À la rencontre de la mésange bleue, l’oiseau qui fait chanter l’A69

mésange bleue

Mésange bleue ©Fabrice Croset

La mésange bleue a fait parler d’elle en interrompant les travaux de l’A69 entre Toulouse et Castres. Une nidification a été observée dans un bois sur le tracé de l’autoroute où étaient perchés des militants opposés au projet, appelés les écureuils. L’occasion d’en savoir plus sur cet oiseau, qui, à l’instar de ces opposants, « ne se laisse pas faire » comme l’explique Jeremy Dupuy de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) et responsable du projet « Oiseaux de France ». Une interview de notre rubrique À la rencontre du Vivant pour mieux connaître cet oiseau emblématique qu’il est possible d’observer partout en France métropolitaine.

Quelles sont les caractéristiques de la mésange bleue ?

La mésange bleue appartient au groupe des passériformes, un groupe d’oiseaux dont la particularité est qu’ils ont un organe vocal développé pour pouvoir chanter. C’est pour cette raison qu’on les qualifie d’oiseaux chanteurs, même si des espèces qui n’appartiennent pas à ce groupe chantent également.

C’est l’une des espèces les plus communes d’oiseaux qu’il y a chez nous. On la retrouve de l’Afrique du Nord jusqu’au fin fond de la Sibérie. Elle est présente partout en France sur le territoire national métropolitain, aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. On la retrouve aussi beaucoup en forêts de basses altitudes ou de montagnes.

Est-ce que les mésanges bleues migrent ?

Les comportements migratoires diffèrent selon les régions d’origine. Les populations qui nichent chez nous sont considérées comme plutôt sédentaires ou avec des mouvements de faibles amplitudes après la reproduction. Alors que celles du Nord de l’Europe vont avoir tendance à se déplacer en hiver et potentiellement atteindre la France.

Donc dans un jardin ici, la mésange bleue observée en été en train de se reproduire n’est pas forcément celle qui va être observée l’hiver à la mangeoire. Potentiellement, celle-ci peut être une mésange allemande ou suédoise qui vient passer l’hiver dans un jardin et profiter de la mangeoire.

Un autre aspect intéressant de la mésange bleue est qu’on la qualifie parfois d’invasive. Certains hivers, énormément de mésanges bleues vont débarquer chez nous en provenance des pays du Nord de l’Europe. Et d’autres années on n’en a quasiment pas. Cette migration s’explique probablement par un bon succès dans la reproduction de l’espèce dans le Nord de l’Europe auquel il faut ajouter un manque de ressources alimentaires dans ces régions, ce qui pousse à la migration massive des oiseaux vers le Sud.

Comment se reproduit cet oiseau ?

La mésange bleue est une espèce qui est qualifiée de cavernicole, c’est à dire qu’elle se reproduit dans des cavités. Ça peut être des cavités naturelles, notamment des trous dans les arbres, ou dans des interstices de murs. Il y a une assez grande diversité de sites possibles. C’est aussi une espèce qui affectionne particulièrement les nichoirs mis à disposition dans des jardins ou des boisements. Elle va souvent s’y installer pour élever ses poussins, comme sa cousine la mésange charbonnière.

La mésange bleue est une espèce qui va faire plusieurs nichés au cours de l’été. Elles peuvent faire jusqu’à deux voire trois reproductions durant le printemps et l’été, ce qui va amener les derniers jeunes à s’envoler dans le courant du mois de juillet ou août. Il peut y avoir jusqu’à 10 ou 12 jeunes par niché. Toutefois, c’est une espèce où, comme pour beaucoup d’oiseaux et notamment les petits passereaux, il y a une forte mortalité chez les jeunes dans les premières semaines, voire les premiers mois qui suivent la naissance. Faire beaucoup de petits est donc une stratégie afin de garder un équilibre pour l’espèce perdure.

Est-ce que les mésanges jouent un rôle particulier au sein des écosystèmes ?

Les mésanges bleues et les mésanges en général sont des oiseaux plutôt insectivores, surtout au printemps et en été pendant la période de reproduction. Beaucoup d’oiseaux, lorsqu’ils vont élever les jeunes, vont les nourrir avec des protéines animales c’est à dire essentiellement avec des insectes.

