Aux Etats-Unis, l’emblématique pêche de Géorgie victime du changement climatique

virginie peches

Des pêches cultivées pour développer de nouvelles variétés de ce fruit sur le campus de l'université de Géorgie, à Griffin (Etats-Unis), le 13 juillet 2023 © AFP Agnes BUN

Concord (Etats-Unis) (AFP) – De loin, tout paraît normal. Des pêchers bien alignés, dont les feuilles vertes remuent au vent, près d’une jolie petite ferme américaine. Mais le producteur, Stuart Gregg, a beau fouiller dans les branches, impossible de trouver un seul fruit. « Nous n’avons pas de récolte cette année », soupire-t-il.

Ses précieuses pêches, comme celles de la plupart des autres agriculteurs en Géorgie, ont été décimées. Extrêmement inhabituel pour cet Etat du Sud, si étroitement associé à cette production qu’il est surnommé le « Peach State ».

L’hiver a été anormalement doux, ce qui a provoqué l’éclosion des fleurs de pêchers tôt dans la saison. Sauf qu’en mars, les températures ont chuté en dessous de zéro, bien trop froid pour les délicats bourgeons.

« Quand on est allé voir, on ouvrait une fleur de pêcher, morte, une autre fleur de pêcher, morte », se remémore Stuart Gregg, 29 ans. « C’est affreux de voir ça. »

Trois jours de gel ont suffi pour tuer une récolte entière. Sur les quelque 28 hectares cultivés par Gregg Farms, une petite ferme familiale à Concord, il ne reste qu’une poignée de noyaux tombés au sol.

Du jamais vu en 20 ans, et un manque à gagner « à six chiffres », se désole le jeune homme, mèche de cheveux bruns sur le front.

A contrecoeur, la famille a dû se résoudre cet été à ne pas ouvrir les portes de sa ferme aux clients, qui viennent habituellement cueillir les pêches ou déguster des glaces. A l’entrée, une grande pancarte rouge les invite à revenir « en 2024 ».

 90% de perte

Cette année, environ 90% de la récolte dans l’Etat a été perdue, selon les experts, qui préviennent que cela arrivera de plus en plus souvent à cause du changement climatique, qui avance le bourgeonnement.

A terme, certaines variétés de pêches anciennes, qui ont besoin d’un hiver froid, « ne pourront plus du tout être cultivées en Géorgie », explique Pam Knox, climatologue agricole à l’université de Géorgie.

Ce fruit juteux et sucré est pourtant une institution dans l’Etat. « Rien n’égale une pêche de Géorgie », assure d’ailleurs fièrement Stuart Gregg.

Dessinée sur les plaques d’immatriculation, incontournable sur les menus des restaurants, la pêche est partout – sauf, cette fois, sur les arbres.

Pour aider les producteurs locaux à s’adapter, Dario Chavez, professeur d’horticulture spécialiste de la pêche, développe de nouvelles variétés hybrides plus propices à un hiver doux.

« On a un rôle de marieurs », explique cet homme à la chevelure bouclée qui habite, de façon appropriée, à Peachtree City. Grâce au laboratoire et au verger de l’université de Géorgie, il peut par exemple croiser des espèces choisies pour leur goût délicieux, leur bon rendement ou leur adaptation aux climats plus chauds.

Dario Chavez, 39 ans, travaille avec des fermiers, qui ne sont « pas apeurés par le changement », selon lui. Mais le processus est long. « Ce qu’on fait aujourd’hui pourrait mettre 15 ans à voir le jour », explique-t-il au milieu de ses pêchers, chapeau sur la tête.

Certains agriculteurs font aussi désormais pousser des fruits qui n’étaient auparavant cultivés que plus au sud, comme des agrumes.

« Avec le temps, comme il fait plus chaud en Géorgie, ils testent d’autres espèces, comme les pamplemousses ou même quelques oranges », note Pam Knox.

Myrtilles en péril

Mais le climat ne menace pas que les pêches. Les myrtilles, également très importantes en Géorgie, en souffrent aussi.

Stuart Gregg et sa famille, qui en cultivent aux côtés de leurs pêchers, ont perdu environ 75% de leur petite production cette année. « On a toujours eu beaucoup de myrtilles, mais depuis deux ou trois ans plus vraiment », déplore-t-il en balayant de la main les quelques petites boules violettes encore sur les arbustes.

Le jeune homme, dont les grands-parents ont monté l’exploitation dans les années 1970, préfère ne pas s’avancer sur les raisons pour lesquelles la saison 2023 a été désastreuse.

« On n’est pas franchement des scientifiques », dit-il. « Je ne peux pas vraiment m’inquiéter du changement climatique, de si ça va arriver ou non. On fait ce qu’on peut. »

Si un fruit plus résistant est développé, il serait ravi d’essayer de le cultiver. En attendant, Stuart Gregg pense au prochain été, qu’il imagine déjà riche en pêches bien mûres et clients ravis, et le sourire revient sur ses lèvres.

Les mauvaises récoltes font partie de la vie d’une ferme, rappelle-t-il. « Vous savez, les jeux de hasard et l’agriculture, ce n’est pas si différent. Chaque année, c’est comme si on lançait les dés. »

© AFP

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