Relations de bon voisinage: les bonobos offrent un aperçu des alliances humaines d’antan

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Cette photo non datée fournie par le Kokolopori Bonobo Research Project montre la toilette des primates en République démocratique du Congo © Kokolopori Bonobo Research Project/AFP Martin SURBECK

Washington (AFP) – Les êtres humains sont capables de former des alliances stratégiques avec d’autres humains au-delà de leur cercle familial ou de leurs proches.

Selon une étude publiée jeudi dans le journal Science, ils ne sont pas les seuls. Les bonobos font équipe avec des étrangers dans des domaines variés, comme pour faire leur toilette, partager leur nourriture, voire forger des alliances contre des agresseurs sexuels.

Liran Samuni, l’auteure principale de l’étude et membre du Centre allemand des primates de Goettingen, explique à l’AFP qu’étudier les primates revient à ouvrir « une fenêtre sur notre passé », en fournissant des indices sur la manière dont les humains se sont mis à collaborer à plus grande échelle.

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Les bonobos (Pan paniscus) sont avec les chimpanzés (Pan troglodytes) les êtres vivants les plus proches de l’espèce humaine. Bonobos et chimpanzés sont également très proches.

Les relations entre chimpanzés, qui sont hostiles et susceptibles de déboucher sur des violences mortelles, sont très étudiées, à la différence des interactions entre bonobos, une espèce en danger.

Ces primates sont difficiles à observer dans leur habitat naturel car ils vivent dans des régions reculées de la République démocratique du Congo (RDC).

A cause des conclusions sur les chimpanzés, certains chercheurs ont déduit que l’hostilité contre l’étranger était inhérente à la nature humaine, même cachée sous le vernis des normes sociales.

Liran Samuni et Martin Surbeck, professeur à Harvard et fondateur de la Kokolopori Bonobo Reserve, en RDC, ont étudié les singes pendant deux ans.

« La première chose qu’ils font (…) c’est essayer de s’enfuir », dit Martin Surbeck à l’AFP, expliquant qu’il a fallu du temps aux bonobos pour oublier la présence des humains et se comporter normalement.

Les chercheurs se levaient à 04H00 du matin pour marcher dans la forêt avec l’aide de leurs guides locaux jusqu’aux groupes de bonobos et suivre leurs activités toute la journée.

Ils se sont concentrés sur deux petits groupes de 11 et 20 adultes, constatant avec étonnement qu’ils passaient 20% de leur temps ensemble, à manger, se reposer, se déplacer.

« Chaque individu est différent », dit Liran Samuni. « Il y a les introvertis, les extravertis, il y a ceux qui sont plus sociables que d’autres. »

Les chercheurs ont également observé que la coopération entre les deux groupes était essentiellement impulsée par quelques individus qui avaient déjà tendance à être les plus coopératifs à l’intérieur de leur propre groupe.

Ces individus entraient en relation avec les bonobos sociables de l’autre groupe, créant un système de bénéfice mutuel ou « d’altruisme réciproque ».

Chimpanzé ou bonobo?

Les scientifiques ont également constaté que les femelles, au sein de leur propre groupe ou alliées avec celles de l’autre groupe, formaient des coalitions pour chasser un individu d’un arbre fruitier ou empêcher l’avance sexuelle non désirée d’un mâle.

« Nous ne voyons pas chez les bonobos la coercition sexuelle fréquente chez les chimpanzés », poursuit Mme Surbeck, expliquant que c’est peut-être en partie dû à l’entraide entre femelles.

Pour les auteurs, cette étude offre un « scénario alternatif » à celui qui voudrait que la coopération aille à l’encontre de la nature humaine, ou qu’elle naisse des connexions entre familles élargies.

Mais « cela ne signifie pas que la reconstruction du passé humain doit être fondée uniquement sur les bonobos », juge Joan Silk, scientifique de l’Université d’Etat de l’Arizona.

Les chimpanzés sont plus proches de l’homme par d’autres aspects: ils se servent, par exemple, davantage d’outils et chassent des proies animales.

Les chimpanzés mâles forment des liens étroits avec d’autres mâles et soutiennent leurs agressions tandis que les bonobos mâles forgent des liens forts avec les femelles.

Comprendre le processus de sélection qui a abouti à ces divergences « pourrait aider à élucider comment et pourquoi les hommes sont devenus des primates si surprenants », conclut-elle.

© AFP

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