverture en grande pompe de cet espace, le parc traverse des « jours difficiles ».

« Il est particulièrement frustrant de constater que nous sommes impuissants face au virus, malgré les meilleurs soins vétérinaires prodigués par l’hôpital vétérinaire universitaire de Zurich », a assuré le directeur du zoo Severin Dressen.

Il n’existe pas de vaccin, et les traitements antiviraux n’ont que 30% de chances de succès.

« L’épidémiologie de la maladie n’est toujours pas claire. Le virus est excrété par intermittence par les adultes, mais avec une fréquence accrue pendant les périodes de stress, ce qui est considéré comme la source d’infection des jeunes » individus, a indiqué à l’AFP le Dr Bhaskar Choudhury, vétérinaire et membre du groupe sur les éléphants d’Asie à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

« L’UICN est très préoccupée par la mortalité dans le monde entier en captivité et plus encore dans la nature », a-t-il souligné.

L’éléphant d’Asie, qui peut vivre jusqu’à 50-60 ans, est inscrit sur la liste rouge des espèces en danger de l’UICN.

Il en resterait environ 50.000 à l’état sauvage. La déforestation, l’expansion urbaine et le développement des surfaces agricoles les privent de leur habitat naturel. Le braconnage et le commerce illégal de l’ivoire menacent également les troupeaux.

« Les populations sont en déclin presque partout. Pour des raisons de conservation, il est très important que nous ayons des populations d’éléphants d’Asie en bonne santé » comme ici à Zurich, a relevé le Dr Marty.

Les éléphants de zoo sont des « ambassadeurs de leur espèce, nos partenaires pour éduquer les gens sur les problèmes » auxquels ils font face à l’état sauvage, a-t-il dit. Le virus qui a frappé le parc « ne change rien à notre objectif » de les élever, a-t-il assuré.

© AFP

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Un commentaire

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    • Favre

    Je lis que les éléphants vivants touchent les éléphants morts avec leur trompe pour leur dire adieu, n’est-ce pas un moyen de propager le virus ?