La dérive des déchets plastiques suivie par satellite pour des océans plus propres

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Ery Ragaputra, un technicien de CLS Argos, lance une balise à la mer, le 20 octobre 2020, au large de Teluk Naga, en Indonésie. © AFP ADEK BERRY

Jakarta (AFP) – Ery Ragaputra, un technicien de CLS Argos, lance une balise à la mer, le 20 octobre 2020, au large de Teluk Naga, en Indonésie, là où le fleuve Cisadane se jette dans la mer de Java près de Jakarta, pour repérer le trajet des déchets plastiques

Des tonnes de déchets plastiques issus des rues de Jakarta sont emportées par les pluies en mer et flottent parfois jusqu’aux plages de Bali ou jusqu’à l’océan Indien. Grâce à des balises satellites, des scientifiques étudient cette dérive pour les collecter plus efficacement.

Forte d’une population de près de 270 millions d’habitants, l’Indonésie est le deuxième contributeur au monde, derrière la Chine, à ces amas de plastiques qui polluent les océans.

Si la priorité est de réduire l’usage du plastique et les volumes charriés par les fleuves dans l’archipel, le défi est immense, et ces efforts risquent de prendre encore des années. En attendant, une équipe de chercheurs veut mieux comprendre comment ces déchets sont disséminés et comment mieux les collecter.

Des balises satellites Argos sont déployées depuis février à l’embouchure de fleuves à Jakarta, près de Bandung (Java centre) et de Palembang (Sumatra) par la société française CLS, filiale du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), pour un projet du ministère indonésien des Affaires Maritimes et de la Pêche.

Ery Ragaputra, un collaborateur de CLS, est parti en bateau fin octobre là où le fleuve Cisadane se jette dans la mer de Java près de la capitale indonésienne.

« Aujourd’hui nous lançons des balises GPS pour découvrir l’itinéraire des débris plastiques qui arrivent en mer », explique-t-il à l’AFP en jetant à l’eau les balises jaunes enveloppées d’une protection imperméable.

Des dérives de plusieurs mois 

Les balises, dotées de batteries d’une autonomie d’un an, émettent toutes les heures un signal vers un satellite, qui est retransmis à un centre de traitement de données à Toulouse, en France, où se trouve le siège de CLS, puis arrive sur les écrans du ministère à Jakarta.

Bonne nouvelle pour ce projet soutenu par la Banque mondiale et l’Agence française de développement : selon les premières observations, « 90% des balises échouent après quelques heures ou quelques jours sur les côtes, ce qui est plus facile pour que les autorités organisent la collecte », explique Jean-Baptiste Voisin, directeur de la filiale indonésienne de CLS.

La plupart des balises lancées au large de Jakarta ont ainsi été détectées sur le rivage de l’île de Java, mais certaines poursuivent leur dérive plus de 1.000 km vers l’est jusqu’à Bali.

D’autres balises lancées à Surabaya, deuxième ville du pays, ont échoué dans les mangroves de Sumatra à l’ouest de l’archipel, un milieu particulièrement fragile.

« Quelques-unes lancées il y a six mois sont toujours en train de dériver, et malheureusement ça veut dire que les débris sont encore dans l’océan et qu’ils vont rejoindre les vastes accumulations de plastique dans l’océan Indien ou Pacifique », dit Jean-Baptiste Voisin.

70 balises doivent être lancées pour mieux comprendre la dérive des déchets en fonction des saisons, du vent, des vagues et des courants. Et ainsi mieux anticiper l’impact sur les écosystèmes et optimiser le ramassage.

Les autorités pourront ainsi décider d’une collecte sur terre, placer un barrage sur un site stratégique, ou envoyer des bateaux récupérer des déchets en mer.

migrations d’animaux en danger 

Ces déchets représentent un danger pour des centaines d’espèces marines et d’oiseaux et un risque encore peu étudié pour la santé humaine via les microplastiques que l’on peut ingérer.

« Le plus important est de savoir comment les débris vont rencontrer les migrations d’animaux, comme les tortues et les baleines », explique Aulia Riza Farhan, directeur adjoint de la surveillance et de la flotte du ministère des Affaires maritimes.

Les déchets issus de Jakarta représentent un risque particulièrement important pour les tortues qui migrent de l’île de Bornéo vers Bali, note-t-il.

Il y a deux ans, un cachalot a été retrouvé mort sur une côte indonésienne avec six kilos de déchets plastiques dans son estomac, dont 115 gobelets et 25 sacs.

Quelque huit millions de tonnes de plastique sont déversées dans les océans chaque année, soit un camion par minute, selon l’ONG américaine Ocean Conservancy. Et plus de 620.000 tonnes par an viennent d’Indonésie.

Le pays d’Asie du Sud-Est s’est fixé pour objectif de diminuer ces quantités de 70% d’ici 2025.

Dans la capitale les sacs plastiques à usage unique ont été bannis cette année mais le recyclage des déchets est encore balbutiant.

Sans changement radical, la pollution plastique en mer issue d’Indonésie pourrait encore bondir de 30% d’ici 2025, reconnaît le gouvernement.

©AFP

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