En Tunisie, du plastique marin transformé en une marque de mode éco-responsable

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Des collecteurs de déchets informels, connus en Tunisie sous le nom de " barbéchas", ramassent des bouteilles en plastique sur la plage des îles Kerkennah, à environ 20 km de la ville portuaire de Sfax, le 3 août 2023 © AFP IMED HADDAD

Kerkennah (Tunisie) (AFP) – Deux hommes en combinaison rouge ramassent des bouteilles en plastique sur une plage. Ces collecteurs informels ne savent pas qu’elles se transformeront bientôt en une robe en denim de la collection Outa, première marque « éco-responsable » en Tunisie.

Ils sont une quinzaine de « barbéchas » — collecteurs informels — à participer au programme « Kerkennah Plastic Free », soutenu par l’Union européenne, pour la valorisation des 7.000 tonnes de déchets plastiques qui viennent joncher chaque année les îles Kerkennah (sud-est).

Sur l’archipel, « on a un environnement enthousiasmant en termes de nature et de calme, idéal pour le tourisme vert, avec un passage d’oiseaux migrateurs, des herbiers de posidonies », décrit à l’AFP Jean-Paul Pélissier, de l’institut agronomique CIHEAM de Montpellier (France), coordinateur du projet.

Mais « il y a un élément qu’on ne voit jamais sur les photos, c’est le plastique », souligne-t-il, déplorant un « déficit de collecte des ordures » et des courants marins qui charrient le plastique européen vers les côtes tunisiennes.

Les « barbéchas », mieux équipés grâce au projet « Kerkennah Plastic Free », apportent leur récolte quotidienne à un trieur qui transmet à une entreprise de collecte puis à un broyeur.

Un partenariat a été noué avec Seaqual, un consortium international d’entreprises et ONG, qui achète ce plastique marin « à un prix rémunérateur et stable toute l’année », explique M. Pélissier.

 « Made in Tunisia »

Travailler pour Seaqual constitue un nouveau débouché pour Omar Kcharem, patron de Kerkennah Plast (compacteur et broyeur de plastique), car le plastique marin « n’a pas beaucoup de valeur et ne rapporte pas d’argent ».

Les granulés issus du broyage sont transformés en fibre nylon par Seaqual au Portugal, dans l’une des quatre seules usines au monde dotées de cette technologie.

« C’est une innovation. Il y a quatre ou cinq ans, on ne pouvait pas recycler le plastique marin, qui séjourne dans une eau salée et est exposé au soleil », note M. Pélissier, soulignant que Seaqual utilise 10% de plastique marin dans la composition de son fil polyester, avec l’objectif d’accroître fortement cette proportion.

Mis à part la fibre fabriquée à l’étranger, tout le processus est « Made in Tunisia ».

Dans un bruit infernal, une énorme machine tisse du denim à partir de fil Seaqual dans l’établissement ultra-moderne Sitex, à Ksar Hellal (centre-est).

Anis Montacer, fondateur de la marque de tissu et de mode Outa, a noué un partenariat avec Sitex, spécialiste tunisien du denim et fournisseur d’Hugo Boss, Zara ou Diesel.

Il l’a choisi « pour sa sensibilité à l’environnement parce qu’en 2022, 70% de leur fabrication était basée sur des fibres recyclées ».

« Nous avons collaboré pour déterminer la force du fil adéquate et la teinture indigo appropriée », précise-t-il. Une collaboration qui va se poursuivre pour élargir la gamme chromatique d’Outa à des teintures naturelles.

 « Haute valeur ajoutée »

M. Montacer tient à l’identité tunisienne d’Outa: « tout le processus se déroule à 99% en Tunisie, avec le denim transformé en chaîne et trame à Ksar Hellal jusqu’aux couturières tunisiennes pour la confection finale ».

Le fondateur de la marque a fait appel à la styliste française réputée Maud Beneteau, ancienne de chez Hedi Slimane, pour dessiner une première collection Haute Couture.

Il dit avoir « opté pour une collection à haute valeur ajoutée » parce que le coût de production est 20% plus élevé qu’un denim sans déchets marins.

Mais l’initiateur d’Outa pense pouvoir « fédérer d’autres entrepreneurs et inspirer les stylistes afin de produire des collections éco-responsables ».

Outa a fait ses premiers pas en juin à la Fashion Week de Tunis.

Maud Beneteau a vu « un défi et une dimension humaine dans ce beau projet, en accord avec l’idée de préserver la planète ».

Elle reconnaît avoir eu des difficultés à travailler « un tissu stretch, un peu épais et raide, destiné à l’origine au prêt-à-porter et sportswear, pour en faire des robes haute couture ».

Cette styliste, qui a l’habitude « de matières magnifiques comme la soie, des cotons ou du lin », a au départ hésité à utiliser une fibre polyester.

Mais au bout du compte, cette matière a acquis à ses yeux ses lettres de noblesse, « quand on pense qu’elle est recyclée, écologique, qu’il y a des emplois créés, des gens qui ramassent le plastique, toute une chaîne très intéressante ».

© AFP

Un commentaire

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    • Nebil jenifene

    Il ne faut oublier que ce projet a été financer aussi par ETAP entreprise tunisienne des activités pétrolière.