« La mésange bleue est un allié très important du jardinier »

La mésange bleue est alors un allié très important du jardinier parce qu’elle va consommer beaucoup de chenilles de papillons ou de pyrales du buis qui peuvent être des ravageurs de cultures. Bien évidemment, ce n’est pas parce qu’on a un couple de mésanges installé dans le jardin que les salades ne vont pas se faire manger, mais elles permettent quand même de limiter les ravageurs.

L’hiver, comme les insectes se raréfient, certains oiseaux changent de régime alimentaire et basculent plutôt sur des graines. Cela explique aussi en partie pourquoi les mésanges bleues sont très friandes des mangeoires où les personnes vont déposer des graines de tournesol ou des boules de graisse.

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La mésange bleue est une espèce protégée. Ce statut a permis de suspendre les travaux de l’autoroute A69 qui étaient en cours parce qu’une nidification a été observée. Bien qu’elle soit commune, elle est donc menacée et nécessite certaines mesures de protection. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Lorsqu’une espèce a le statut « protégée », qu’elle soit commune ou pas, menacée ou pas, la loi interdit la destruction de cette espèce et de son habitat. Dans le cadre de projets d’aménagement ou de construction, il y a des impacts sur des espèces protégées. Mais c’est rarement la mésange bleue qui est mise en avant car elle se reproduit partout. C’est plutôt un oiseau qui est pris en considération avec tout un autre panel d’espèces aussi protégées.

À la LPO, on recommande d’arrêter les travaux forestiers pendant la période de reproduction, du 15 mars au 31 août, que ce soit chez les professionnels, avec l’entretien des espaces verts des collectivités, que chez le particulier dans son jardin. Cette période est la plus critique pour la nidification des oiseaux, il faut donc éviter tout ce qui l’affecte directement comme élaguer et couper des arbres ou des haies.

Les travaux de l’A69 sont en pause jusqu’au 1er septembre effectivement. Est-ce que ce projet d’autoroute, à terme, peut nuire à l’espèce ?

La construction d’autoroute entraine la perte directe d’habitat. On va remplacer de l’habitat favorable par du bitume, de la pollution et de la circulation qui augmente le risque de collision. Or, on sait que la collision routière est un facteur important de mortalité chez les oiseaux.

« La collision routière est un facteur important de mortalité chez les oiseaux. »

Ensuite, il est difficile pour l’instant de dire à quel point l’espèce sera impactée par ce projet à l’échelle locale ou globale. La mésange bleue sera impactée dans la région, mais peut être à une moindre mesure que d’autres espèces présentes localement.

Quelles sont les autres menaces qui pèsent sur la mésange bleue ?

Le réchauffement climatique peut impacter cette espèce-là, bien que la mésange bleue soit considérée comme une espèce généraliste, c’est à dire qu’elle occupe une grande diversité d’habitats. Elle possède ainsi une capacité d’adaptation assez importante à différents environnements.

« L’urbanisation et l’artificialisation de l’environnement […], c’est de la perte directe d’habitat. »

En revanche, il est clair qu’aujourd’hui l’urbanisation et l’artificialisation de l’environnement lorsqu’on construit une zone industrielle, des parkings, des lotissements, … : tout ça, c’est de la perte directe d’habitat. Des boisements, des haies, des champs se retrouvent du jour au lendemain avec du bitume et des voitures ce qui affecte fortement les espèces vivant dans ces milieux-là. Et l’agriculture, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui avec cette forte utilisation de produits phytosanitaires ou d’insecticides, a tendance à faire diminuer les populations d’insectes.

On s’aperçoit que même les espèces plutôt bien adaptées aux conditions actuelles, ces fameuses espèces généralistes, pâtissent aussi finalement de ce phénomène-là. La disparition d’insectes ne touche pas uniquement les espèces qui sont spécialisées des milieux agricoles.

Comment aménager son jardin ou son balcon pour les protéger ?

La pose de nichoirs peut être vraiment intéressante, notamment dans des contextes urbains ou suburbains où ils remplacent des arbres qui ont été coupés et qui offraient des habitats de reproduction aux mésanges.

