Des rats contre la tuberculose


Un rat d'APOPO aide à tester de la salive DR : APOPO

L’association APOPO a déjà démontré l’efficacité des rats dans le déminage. Aujourd’hui, elle met ses rongeurs au défi de la lutte contre la tuberculose. En effet, cette maladie est une des plus meurtrières au monde, juste après le VIH/sida. En 2014, 9,6 millions de personnes ont développé la tuberculose et 1,5 million en sont mortes, selon l’ONU. La tuberculose a pour spécificité d’être due à un agent infectieux unique. Georgie Mgode le directeur du programme contre la tuberculose en Tanzanie explique comment APOPO travaille.

Grâce à une cinquantaine de rats, au Mozambique et en Tanzanie, APOPO, qui est une association belge installée en Afrique, parvient à analyser des échantillons de salive pour déterminer si les patients sont infectés ou non par la tuberculose. Après avoir reniflé plus de 329 462 échantillons, les rats ont diagnostiqué 8 876 cas de maladie chez des patients que les tests des scientifiques et de leurs microscopes avaient manqués. En effet, les rats jouent un rôle de contrôleur en analysant des échantillons de salives préalablement étudiés par des scientifiques et jugés négatifs.

Entretien avec Georgie Mgode le directeur du programme contre la tuberculose en Tanzanie.

Quelle est l’urgence face à la tuberculose ?

Le principal problème reste la détection de la maladie, sur les 9 millions de patients atteints, 3 millions ne sont pas détectés, or, sans traitement, une personne infectée peut contaminer 15 personnes. La plupart des 3 millions de personnes, chez qui la maladie n’est pas diagnostiquée, vivent en Afrique Sub-Saharienne car les systèmes de santé sont défaillants et les dépistages y sont peu efficaces. De plus, l’importante épidémie de VIH aggrave la situation, car détecter la tuberculose chez des patients séropositifs est très difficile avec les microscopes dont on dispose, car le VIH souille les échantillons et les fait apparaître négatifs.

Comment avez-vous eu l’idée d’utiliser des rats pour lutter contre l’épidémie de tuberculose ?

L’idée d’utiliser des rats est celle de Bart, le fondateur de l’association. Petit, il avait des rats, il avait appris à les connaître, ce sont des animaux intelligents, que l’on peut dresser facilement et avec un odorat très développé. Il a d’abord eu l’idée de les utiliser pour détecter des mines. Puis il s’est intéressé à d’autres utilisations, dont la tuberculose, car même les humains peuvent reconnaître l’odeur de la maladie à un stade élevée de son développement. Il a mis en place une équipe, un projet, et ce fut un vrai succès ! On utilise des rats géants de Gambie car ils sont endémiques à l’Afrique, qu’ils ont une taille appréciable, et qu’ils ne coûtent pas cher à nourrir et à élever. De plus, ils ne créent pas vraiment de lien avec leur entraineur et peuvent donc changer d’équipe ou de site d’opération sans problème. Et puis, ils sont super efficaces. Après 9 mois d’entraînements, les rats arrivent en 20 minutes à analyser le même nombre d’échantillons qu’un technicien en 4 jours.

Justement, quel est leur taux d’efficacité en comparaison de ceux obtenus via les méthodes traditionnelles ?

Dans la plupart des pays en développement, la tuberculose est détectée au microscope, cette méthode est très longue et pas toujours fiable puisqu’entre 40% et 80% des échantillons positifs ne sont pas détectés. Le programme de détection de la maladie mené par APOPO est 20 fois plus rapide. D’après nos études, nos rats ont un taux de sensibilité face à la maladie de 67%, et comme ils sont rapides on peut les faire travailler en équipe de 4, chaque échantillon jugé positif par deux rats est alors considéré comme positif. Nos rats complètent les études menées par les laborantins en augmentant la précision des résultats obtenus. Ainsi, pour un coût modique, nous pouvons augmenter de 40% le taux de détection de la maladie.

Avez-vous d’autres projets, d’autres combats à mener avec vos rats ?

En théorie nous pourrions utiliser les rats pour toute une série de dépistage de maladie, comme le cancer ou le diabète, mais les rats pourraient aussi être utiles à d’autres secteurs, comme l’environnement (pour prévenir la corrosion de pipelines), la contamination de la nourriture et de l’eau (par la salmonelle ou la légionellose), pour lutter contre la contrebande (tabac, drogue ou explosif) ou encore dans le domaine de l’agriculture (les termites et les charançons). Les rats sont des solutions low-tech et disponibles. Nous avons divers projets envisageables, comme celui de la détection de la bactérie de la salmonelle, ou encore celui de mener des opérations de sauvetage grâce aux rats.

Caroline Amiard

Pour aller plus loin :
Des rats pour déminer le Mozambique

Les rats démineurs de Tanzanie

 

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