Affaire du siècle : la « carence » climatique de l’État mise en avant à l’audience

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Action de militants écologistes près du Pont Marie à Paris, le 14 janvier 2021, avant l'audience au tribunal du procès intenté à l'Etat par plusieurs ONG ("L'Affaire du siècle") © AFP Thomas SAMSON

Paris (AFP) – La rapporteure publique a mis en avant jeudi devant le tribunal administratif de Paris la « faute » de l’Etat, qui n’a pas respecté ses objectifs de lutte contre le changement climatique, un premier espoir pour les millions de soutiens de « L’Affaire du Siècle ».

« Il y a bien une faute de l’État à n’avoir pas respecté sa trajectoire » de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a déclaré la rapporteure publique, qui a proposé au tribunal de reconnaître la « carence fautive » de l’Etat lors de ce « premier grand procès climatique en France ».

La magistrate, dont les recommandations ne seront pas nécessairement suivies par le tribunal, s’est appuyée sur la décision du Conseil d’Etat de novembre dernier. Celui-ci a souligné que la France – qui s’est engagée à réduire de 40% ses émissions d’ici à 2030 par rapport à 1990 – a dépassé les budgets carbone qu’elle s’était fixés.

Deux ans après le lancement de cette procédure hors norme, soutenue par 2,3 millions de citoyens, les quatre ONG requérantes – Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France – espèrent une décision « historique » dans les semaines qui viennent.

« Ça mettrait le politique face à ses contradictions écologiques : beaucoup de discours et très peu d’actes », a indiqué avant l’audience Cécilia Rinaudo, coordinatrice de Notre Affaire à tous.

« Les résultats ne sont pas là »

« Ça fait des années que les gouvernements font de belles paroles pour le climat, que la France se positionne en championne du climat au niveau international et les résultats ne sont toujours pas là », a-t-elle ajouté.

« La condamnation d’un État pour inaction climatique serait historique, et pas seulement en France », a insisté de son côté Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, en soulignant le parallèle avec l’affaire Urgenda, devenue le modèle de la récente montée en puissance de la justice climatique.

En décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas avait en effet ordonné au gouvernement néerlandais de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays d’au moins 25% d’ici fin 2020.

La décision du Conseil d’Etat, prise en novembre, encourage les défenseurs du climat en France. Saisi par la commune de Grande-Synthe, il a donné trois mois à l’Etat pour justifier de ses actions en matière de réduction des émissions de CO2.

Citant les rapports alarmants des experts climat de l’ONU (Giec) sur les effets « graves et irréversibles » du réchauffement climatique, la rapporteure publique a estimé jeudi que le préjudice écologique existait bien. Elle a d’ailleurs énuméré les canicules, les ouragans et les autres événements météo extrêmes subis par les Français.

Et « le non respect du calendrier n’est pas neutre, il implique des émissions supplémentaires, qui viennent aggraver le préjudice écologique », a-t-elle insisté.

La magistrate a toufefois rejeté la demande de réparation de ce préjudice écologique, effectuée par les ONG : elle a seulement proposé d’accorder un euro symbolique pour préjudice moral à trois d’entre elles (en excluant Notre Affaire à tous, dont l’action est trop récente).

 « Nous sommes 2,3 millions »

De son côté, le gouvernement rejette les accusations d’inaction. Il met notamment en avant la loi énergie-climat de 2019, qui « renforce les objectifs climatiques », en visant la neutralité carbone à l’horizon 2050 et une baisse de 40% de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030.

Les ONG espèrent aussi qu’une victoire en justice pourrait modifier le rapport de forces politiques, au moment où le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qu’ils estiment largement en-deçà de l’enjeu, sera bientôt présenté en Conseil des ministres.

« On espère un sursaut », a commenté Cécile Duflot. « Notre volonté profonde n’est pas de faire condamner l’Etat, c’est que l’Etat agisse », a assuré l’ancienne ministre à l’AFP.

Et quelle que soit d’ailleurs la décision du tribunal en première instance, puis en appel éventuellement, « il y a un vrai mouvement autour de L’Affaire du siècle, qui ne lâchera pas l’Etat d’une semelle », a promis Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France.

Pour bien rappeler le soutien sans précédent des citoyens ayant signé une pétition une pétition en ligne, une affiche géante a été installée jeudi matin sur le sol des bords de Seine. Elle proclame : « Nous sommes 2,3 millions ».

© AFP

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2 commentaires

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    • Jean Grossmann

    C’est en raison de cette « carence » que j’envisage malgré mon âge avancé d’expliquer à l’occasion d’une réunion d’information à l’ IESF (Ingénieurs Et Scientifiques de France) une fois que la pandémie sera derrière nous ce que nous pourrions faire pour solutionner ces problèmes climatiques. Voir
    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/Introduction.pdf

    • Henri DIDELLE

    IL MANQUE SEULEMENT UN ZESTE DE VOLONTE POLITIQUE…
    A Grenoble et ses environs les gens du voyage (entre autres…) brûlent encore allègrement les fils électriques pour en récupérer le cuivre. Le 9 juin 2020, la FNE Isère a mis en ligne une alerte que j’alimente en photos presque tous les jours: https://sentinellesdelanature.fr/alerte/10150/
    Le Préfet, le Procureur, les Ministres (Castex, Pompili et Dupond-Moretti) ne répondent même pas à nos courriers. Pourtant en cas de pic de pollution le Préfet n’hésite pas à ordonner le réduction de vitesse des voitures sans interdire les feux de caoutchouc. Comprenne qui pourra !!!
    Plus fort encore. Je viens de découvrir un dépôt sauvage de gaines de fils électriques qui démontre que le dénudage mécanique des fils électriques est possible. Il est même d’autant plus facile qu’il existe une grande quantité de machines industrielles manuelles ou électriques, de 15 à 10 000€ capables de dénuder les fils de tous diamètres..
    Donc la solution existe et j’essaie de convaincre les responsables de tous bords qu’il suffirait de changer de technique pour résoudre ce problème NATIONAL une bonne fois pour toutes. Pour l’instant je passe pour l’hurluberlu de service. Là encore, comprenne qui pourra…