Et puis il y a le fait de recréer de la biodiversité dans son jardin, en plantant des essences locales si possible, en évitant le plus possible de tondre et de débroussailler. C’est-à-dire laisser la végétation se développer pour créer des refuges pour la biodiversité, notamment pour les insectes qui fourniront de la nourriture aux mésanges.

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Et en période hivernale, comme on sait qu’elles fréquentent beaucoup les mangeoires, en installer, uniquement de novembre à février voire mars, est intéressant pour les aider à passer la saison. Ça ne sert à rien de nourrir les mésanges en été parce que, premièrement, elles ne viendront quasiment pas car elles préfèrent se nourrir d’insectes à ce moment-là. Et deuxièmement, c’est une période d’abondance de nourriture donc il n’est pas nécessaire de les aider.

Et quelle nourriture peut-on donner aux mésanges bleues ?

Surtout, il faut leur donner de la nourriture adaptée à leur régime alimentaire. Il existe énormément de conseils disponibles sur le site de la LPO. Les graines de tournesol sont vraiment l’alimentation la plus saine. Il faut éviter les nourritures transformées et les boules de graisse qui ne sont pas forcément très bonnes pour les oiseaux, même s’ils les apprécient. Et il ne faut pas leur donner de pain.

« Lorsqu’on commence à nourrir les oiseaux en hiver, il faut le faire tout au long de la saison. »

De plus, lorsqu’on commence à nourrir les oiseaux en hiver, il faut le faire tout au long de la saison. Les oiseaux ont tendance à stationner sur le secteur et s’il n’y a plus de nourriture pendant quelques jours, ils peuvent rencontrer des difficultés à s’alimenter. En effet, ils vont attendre qu’il y ait de quoi manger sur le site. Or, les périodes hivernales sont assez sensibles pour ces oiseaux parce qu’ils ont besoin de s’alimenter tous les jours, ils n’ont pas trop les moyens de passer de longs moments sans se nourrir.

Comment observer les mésanges bleues ?

La mésange bleue est relativement facile à observer. Dès que vous allez dans un parc, dans un milieu un peu naturel ou même dans votre propre jardin, vous avez de grandes chances d’avoir de la mésange bleue. Le mieux est tout simplement de s’acheter une petite paire de jumelles si on est débutant.

Toute personne qui dispose d’une mangeoire en hiver, et qui aime bien regarder les oiseaux, observera sans aucun doute des mésanges bleues.

Il est possible de s’amuser à essayer de différencier les mâles des femelles en repérant un petit dimorphisme assez simple et visible sur certains individus : chez le mâle, les parties bleues sont beaucoup plus intenses, voire un peu fluo, que chez la femelle.

Enfin, la mésange s’écoute aussi. Elle chante beaucoup au printemps. Il suffit d’apprendre à reconnaître son chant. C’est un bon indice de sa présence.

Auriez-vous un souvenir marquant avec une mésange bleue ?

Ça serait lorsqu’on fait des bagages d’oiseaux. Le bagage est une activité scientifique qui est encadrée par le Muséum national d’histoire naturelle. On pose une petite bague sur l’oiseau avec un code unique avec comme objectif de le recapturer plus tard pour voir s’il s’est déplacé, obtenir des mesures sur la survie, la longévité …

« Une espèce très mignonne, très petite mais avec un fort caractère et elle ne se le laisse pas faire ! »

On capture très régulièrement les mésanges bleues et c’est toujours assez douloureux de les baguer parce qu’on est quasiment sûr de se faire pincer. C’est une espèce toute petite mais qui a un petit bec pointu et très robuste. La mésange bleue a toujours tendance à venir pincer avec son bec aux endroits les plus sensibles du bout des doigts.

C’est vraiment une espèce très mignonne, très petite mais avec un fort caractère et elle ne se le laisse pas faire !

Propos recueillis par Louise Chevallier

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Pour aller plus loin : 

Site de la LPO : Accueil LPO.fr – LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) – Agir pour la biodiversité

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Un commentaire

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    • Legros

    Bonjour. Je souhaite une plaque indiquant que mon jardin est un lieu de protection des oiseaux. Merci