Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) publie en décembre 2025 son dernier rapport Global Environment Outlook 7 : A Future We Choose (rapport mondial sur les perspectives environnementales : un futur que nous décidons). Il constate, une fois de plus, que l’environnement continue de se dégrader, ce n’est pourtant pas l’intérêt principal de ce volumineux rapport. Pourtant, les gouvernements réunis sous l’égide de l’UNEP ne sont pas tombés d’accord sur le contenu du résumé pour les décideurs de ce document. Ses auteurs insistent sur le fait qu’il n’est pas trop tard pour agir. Il reste encore une petite fenêtre pour y parvenir, à condition de changements systémiques d’ampleur. Les auteurs proposent d’ailleurs deux scénarios à ce sujet : l’un basé sur un changement des comportements et des habitudes, l’autre misant davantage sur la technologie.
Un rapport consensuel qui ne fait pourtant plus consensus
Le rapport de l’UNEP, aussi appelé GEO-7 est le 7e d’une série commencée en 1997 avec l’objectif d’établir scientifiquement un état des lieux de l’environnement. Les 287 scientifiques venus de différentes disciplines et de 82 pays constatent que l’humanité ne s’est pas encore mise sur une trajectoire attestant de résultats dans ce domaine, à de rares exceptions comme la préservation de la couche d’ozone et la qualité de l’air. Bien que la pollution de l’air tende à diminuer, l’urbanisation du monde aboutit à ce que paradoxalement davantage de personnes se trouvent exposées à ce risque.
L’humanité est donc loin de respecter les objectifs de préservation de la biodiversité, du climat et des sols que les pays ont pourtant eux-mêmes fixés ces dernières années.
Le document final de 1200 pages a pour vocation de servir de base commune aux États du monde afin de discuter de ces problèmes et de trouver des solutions aux défis écologiques. Il contient des informations et des projections sur des thématiques variées, elles sont certes connues, mais leur rappel reste utile car les recherches scientifiques tendent à montrer que les problématiques écologiques, économiques et sociales sont interdépendantes.
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Les rapports GEO sont rédigés par les scientifiques pour l’UNEP, puis le document, notamment son résumé pour les décideurs, fait ensuite l’objet d’un vote par les représentants des gouvernements, comme pour les rapports du Giec pour le climat et ceux de l’IPBES sur la biodiversité. Or, cette année, pour la première fois depuis 30 ans, les pays ne sont pas parvenus à s’accorder sur le contenu du résumé pour les décideurs de GEO-7 titré Un futur que nous décidons. Ce qui témoigne d’un clivage plus grand entre nations sur les questions écologiques, une baisse de considération du rôle de la science pour éclairer les décisions par certains gouvernements et surtout de la défense des énergies fossiles et/ou de modèles agricoles industriels. L’AFP a ainsi rapporté à ce propos que « l’Arabie Saoudite et les États-Unis, deux gros producteurs d’hydrocarbures, se sont opposés aux références à la sortie des énergies fossiles, selon un compte rendu du PNUE. D’autres pays étaient opposés à des passages sur le genre ou les subventions néfastes pour l’environnement. » Le refus d’avaliser le contenu du résumé pour les décideurs d’un rapport scientifique s’inscrit dans la continuité d’échecs en matière de protection de l’environnement qui ont émaillé toute l’année 2025 entre le fiasco des négociations pour aboutir à un traité pour endiguer la pollution par les plastiques, l’échec de la COP30 sur le climat de Belém au Brésil et celui de l’accord pour limiter la pollution des navires sabordé par les États-Unis de Donald Trump. Autant, l’échec d’accord sur des négociations politiques peut se comprendre, autant le fait que le résumé du GEO-7 n’ait pas pu faire l’objet d’un accord inquiète puisqu’il semble signifier en substance qu’un accord sur le diagnostic ne fait pas l’unanimité. Cela n’est pas nouveau, mais dans une ère marquée par le déni et la post-vérité, les repères vacillent. L’élaboration de la science repose sur la discussion argumentée et fondée, or dans le cas du GEO-7 les sources de désaccord relèvent de partis pris idéologiques ou intéressés, ce qui au final nuit à l’intérêt général.
Mais au fait, que dit le rapport GEO-7 ?
« Avec des efforts de l’ensemble des gouvernements et de l’ensemble de la société, l’humanité peut encore manœuvrer le navire. Mais, si les nations persistent à traîner des pieds pour agir, alors des milliards de personnes auront un avenir incertain, en particulier dans les pays en développement », résume Maarten Kapelle, chef du service Science de l’UNEP. Les chercheurs ont notamment mis l’emphase sur les répercussions socio-économiques des crises écologiques. Les trajectoires actuelles aboutissent à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici 2050 pour atteindre les 75 milliards de tonnes de CO2 par an. Ce qui conduirait le monde sur un réchauffement excédant les + 2°C, s’accompagnant de nombreux risques de franchissement des points de bascule (tipping points).
