L’agroalimentaire au four et au moulin face au boom des légumes secs


L'agroalimentaire investit pour s'adapter au boom de la consommation de haricots, pois, lentilles et autres légumineuses, bons pour la santé et bons pour la planète © AFP/Archives Thierry ZOCCOLAN

Paris (AFP) – Cuiseurs et surgélateurs industriels, moulins à farine de pois, « formeuses » de nuggets: l’agroalimentaire investit pour s’adapter au boom de la consommation de haricots, pois, lentilles et autres légumineuses, bons pour la santé et bons pour la planète, au risque d’aller vers des produits ultra-transformés.

« Sans la surgélation grain à grain, il n’y aurait pas de lentilles dans les salades de la gare de Lyon, ni de houmous (purée de pois chiche, NDR) dans les burgers de la restauration rapide », explique à l’AFP Antoine Wassner, administrateur de la Fédération nationale des légumes secs (FNLS).

M. Wassner, qui dirige aussi l’entreprise familiale de lentilles et légumes secs Sabarot, basée en Haute-Loire, salue une hausse mensuelle de 5% des ventes de légumineuses en France depuis le premier confinement.

Il se dit « ravi d’en voir apparaître de plus en plus dans le +snacking+ », via des barres de céréales avec légumes secs soufflés, ou des crackers à base de farines de pois chiche, ainsi qu’en plat principal, dans des pâtes ou des galettes.

Les légumes secs, « produits d’exception » selon Caroline Rio, diététicienne à Paris, cumulent les bons points, climatiques, nutritionnels et économiques, car ils sont relativement bon marché.

Sur le plan agronomique, leur capacité à capter l’azote de l’air pour nourrir les sols permet une nette réduction, voire une suppression des engrais azotés dans les cultures, et d’améliorer ainsi la durabilité de l’agriculture.

En matière de santé, avec des protéines, pas de gluten, beaucoup de fibres et un indice glycémique très bas, ils permettent une réduction de la consommation excessive de viande.

La demande en France est telle qu’Alexandre Cherki, qui dirige le CIACAM (comptoir industriel et agricole de commerce algéro-malgache), l’un des premiers importateurs industriels de légumes secs, basé à Marseille depuis 1950, s’est mis aussi à la transformation.

Substituts de viande: attention aux additifs

« Nos clients s’appellent Daucy ou William Saurin, nous leur fournissons des lentilles ou des pois chiche nettoyés sur des tables dosimétriques, grâce à des trieurs optiques ou infra-rouge, grain par grain », dit M. Cherki.

« Il y a dix ans, nous fournissions 20.000 tonnes de légumes secs par an environ, et aujourd’hui nous en traitons 55.000 tonnes », ajoute celui qui préside aussi la Fédération nationale des légumes secs (FNLS).

Selon lui, « l’activité du futur, c’est la transformation », notamment la production de farines grâce à des décortiqueuses, des broyeurs, et du tamisage.

« Le marché s’ouvre, que ce soit pour les houmous, les pâtes à tartiner, les snacks ou les pâtes aux lentilles corail », ajoute M. Cherki, qui vient d’ouvrir une ligne de farine de pois chiche à Vitrolles dans sa filiale Vegedry, en association avec la coopérative Arterris. Des projets existent aussi chez Soufflet ou Limagrain, dit-il.

Même à raison d’un million d’euros environ par ligne de production, la France est encore loin de répondre à la demande, selon lui.

Néanmoins, l’association de consommateurs CLCV qui salue la « bonne surprise » de la qualité nutritionnelle de ces produits, a aussi récemment mis en garde contre leur ultra-transformation.

Après le « cracking » qui sert à extraire la protéine de pois ou de soja, les industriels utilisent des additifs pour la « texturer », afin qu’elle se rapproche le plus possible de la consistance d’un steak, escalope, ou autre filet de viande.

Si 80% des produits étudiés par CLCV contiennent au moins un additif, les produits imitant la viande en contiennent plus: texturants, arômes, colorants, acidifiants, anti-agglomérants ou antioxydants. « Il faut regarder la liste d’ingrédients » avant d’acheter des substituts végétaux de viande, conseille Mme Rio.

« Pour nous, végétal ne rime pas avec ultra-transformé » acquiesce Emmanuel Bréhier, l’un des deux fondateurs de la start-up Hari&Co, spécialiste de galettes végétales bio, qui tente actuellement de relocaliser sa production de légumineuses en France.

« On n’a pas vocation à faire de la fausse viande, qui comporte des additifs et des arômes, nous nous contentons de cuire, mélanger et former les légumes secs en nuggets, boulettes ou autres galettes ».

© AFP

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