A Doha, un marché veut initier les Qataris à une consommation responsable

Qataris recyclage

Des Qataris discutent près des poubelles spécial recyclage au marché de Torba, à Doha, le 1er février 2020 © AFP KARIM JAAFAR

Le Qatar est davantage connu comme gros producteur de gaz et pour sa compagnie aérienne que pour ses initiatives « zéro déchet », mais, dans ce riche émirat du Golfe, certains habitants veulent s’initier à un mode de vie durable.

Dans un marché en plein air à Doha, les vendeurs tentent de convertir leurs clients à consommer tout en respectant l’environnement. Ils encouragent ainsi les acheteurs à éviter bouteilles, couverts et assiettes en plastique au profit de produits réutilisables.

« Si une ou trois personnes de plus finissent cette saison en ayant réduit leurs déchets ou leur empreinte carbone, je pense que ce sera formidable. Plus nous attirons des gens qui changent, mieux ce sera », assure à l’AFP Ghada al-Khater, directrice de l’innovation du marché de Torba, situé dans le nord-ouest de Doha.

Jusqu’à la création de ce marché de producteurs, dans le nord-ouest de Doha, « les gens n’avaient pas nécessairement les moyens ou l’endroit » pour changer leurs habitudes.

Expatriés et Qataris se côtoient dans les allées de ce marché, au milieu des plantes cultivées localement, achetant du café servi dans des tasses réutilisables et remplissant leurs sacs de pain au levain cuit de manière artisanale.

Un stand tenu par des bénévoles distribue gratuitement des tasses en porcelaine à condition qu’elles lui soient rendues, pour être ensuite lavées et réutilisées.

Les bouteilles en plastique à usage unique sont bannies et des fontaines offrent gratuitement de l’eau aux visiteurs et à leurs chiens.

Lancé en 2016, le marché compte désormais des dizaines d’étals et reçoit jusqu’à 5.000 visiteurs chaque week-end pendant l’automne et l’hiver de ce pays vite caniculaire le reste de l’année.

Recyclage à la traîne

« Je suis plongeur et j’ai vu ce que le plastique fait à l’océan. A Doha ou ailleurs, j’en vois les effets. C’est très beau de voir Doha prendre des initiatives », a déclaré Rachid al-Kuwari, 28 ans, un adepte du marché.

Dès 1974, le Qatar a adopté une loi de « propreté générale » et s’est engagé, dans sa constitution de 2004, à « protéger l’environnement et l’équilibre écologique ».

Mais le plastique à usage unique reste omniprésent et le recyclage peu développé. Le pays produit 2,5 millions de tonnes de déchets solides, qu’ils soient d’usage domestique, pour ses industries ou le secteur du BTP.

Seulement 8% de ces déchets solides sont recyclés, selon les statistiques officielles.

Le Qatar vise à faire passer ce taux à 15% d’ici la Coupe du monde de 2022, dont il est le pays hôte. Mais les services municipaux ne trient pas les déchets collectés.

A titre de comparaison, l’Allemagne, leader mondial en la matière, recycle 67% des déchets ménagers, 70% des déchets industriels et 90 % des déchets du secteur du BTP.

Dans la région du Golfe, chaque habitant produit en moyenne 1,5 kg de déchets par jour, dont environ 14% sont en plastique, selon une étude de l’université du Qatar.

« Frustrant »

Devenue consultante pour le marché de Torba pour les modes de vie durable, la Néo-zélandaise Sarah Cameron ne ménage pas ses efforts.

« On m’a dit que je devrais avoir un badge de policière du plastique », s’amuse celle qui tient aussi un stand de jus de fruits au marché.

« Parfois, c’est frustrant. Nous sommes arrivés avec de grandes idées, puis nous avons réalisé que nous devions commencer d’un peu plus loin. Chaque année, nous avançons un peu plus et nous sommes plus stricts en matière de durabilité », dit-elle.

L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a promis en 2019 aux Nations unies que le Mondial-2022 aurait un bilan carbone neutre, sans donner de détails sur la manière dont le pays y parviendrait.

L’une des mesures envisagées par les organisateurs pourrait être l’interdiction des bouteilles en plastique à usage unique dans les stades.

Mais pour l’instant, le Qatar a le plus haut niveau de déchets plastiques par habitant de tous les pays du Golfe, selon le chercheur Sultan al-Salem.

Les Qataris remportent régulièrement la palme des émissions de CO2 par habitant les plus élevées au monde, et l’économie du Qatar est largement basée sur les combustibles fossiles.

Le pays fait ainsi partie des trois premiers producteurs de gaz au monde et partage un énorme gisement de gaz avec l’Iran.

Mais pour Youssef al-Derbasti, un étudiant de 18 ans venu avec ses proches au marché de Torba, « il est possible de divertir les gens (…) tout en les sensibilisant » aux modes de vie durables.

© AFP

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