Sur les chantiers d’éoliennes, des sourciers géobiologues accusés de charlatanisme

géobiologues éoliennes

Le travail des sourciers géobiologues ne bénéficie d'aucune validation scientifique © AFP/Archives GUILLAUME SOUVANT

Paris (AFP) – Ils sont missionnés sur des chantiers d’éoliennes, parfois sur demande de la chambre d’agriculture, à la recherche de supposés « courants telluriques » qui perturberaient les bovins, mais le travail de ces sourciers géobiologues ne bénéficie d’aucune validation scientifique.

Un employé d’un développeur éolien, qui a souhaité rester anonyme, témoigne auprès de l’AFP de la visite d’un géobiologue sur un projet dans l’ouest de la France : « le principe était de marcher en secouant une tige en plastique verticalement, lorsque son mouvement devenait circulaire ou horizontal, c’était que nous passions au niveau d’un cours d’eau souterrain », détaille-t-il.

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En 2017, en réponse aux craintes d’un éleveur sur les courants « telluriques » que génèreraient des éoliennes à construire, un porteur de projet a également missionné un géobiologue. Ce dernier lui a notamment recommandé « d’informer » la dalle de béton avant le coulage, une méthode qui permettrait de « redonner une fonction vibratoire et énergétique à la dalle », indique le rapport du commissaire enquêteur, consulté par l’AFP.

Parmi les produits utilisés par les géobiologues pour réaliser cette « information » du béton, le Pneumatit, dont le fabricant est partenaire de la Fédération française de géobiologie.

Un produit homéopathique à ajouter au moment du coulage du béton, dont le processus de fabrication inclut des lectures de passages de la Bible ou de « musique de violon (J.S. Bach), avec effet de tissage par decrescendo et crescendo alternés », détaille le site du fabricant.

« Détente, régénération, bien-être et résistance au stress, même dans des espaces de vie et de travail en béton: c’est ce que vous offre Pneumatit® », promet l’entreprise, qui revendique plusieurs clients dans l’éolien.

Ce phénomène, mis en lumière par le vidéaste enquêtant sur la pseudo-science G Milgram, est de plus en plus courant depuis une dizaine d’années dans l’ouest de la France, où sont implantées de nombreuses éoliennes. « Cela fait des années qu’on alerte à ce sujet, c’est vraiment inquiétant », déplore Robin Dixon de France Renouvelables, l’association représentative de la filière éolienne en France.

Souvent missionnés par les développeurs d’éolien sur demande des éleveurs qui craignent pour leurs bêtes les effets de courants électriques parasites, les géobiologues le sont parfois par la chambre d’agriculture ou la préfecture.

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Ces sourciers se font appeler géobiologues, un nom emprunté à un sous-domaine de la géologie. Les cours d’eau, qu’ils estiment repérer grâce à leur sensibilité, « transportent des courants parasites que les bovins, très sensibles, peuvent ressentir », affirme le site de la Fédération française de géobiologie.

« Accord avec le préfet »

« La géobiologie est du charlatanisme, cela fait deux siècles qu’on sait que c’est une arnaque », dit Sébastien Point, physicien au CNRS et qui décortique les pseudo-sciences. « Elle se donne une apparence scientifique avec du jargon, comme les ‘cheminées cosmo-telluriques’ ou les ‘champs de torsion’ qui n’existent pas, en le mélangeant avec de l’ésotérisme. »

Une accusation que contestent les géobiologues. « Ce n’est pas parce qu’il y a des hurluberlus qui font n’importe quoi qu’il faut incriminer une profession tout entière’, réplique Bernard Olifirenko, président de la Confédération nationale de géobiologie.

La chambre d’agriculture du Pays de la Loire mentionne sur son site l’existence en Loire-Atlantique d’ « un protocole (…)« , « en accord avec le préfet », indiquant que « toute entreprise d’éolienne est tenue avant toute implantation de prendre en charge à ses frais », un peu plus d’un millier d’euros en général, « un diagnostic géobiologique ».

Contactée par l’AFP, la préfecture de Loire-Atlantique confirme l’existence de ce protocole, spécifiant que « la réalisation de ce type de diagnostic n’est pas imposée par arrêté préfectoral. »

« C’est un exemple de ‘droit mou' », conteste Robin Dixon, de France Renouvelables. « Les porteurs de projets éoliens se retrouvent obligés de mettre en place ce genre de diagnostic, sinon cela leur porte préjudice derrière pour obtenir l’autorisation » de la préfecture, estime l’écologue, chargé de mission Environnement.

« Même si toutes les études environnementales ont été réalisées, s’il n’y a pas ce passage d’un druide sur le site derrière, cela peut bloquer », élabore Robin Dixon.

« Un filon »

En 2020, sur le projet de parc éolien dans la commune de Grand-Auverné en Loire-Atlantique, « une étude géobiologique a été réalisée par la société à la demande de la préfecture », indique le rapport du commissaire-enquêteur nommé par la préfecture.

« Même si la géobiologie n’est pas reconnue à ce jour, il me paraît incontestable de réaliser des diagnostics (…) avant tout projet », estimait un autre commissaire-enquêteur de Loire-Atlantique en 2021.

La géobiologie est particulièrement prégnante en Loire-Atlantique depuis les remous créés par le parc éolien des Quatre Seigneurs, des éleveurs implantés à proximité alertant sur des perturbations lourdes qu’ils attribuent aux éoliennes.

« À ce jour, la question reste quasiment vierge d’études scientifiques rigoureuses et de résultats débouchant sur des liens de causalité entre infrastructures électriques collectives et santé des élevages », indique l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Dans ce contexte, « la géobiologie est un filon », estime Robin Dixon. « On profite de la détresse que peuvent avoir certains éleveurs pour greffer ufrne pseudo-science qui leur apporterait des bénéfices. »

© AFP

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