Climat : l’alimentation « doit être mise sur la table », plaide une experte

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Des plantations de maté brûlées par la sécheresse à la coopérative agricole Colonia Liebig, le 23 février 2022 à Corrientes, en Argentine © AFP/Archives JUAN MABROMATA

Paris (AFP) – La question alimentaire est cruciale dans la lutte contre le réchauffement, insiste auprès de l’AFP la scientifique Cynthia Rosenzweig, qui a passé des décennies à étudier les interactions entre le changement climatique et ce que nous mangeons.

Ses recherches au sein de la Nasa, au célèbre centre spatial Goddard, qui lui ont valu cette semaine de remporter le Prix mondial de l’alimentation, mettent particulièrement en garde contre l’impact du réchauffement sur l’alimentation.

QUESTION : Comment le système alimentaire encourage-t-il le changement climatique ?

REPONSE : « Le changement climatique ne peut pas être freiné sans porter attention aux émissions de gaz à effet de serre des systèmes alimentaires. Notre travail, parmi d’autres, montre que ces émissions représentent environ un tiers des émissions humaines totales. Dans le même temps, la sécurité alimentaire pour tous est dépendante du climat qui change. Alors que nous sommes dans une décennie cruciale pour l’action climatique, la nourriture doit être mise sur la table. »

Q : Quels sont les impacts du réchauffement sur l’alimentation ?

R : « Les températures élevées en général sont néfastes aux cultures, parce qu’elles accélèrent leur croissance, alors elles ont moins de temps pour produire des grains. Cela fait grandement baisser les rendements.

Et puis il y a les événements extrêmes qui se produisent lors de moment critiques, par exemple une canicule pendant la pollinisation du maïs. Ils augmentent en fréquence et en intensité dans de nombreuses régions agricoles.

Et bien sûr il y a l’eau, critique pour la production alimentaire. Le réchauffement change le cycle de l’eau dans beaucoup de régions agricoles, avec plus de sécheresses et plus de précipitations importantes, parce qu’un air plus chaud peut contenir plus d’eau.(…)

Avec les derniers scénarios climatiques, l’équipe de modélisation des cultures de l’AgMIP (programme de simulation des cultures lancé par Cynthia Rosenzweig, ndlr) a découvert que l’impact sur certaines régions agricoles à travers le monde devrait se faire sentir bien plus tôt, même au début des années 2030. C’est vraiment bientôt. Certaines de ces zones clés où ces impacts précoces se feront sentir se trouvent dans le centre des États-Unis, en Afrique de l’Ouest et en Asie de l’Est. En Afrique de l’Ouest, la production agricole pourrait chuter de 20 à 40%, voire plus. »

Q : Quelles solutions pour faire changer les choses ?

R : « Accroître le stockage de carbone peut aider à lutter contre le réchauffement. Nous devons augmenter l’efficacité de la production agricole et réduire le gaspillage alimentaire: c’est un chiffre approximatif, mais environ un tiers de la nourriture produite est perdue ou gâchée. Si nous ne gaspillions pas autant de nourriture, nous n’aurions pas à en produire autant, et donc nous réduirions les émissions de la production agricole. Dans les pays développés, il y a également la place pour des choix de régimes alimentaires qui peuvent faire une différence, parce que les émissions liées à l’élevage, principalement pour la viande de bœuf et le lait, sont importantes.

Mais si nous parlons consommation, nous devons reconnaître que les solutions sont différentes selon les contextes et prendre en compte les questions d’équité. De nombreuses personnes dans le monde n’ont pas le choix en matière d’alimentation.(…) Il y a sans aucun doute un mouvement en faveur de la transformation du système alimentaire. La nourriture est le secteur clé en matière climatique et connecte tous les habitants de la planète au réchauffement. Nous devons transformer notre système alimentaire pour assurer la sécurité alimentaire pour tous et une planète en bonne santé. »

© AFP

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2 commentaires

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Parlons économie et consommation:
    1 – Achetons moins de véhicules thermiques;
    2 – Construisons moins d’autoroutes;
    3 – Donnons la priorité aux trains et aux camionneurs pour le déplacement des vivres et marchandises;
    4 – Par des lois plus contraignantes, éliminons les embouteillages monstres dans tous les grands centres urbains;
    5 – Fabriquons plus de vélos.
    6 – Pour les nouvelles familles, choisir d’avoir moins d’enfants et en prendre soin davantage.
    7 – Pour des scientifiques et chefs d’État, interpréter plus rapidement les nouvelles données transmises par satellites sur notre si fragile planète bleue.
    8 – …
    9 – …
    Nous avons tout un coffre à outil à notre disposition pour réduire la température moyenne globale d’année en année et pour réparer le cycle de l’eau. Qu’est-ce qu’on attend?
    @:-)
    @GuyLafond @FamilleLafond
    Un bon papa qu’on a mis en prison en Ontario (au Canada) en 2019. Pas gentil, ça!
    P.S.:Des juges ne pourront jamais m’empêcher de faire mon devoir de bon serviteur de mon pays et de notre Terre.
    https://twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329

    • Claude Courty

    Le problème est-il « ce qu’il y aura sur la table » ou « le nombre de ceux qui seront assis autour de la table » ?