Le coût économique du réchauffement est évalué à, dans cette hypothèse, au moins 4 %, du PIB mondial. Cette baisse du PIB pourrait atteindre 20 % d’ici 2100, soit une chute équivalente à ce que les États-Unis ont connu lors de la Grande Dépression des années 1920 et 1930.
Les auteurs rappellent également qu’un million d’espèces sur les 8 millions présentes sur Terre sont menacées d’extinction tandis que les effectifs des populations déclinent. À cela s’ajoute le fait qu’entre 20 % et 40 % des sols sont dégradés. Le monde perd 100 millions d’hectares de terres fertiles par an. Le volume des déchets générés par l’humanité atteint les 2 milliards de tonnes par an. Ce chiffre devrait quasiment doubler en 2050 pour atteindre 3,8 milliards de tonnes. Le rapport dense dresse une longue liste de chiffres et données sur l’état présent et futur de la planète.
Les auteurs déplorent que ces réalités bien documentées fassent l’objet d’ambitieux engagements des États sans que les discours ne soient suivis d’actes et d’effets. « En suivant nos trajectoires actuelles, les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, de celui du protocole de Kunming -Montréal sur la biodiversité, de la convention de lutte contre la désertification et les standards de qualité de l’air fixé par l’OMS ne seront pas atteints », écrivent-ils pour rappeler que l’état de l’environnement ne peut pas s’améliorer sans des changements majeurs.

Les chercheurs estiment qu’agir pour transformer en profondeur la façon dont nous produisons nos biens, notre alimentation et notre énergie est primordial. Surtout, ces investissements resteront moins coûteux. Ils se révèleront de surcroît bénéfiques pour l’ensemble de la population. Selon eux, « la transformation des systèmes économiques et financiers s’avère un prérequis pour changer les autres éléments du système » tel que « sortir des subventions néfastes pour l’environnement » ou encore « prendre en compte les externalités de l’énergie et de l’agriculture ». Dès lors, il faudrait que les prix reflètent désormais les externalités c’est-à-dire le coût des dommages environnementaux d’une activité car ces derniers sont rarement pris en compte. Les externalités de la production alimentaire et énergétiques sont estimées à 45 000 milliards de dollars par an. Quant à elles, les subventions nocives à l’environnement sont évaluées à 1 500 milliards de dollars par an rien que pour les secteur alimentaire, énergétique et minier réunis. Les auteurs du rapport plaident d’ailleurs pour utiliser de nouveaux outils de mesure économiques, afin de ne pas reposer sur le seul Produit Intérieur Brut (PIB). Ils souhaitent aller au-delà afin de prendre en compte le bien-être humain, l’état de l’environnement et le capital naturel. L’idée serait de parvenir à « aller au-delà du PIB tel qu’il est mesuré de façon conventionnelle afin d’intégrer le capital naturel et le bien-être humain de les prendre en compte dans les décisions. »
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Les chercheurs insistent sur la nécessité d’attribuer une valeur réelle aux biens et services, notant que le signal prix reste déterminant dans les choix. Ils affirmant que « la transformation des systèmes économiques et financiers serait massivement accélérée par une évaluation correcte des biens en intégrant à leurs coûts les externalités positives et négatives, en réformant ou en redessinant les politiques macro-économiques et la fiscalité, en déverrouillant des capitaux privés et en utilisant des instruments de mesure qui ne se basent pas uniquement sur la valeur économique. »
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Parmi les solutions mises en avant dans le GEO-7 se retrouvent la restauration des écosystèmes, la réduction de l’usage des énergies fossiles au profit des renouvelables, un changement des régimes alimentaires davantage basés sur les plantes et végétaux, une réduction du volume des déchets accompagnée d’un meilleur recyclage. Ou encore un nouveau fléchage des flux financiers. Une fois de plus, à l’image du diagnostic établi, le panel des solutions présentées demeure connu, mais la difficulté réside dans le changement majeur qu’elles représentent. Maintenant, il serait temps pour les décideurs politiques et économiques et les sociétés d’en discutent et de passer à l’action pour assurer cette transition avant qu’elle ne s’impose d’elle-même.
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Pour aller plus loin
Le rapport (en anglais) Global Environment Outlook 7 | UNEP – UN Environment Programme
1500 politiques climatiques analysées afin d’identifier les plus efficaces

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