En Syrie, cheptel et terrains agricoles souffrent des fuites de pétrole

eau polluée, Syrie

Un cheval broute et boit d’un ruisseau pollué par des fuites de pétrole près de Rmeilane dans la province syrienne de Hassaké, contrôlée par les Kurdes, le 19 juillet 2020 © AFP DELIL SOULEIMAN

Rmeilane (Syrie) (AFP) – Dans son village du nord-est de la Syrie, Abdel Karim Matar ne se remet pas de la mort de ses chevaux. Ses pur-sang arabes, dit-il, ont péri après avoir bu dans le ruisseau pollué par des fuites de pétrole.

Dans cette région du pays en guerre, contrôlée par les Kurdes, ce sont les vastes champs pétroliers de Rmeilane qui font planer une grave menace écologique, contaminant les cours d’eau du secteur, affirme l’ONG néerlandaise PAX.

A Rmeilane, un réservoir en particulier, Gir Zero, a connu plusieurs fuites depuis au moins 2014, selon un rapport de l’ONG publié en juin.

Et ces cinq dernières années, des milliers de barils se sont déversés dans les rivières de la région, menaçant la santé des habitants et le gagne-pain de dizaines de villages, d’après des données de PAX mais aussi de Samir Madani, cofondateur du site Tanker Trackers, spécialisé dans le suivi de pétroliers.

Pour M. Matar, le coup de grâce est venu il y a quatre mois quand ses bêtes ont été empoisonnées en s’abreuvant au cours d’eau près de son village d’Abou Hajar.

« J’ai perdu deux pur-sang arabes à cause de la rivière et du pétrole qui s’y trouve », affirme cet agriculteur de 48 ans.

Il assure que « les déchets pétroliers transportés par la rivière s’infiltrent » dans les terrains agricoles et que la pollution « touche les nappes phréatiques et provoque des odeurs nauséabondes ».

« C’est également un foyer de maladies, à l’origine d’infections cutanées », déplore-t-il.

Gir Zero

Dans la Syrie en guerre depuis 2011, les combats ont parfois ravagé les infrastructures pétrolières, cibles des convoitises des différents belligérants.

Avant le conflit, la production de pétrole brut syrien atteignait près de 400.000 barils par jour. Aujourd’hui, elle s’est effondrée.

Soutenus par des troupes américaines sur place, les Kurdes contrôlent les plus importants champs pétroliers, qui représentent la principale source de revenus de leur administration autonome.

Mais cette richesse, qui échappe pour le moment au régime de Bachar al-Assad, a un coût pour les agriculteurs de Rmeilane, comme l’explique Hassan Abdel Mahmoud.

Dans un pâturage, le berger pointe du doigt des tâches huileuses noires sur la toison d’un de ses moutons. Un seul coupable selon lui, Gir Zero.

« Depuis le début du conflit, l’eau est polluée par le pétrole et les moutons sont les plus affectés », déplore-t-il.

Ses propos font écho à ceux des éleveurs des environs, qui disent avoir perdu plusieurs moutons ou vaches qui venaient s’abreuver aux cours d’eau pollués.

Sans oublier les problèmes respiratoires causés par l’inhalation des effluves du pétrole ou des déchets pétroliers déversés dans les cours d’eau, affirment des habitants.

« Nous devons régulièrement emmener nos enfants chez le médecin pour les mettre sous respirateur artificiel à cause des émanations », assure M. Abdel Mahmoud.

Pas de solution

Dans les régions du nord-est syrien, les raffineries de fortune pullulent, souvent visibles le long des routes de campagne entre les villages et les villes, projetant dans le ciel de longs panaches de fumée noire.

Transformant de manière primaire le pétrole brut en benzine, essence et diesel, ces infrastructures déversent aussi leurs déchets dans les rivières voisines, selon PAX.

Dans l’une de ces raffineries près de la ville de Qahtaniya, l’exposition prolongée à ces résidus pétroliers, par inhalation ou par contact direct, a provoqué des problèmes de santé chez plusieurs employés, dont Ahmed Mohamed.

Lui-même se plaint de maux de tête récurrents ainsi que de douleurs thoraciques et de brûlures aux jambes, causés par les techniques rudimentaires utilisées pour chauffer le pétrole brut et le raffiner.

« Je suis obligé de faire ça pour nourrir mes enfants parce qu’il n’y a pas d’autre travail », affirme l’ouvrier de 37 ans.

De leur propre aveu, les autorités kurdes semblent désarmées face aux répercussions environnementales de l’or noir.

« C’est l’une de nos plus grandes préoccupations », affirme à l’AFP Berivan Omer, responsable environnementale au sein de l’administration kurde.

« Mais les solutions à ce stade sont difficiles à trouver car elles nécessitent d’importants financements et de l’expertise ».

© AFP

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3 commentaires

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    • Michel CERF

    conclusion : la plus grande pollution ici comme ailleurs c’est la connerie humaine .

    • Méryl Pinque

    A Good Planet, on continue à parler des personnes nonhumaines en termes de « cheptel ».

    Les animaux dont on parle ici ne seraient pas morts pour avoir bu de l’eau contaminée si on ne les avait pas réduits en « cheptels » précisément.

    Pour la libération animale.
    Ici et maintenant.

    • Maryse Leroy

    Merci, Meryl PInque pour votre mise au point.
    Good Planet porte mal son nom.