Besançon (AFP) – Un lynx inerte, parfois ensanglanté, au bord de la route: pour ne plus revoir cette triste image et enrayer l’hécatombe des félins déjà tués sur les routes en 2024, le village de Sombacour (Doubs) mise sur les panneaux « Attention lynx! ».
Sur les routes du village situé au pied du Mont-Calvaire et environné d’épaisses forêts, trois lynx ont été tués en deux ans, dont le dernier en mars.
« C’est probablement la mère qui a été tuée l’année dernière, et ses deux petits par la suite », présume Frédéric Toubin, maire délégué de Sombacour qui a récemment rejoint la commune nouvelle de Val d’Usiers.
Les habitants ont « une bonne opinion de ces animaux, personne n’a envie de les tuer », confie l’édile, qui a fait installer jeudi quatre nouveaux panneaux « Attention lynx ! » sur les routes de sa commune pour « inciter les gens à la prudence ».
Au centre des panneaux triangulaires en métal réfléchissant, bordés de rouge, l’automobiliste distingue nettement la silhouette noire d’un lynx adulte, suivi de son petit.
Cette signalisation a été pensée et conçue par le Centre Athénas, spécialisé dans la sauvegarde de l’espèce, classée « en danger » sur la « liste rouge » française des espèces menacées d’extinction de l’Union mondiale pour la nature.
Pour lutter contre les collisions mortelles qui menacent le félin tacheté aux longues oreilles en pinceau, l’association jurassienne a ainsi distribué ses panneaux à plus d’une trentaine de communes volontaires et espère en sensibiliser davantage.
« Mortalité inédite » –
Dans le Doubs et le Jura, où vivent plus de 80% des 150 spécimens adultes recensés en France, 13 lynx ont déjà été victimes de collisions en 2024.
C’est « un niveau de mortalité complètement inédit », déplore le directeur de la structure, Gilles Moyne. A titre de comparaison, l’association avait comptabilisé « 16 individus tués sur les routes au total en 2023 et 25 en 2022 ».
Les collisions représentent en effet « une des principales, sinon la première », cause de mortalité de l’espèce en France, relève le Plan national d’action (PNA) en faveur du lynx lancé par le ministère de la Transition écologique pour la période 2022-2026.
[À lire aussi Le retour du chat forestier en Île-de-France, une bonne nouvelle pour la biodiversité]
Le PNA prévoit notamment de « favoriser les échanges entre les populations de lynx et réduire la mortalité liée aux collisions ».
« La circulation routière augmente de 2 à 3% par an sur le réseau de Bourgogne-Franche-Comté (et) à Sombacour, comme sur d’autres foyers accidentogènes, on a un réseau routier très dense, qui coupe la continuité forestière, avec de nombreux travailleurs frontaliers » qui circulent vers la Suisse, constate M. Moyne. « Le principal levier, c’est l’usager de la route », selon lui.
« Cette signalétique routière a été mise en œuvre à grande échelle en Espagne et elle a fonctionné, les collisions ont diminué », assure-t-il.
« Protection de l’espèce » –
Le défenseur du plus grand félin sauvage d’Europe regrette le rehaussement de la limitation de vitesse de 80 à 90 kmh sur de nombreux axes du Doubs et du Jura: « c’est un mauvais signal envoyé aux automobilistes ».
« Personne n’est à l’abri d’un accident avec un lynx, mais on peut s’arrêter et le signaler », ajoute-t-il, constatant que c’est rarement le cas, par « culpabilité ou indifférence totale ».
La démarche du Centre Athénas se heurte néanmoins à l’impossibilité d’installer ces panneaux, non homologués, sur les routes départementales et nationales, en dehors de l’emprise des communes.
Chargé de la mise en place des panneaux, le garde privé de Sombacour, Yannick Chevalet, a donc pris soin de les installer sur le territoire de la commune, dont le souhait est « d’oeuvrer à la protection de l’espèce ».
Mais, malgré sa discrétion, le lynx a aussi ses détracteurs, regrette Gilles Moyne: « des activistes anti-prédateurs détruisent parfois les panneaux que nous offrons aux communes, comme sur la commune de Chenecey-Buillon (Doubs) et d’Onoz (Jura) où plusieurs ont été cassés, démontés ou volés ».
Les lynx sont parfois la cible de chasseurs qui lui reprochent la concurrence qu’il leur ferait subir pour le gibier. L’animal, réintroduit en France d’où il avait disparu au début du XXe siècle, s’attaque rarement aux troupeaux.
© AFP
Ecrire un commentaire