Équateur : Nemonte Nenquimo, l’Indienne waorani qui défend « l’héritage » de la forêt

Nemonte Nenquimo

L'Equatorienne Nemonte Nenquimo, photographiée le 24 avril 2019, a été reconnue par le magazine américain Time comme une des 100 personnalités les plus influentes du monde en 2020. © AFP/Archives RODRIGO BUENDIA

Quito (AFP) – Nemonte Nenquimo veut léguer à sa fille un paradis : pour protéger les 180.000 hectares de forêt amazonienne qui appartiennent à son peuple, les Indiens waorani, elle s’est lancée dans une bataille judiciaire contre l’exploitation pétrolière.

La ténacité de cette femme amérindienne de 35 ans lui a valu d’être reconnue par le magazine américain Time parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde en 2020.

En 2019, en tant que présidente du Conseil de coordination du peuple waorani d’Équateur-Pastaza (Conconawep), elle a remporté une éclatante victoire : la justice équatorienne a interdit l’exploitation pétrolière dans une zone de forêt vierge du territoire waorani, situé dans la province de Pastaza (sud), à la frontière avec le Pérou.

Les juges ont déterminé qu’un tel projet attentait au droit constitutionnel des peuples à l’autodétermination et à être consultés sur l’extraction de ressources non renouvelables dans leur habitat.

« La reconnaissance (de Time) ce n’est pas pour la lutte de Nemonte », mais pour les « hommes, femmes et enfants qui ont été en première ligne dans ce processus » pour sauver la forêt, confie la trentenaire à l’AFP.

Nemonte Nenquimo s’efforce de transmettre son message de manière à la fois claire et ferme, dans une langue qui n’est pas la sienne. Elle parle le wao-terero, la langue des Indiens waorani qui l’ont accompagnée jusqu’à Quito, munis de leurs lances, pour protester devant les ministères de l’Environnement et de l’Énergie.

Avec « colère » et tristesse, elle se rappelle comment l’arrivée des compagnies pétrolières a transformé la vie d’autres peuples amérindiens, qui ont vu leurs territoires en Amazonie transformés en zones de cultures et de pâturages.

« J’ai une fille et si je ne protège pas (la forêt), ils vont la détruire, la même histoire va se répéter là où nous vivons, à Pastaza, l’unique communauté waorani qui vit dans la forêt verte et vierge », dit-elle.

Au monde

Les Waorani, au nombre de 4.800, sont propriétaires de 800.000 hectares de forêt dans les États de Pastaza, Napo et Orellana. Mais seuls 180.000 hectares, soit 1% du territoire équatorien, sont vierges.

Cette zone devait faire partie d’un bloc pétrolier que le gouvernement équatorien souhaitait soumettre à un appel d’offre.

Car la loi reconnaît les droits de propriété des peuples indigènes mais l’État conserve celle du sous-sol, et l’exploitation du pétrole est un des piliers de l’économie équatorienne depuis les années 1970.

« Tout ce que nous défendons, ce n’est pas seulement pour le peuple (waorani). Ce qui donne de l’air pur au monde, c’est la forêt », rappelle la jeune femme, qui a grandi dans le village reculé de Nemompare, à 40 minutes de vol en petit avion depuis la localité amazonienne de Shell, à 150 km de Quito.

La forêt est « le seul héritage » à léguer, insiste Nemonte Nenquimo, qui dénonce à l’inverse les destructions de la nature héritées des compagnies pétrolières, mais aussi des entreprises d’exploitation de bois et la colonisation agricole.

« Ils viennent détruire notre vie, contaminer l’eau, détruire tout ce que nous avons, notre richesse, jusqu’à notre propre langue », souligne-t-elle.

Le brut extrait de l’Amazonie est le principal produit d’exportation du pays sud-américain, et malgré la chute récente des prix, il reste une ressource essentielle pour son économie dollarisée.

« Sans territoire, sans forêt, nous n’existerions pas comme Indiens », rappelle-t-elle, alors que son peuple, que des missionnaires évangéliques américains ont approché il y a environ 70 ans, est apparenté à des groupes nomades, les Taromenane et les Tagaeri, qui restent en isolement volontaire.

Elle se dit fière que son peuple ait encore accès à de « nombreux animaux, poissons, fruits, avec un air pur et une eau claire ».

Et elle espère que sa fille de cinq ans, prénommée Daime — « arc-en-ciel » en langue wao-terero — pourra « vivre dans une forêt verte, pleine d’animaux, de médicaments ancestraux, pleine de joie et de liberté ».

©AFP

Les Indiens waorani en lutte contre l’exploitation pétrolière

5 commentaires

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    • Mme Pull Dominique

    je soutiens ardemment la lutte des amérindiens contre la déforestation de leur habitat . C’est un génocide programmé inacceptable des peuples concernés et une catastrophe écologique planétaire.

    • Dany

    Là où passe l’humain, il a besoin de détruire pour assouvir sa soif de pouvoir et de richesses.
    Quelle tristesse !

    • Jean Grossmann

    On ne répétera jamais assez en examinant ce cas particulier et comme je l’ai fait dans mon site sur les rivières de France voir

    http://www.rivieres.info/patri/amont-aval.htm

    que celui qui est en amont a une lourde responsabilité vis-à-vis de ceux qui sont en aval en ce qui concerne la pollution.

    Cette évidence est particulièrement criante pour ce qui concerne les rivières de l’équateur situées sur la face ouest de la cordillère des Andes qui alimentent le gigantesque le bassin amazonien

    Par ses actions et pour cette raison Nemonte ne fait pas que défendre son propre peuple et la survie de sa fille

    • Guy J.J.P. Lafond

    Les idéologies du capitalisme, du néolibéralisme devraient-elles être relues et corrigées à la lumière de ce début de 3e millénaire AD?

    Quoi de l’idéologie du naturalisme économique? Ne serait-ce pas une idéologie plus appropriée et plus respectueuse des rythmes de la nature et aussi de notre si fragile planète bleue?

    Cela veut dire, par exemple, plus de vélos dans les grands centres urbains afin de se débarrasser des embouteillages monstres de voitures thermiques utilitaires sports (VUS) avec air climatisé et système de son hyper puissants.

    • Méryl Pinque

    Rien à ajouter aux commentaires des internautes ci-dessous…
    Bravo à cette héroïne.