Arroser moins pour récolter plus: le riz thaï qui défie la sécheresse

récolte le riz

Un fermier récolte le riz dans le village de Mae Rim, dans le nord de la Thaïlande, le 7 novembre 2019 © AFP Lillian SUWANRUMPHA

Pour lutter contre la sécheresse, les dettes et les ravages des pesticides, des riziculteurs du nord de la Thaïlande expérimentent une méthode de culture plus respectueuse de l’environnement, malgré les puissants intérêts du secteur agro-industriel dans le pays, deuxième exportateur mondial de riz.

Au coeur des rizières en terrasse du hameau de Ban Pa Pong Piang (nord-ouest), la récolte bat son plein. Une vingtaine de fermiers, protégés du soleil par de larges chapeaux colorés, coupent avec une faucille les tiges du riz, aliment de base de plus de trois milliards d’êtres humains. Mais, si certains épis sont vigoureux, d’autres ont peu de grains, flétris par la sécheresse qui a frappé la région pendant plusieurs mois.

A une centaine de kilomètres de là, Sunnan s’apprête aussi à faucher son champ. Ici, malgré le manque de pluie, la situation est tout autre et le modeste fermier de 58 ans sourit en zigzaguant entre de robustes plants d’un vert intense, d’où les grains pendent lourdement.

Il pratique, dans une petite ferme biologique expérimentale, le « Système de riziculture intensive » (SRI), inventé dans les années 1980 à Madagascar par un prêtre jésuite français et qui se propage lentement en Afrique et en Asie.

En juillet, appliquant les principes du « Système de riziculture intensive », baptisé ainsi car il promet de meilleurs rendements, Sunnan a planté chaque épi de manière plus espacée que dans l’agriculture traditionnelle. Objectif: permettre à la tige d’absorber davantage de lumière, d’eau et de nutriments afin qu’elle produise plus de grains.

Puis, contrairement à des millions de riziculteurs, il a asséché régulièrement son champ, limitant les apports en eau pour encourager l’apparition de micro-organismes qui se développent à l’air libre et agissent comme engrais naturels.

Appuyé par une entreprise française, Pur Projet, il a aussi replanté des arbres autour du lopin pour rengorger les nappes phréatiques.

Depuis, « ma récolte a bondi de 40% (…) je n’ai plus besoin de produits chimiques mauvais pour ma santé », relève-t-il.

Il utilise aussi moins de graines et d’eau. Du coup, ses dépenses ont diminué: contrairement à de nombreux riziculteurs thaïlandais qui gagnent quelque 3.000 bahts par mois (moins de 100 euros) et sont lourdement endettés, il a pu « rembourser 100.000 bahts » (3.000 euros) à ses créanciers.

Cercle vicieux

Sunnan a longtemps pratiqué la culture traditionnelle.

Mais, « nos rizières sont épuisées par les produits chimiques », relève-t-il, montrant du doigt des fermiers qui coupent des épis jaunis par le soleil dans un champ voisin.

Et les riziculteurs sont enfermés dans un cercle vicieux: affectés par le changement climatique qui provoque sécheresse et inondations, ils contribuent eux-mêmes à ce dérèglement car leurs champs rejettent méthane et protoxyde d’azote, deux gaz à effet de serre.

Avec le SRI, comme la rizière n’est pas inondée en permanence, « les émissions de méthane sont réduites de 60% », assure Tristan Lecomte, fondateur de Pur Projet. Quant au rendement, « selon les zones, il peut bondir de 20 à plus de 100% » par rapport à la méthode traditionnelle.

Plus de deux millions de fermiers ont déjà été formés en Asie du Sud-Est, selon l’Université américaine de Cornell qui a crée en 2010 un centre international spécialisé.

Dans la province de Bac Giang , au nord du Vietnam, les bénéfices nets pour les agriculteurs « ont bondi de 113% voire de 226% », s’enthousiasme Abha Mishra qui a piloté dans le pays un vaste projet pour l’institut asiatique de technologie.

Les Philippines, qui cultivent le riz mais sont ausi un des premiers importateurs mondiaux, s’intéressent également à cette méthode. Le ministère de l’Agriculture a commencé à former des riziculteurs et des cérémonies de plantation SRI sont organisées.

Pression des lobbies

Pour autant, la technique peine à se démocratiser.

« Assez complexe, elle nécessite pas mal de connaissances. Il faut planter les plants un par un, contrôler étroitement l’eau, cela donne aussi plus de travail », relève Tristan Lecomte.

Certains préfèrent ne pas tenter l’expérience ou abandonnent et retournent à la méthode traditionnelle.

Le principal obstacle reste la pression de l’agro-industrie peu favorable à une méthode qui ne propose ni nouvelle graine hybride, ni engrais à vendre.

D’autant que les lobbies du secteur sont très présents en Asie du Sud-Est, particulièrement en Thaïlande, un des plus gros utilisateurs de pesticides au monde.

L’agro-industrie vient d’ailleurs d’y remporter une nouvelle bataille.

Les autorités thaïlandaises, qui s’étaient engagées à interdire le glyphosate, ont fait machine arrière fin novembre décidant qu’un usage « limité » serait finalement autorisé. L’utilisation de deux autres herbicides très controversés a aussi été prolongée.

© AFP

Un commentaire

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    • Michel CERF

    Aux consommateurs d’acheter des produits bio , l’agro-industrie n’a que faire de notre santé et de la qualité de l’environnement .